Subprimes, tarissement du crédit, Lehman Brothers, Grèce, credit default swaps (CDS), avenir de l'euro... La presse suit jour après jour les catastrophes devenues quotidiennes mais, malheureusement, le plus souvent "le nez dans le guidon". Le risque est grand, quand l'attention n'est accordée qu'au coup par coup, que le fil rouge mortifère du risque systémique ne devienne invisible.
Pourtant, le fil rouge est là, qui relie ces événements entre eux. La preuve en est que, quand a lieu une catastrophe, la suivante est déjà en pleine lumière.
La tentation est grande de focaliser l'attention sur chacun de ces désastres et de l'interpréter comme un phénomène déjà connu. Ainsi, il y a des fourmis et des cigales - la Grèce est une cigale et l'Allemagne, une fourmi. Les CDS sont des instruments dérivés - à manipuler avec précaution. Chrétiens-démocrates et libéraux tirent à hue et à dia au sein du gouvernement d'Angela Merkel - comment pourrait-il en être autrement ? La France et l'Allemagne se disputent - une fois de plus...
La situation est malheureusement bien plus dramatique. Car le fil rouge relie la Grèce au Portugal et celui-ci à l'Espagne, et cette dernière au Royaume-Uni... De la même manière qu'il reliait, il y a deux ans à peine, Bear Stearns à Lehman Brothers et Lehman Brothers à Merrill Lynch. Il est alors devenu manifeste, lorsque le gouvernement américain a sauvé d'un coup ce qu'il restait de Wall Street, la compagnie d'assurances AIG et les jumeaux maudits du refinancement du crédit immobilier Fannie Mae et Freddie Mac - opération au prix combiné de près de 1 000 milliards de dollars (741 milliards d'euros) -, que c'était l'Etat américain lui-même qui s'en trouvait déséquilibré et se mettait à chanceler. Et les Etats-Unis n'étaient pas, parmi les nations, les plus vulnérables.
Après les banques, c'est donc au tour des Etats, entraînés à leur suite, de perdre pied. La dette souveraine et son coût croissant les enverront un à un par le fond. Comme ces sauveteurs de bonne volonté mais inexpérimentés, qui finissent par y laisser la vie.
Qu'on ne s'y trompe pas : les chamailleries récentes au sein de la zone euro ne relèvent pas de la comédie mais de la tragédie. Suivons du regard le fil rouge : ce que nous voyons, c'est le repli des nations sur elles-mêmes dans un "sauve-qui-peut ! chacun pour soi !" généralisé. La Chine et l'Allemagne ont indiqué la marche à suivre.
Il faudra donc bientôt mettre en place des gouvernements d'unité nationale, quand il sera devenu évident qu'aucun parti ne connaît à lui tout seul la réponse aux problèmes inextricables qui se posent. Et il faudra ensuite passer à des comités de salut public, quand il sera clair que même tous ensemble ils n'y comprennent rien et - si Dieu nous prend alors en pitié -, on en viendra enfin à un nouveau Conseil national de la Résistance, au moment où il faudra, par-delà les divergences conçues aujourd'hui comme inconciliables, lancer une ultime tentative pour sauver ce qui peut encore l'être.
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