Mes chères contrariées, mes chers contrariens !
Je déjeunais ce midi avec un camarade très
contrarié. Entre la poire et le fromage, il me glisse que la
société Carmignac Patrimoine a
été condamnée par l’AMF… Non, pas
possible… Si, si ! Alors forcément, il fallait que je me
jette une fois devant mon écran d’ordinateur sur mon ami Google
afin d’en savoir un peu plus.
Effectivement, la société Carmignac
a bien été retoquée par l’AMF. (Vous
apprécierez l’utilisation du terme
« retoqué » qui ne signifie pas être
condamné, ni non plus être innocent. Si je fais attention,
c’est que je ne veux pas de procès, je n’ai pas les moyens
de payer 500 000 euros d’amendes, donc il faut ruser avec le
vocabulaire utilisé.)
Non, la société Carmignac,
avec ses 52 milliards d’euros sous gestion, est sans doute
« too big too jail »…
(un nouveau concept anglo-saxon signifiant « trop gros pour
être mis en prison » !!).
Alors que s’est-il passé, car il s’est bien
passé quelque chose de « significatif »
(là aussi vous apprécierez mes circonvolutions verbales).
« ACCORD
DE COMPOSITION ADMINISTRATIVE »
Vous et moi, si on fait une bêtise, nous sommes
condamnés, emprisonnés, embastillés, mis à
l’amende, on nous remplit le « casier »
(judiciaire), on nous rend inéligible ou ce genre de joyeuseté
fortement dissuasive pour le commun des mortels.
Dans le monde des Bisounours de la finances
française, lorsque vous commencez à
« compter », entendez par-là lorsque vous pesez
quelques milliards, vous avez droit à un « accord de
composition administrative ». Que c’est beau le
français. Une telle richesse dans le choix des mots juxtaposés
permettant la créativité débridée de nouveaux
concepts… Proprement merveilleux.
Donc tenez-vous-le pour dit braves épargnants, la
Société Carmignac n’a pas été
condamnée. Non, bien sûr que non. La société Carmignac a bénéficié (le mot
« bénéficier » est positif en soi,
c’est une bonne nouvelle en général que de
bénéficier de quelque chose) d’un accord de composition
administrative.
Vous pourrez lire le communiqué officiel de l’AMF
ci-dessous et admirer l’élégance de la Novlangue
administrative de notre Autorité des Marchés Financiers.
Ce qui a
été reproché à Carmignac
Nous avions avec Olivier Delamarche un
débat sur les rendements actuels proposés par les produits
financiers aux épargnants de France et de Navarre. Enfin débat
est un bien grand mot dans la mesure où nous sommes globalement
d’accord sur tout ou presque.
L’idée c’est de dire qu’il n’y a pas de
miracle. Il est très difficile de faire certaines performances et
encore moins de rattraper certaines mauvaises performances.
Il y a donc un point important à surveiller qui est
l’évolution des performances. Un fonds qui fait moins quelques
pour cent au mois 10 et qui au mois
11 passe de – x à + y % de performance, c’est
généralement difficilement explicable.
Comme me l’a enseigné lorsque j’étais jeune
un vieux briscard de commissaire aux comptes, Charles, regarde toujours,
toujours les variations. Ce sont dans les variations que se cachent les
problèmes…
C’est un peu ce qui est arrivé à Carmignac et qui a sans doute attiré les regards
des fins limiers de l’AMF.
En clair, pour compenser des pertes, Carmignac
a pris des positions particulièrement risquées sur des produits
dérivés qui n’étaient pas forcément
éligibles dans les fonds concernés avec des clients
épargnants encore moins prévenus ou avisés des risques
potentiels encourus par ces positions.
Rendons
justice à Carmignac
Heureusement, pour les épargnants ayant investi chez Carmignac, tout s’est bien passé. Cela a
même été générateur d’excellentes
performances… mais au prix d’un risque très fort.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tout cela finalement
peut être ramené à une histoire de chance.
N’importe quel boursicoteur ayant un tant soit peu
d’expérience sait que la chance en bourse va et vient.
Plus vous faites d’opérations, plus un jour ou
l’autre vous aurez à subir une perte plus ou moins importante,
aussi brillant que vous soyez. Personne ne gagne à tous les coups.
Même les meilleurs.
Ce
qu’il faut retenir de cette affaire
L’AMF, à qui j’ai récemment consacré
un papier sur une mise en garde sur les placements alternatifs et les taux
alléchants de rendement proposés par certains, a oublié
d’étendre cette mise en garde y compris aux fonds communs de
placement les meilleurs, et qui pour certains comme Carmignac
gèrent 52 milliards d’euros… Ce n’est pas rien, et
cela concerne beaucoup de monde !!
Alors ne soyez pas naïfs, lorsqu’une maison, même si
elle est très connue et très renommée sur la place de
Paris, offre des performances alléchantes, bien souvent elle est
obligée de prendre des risques que vous ne souhaiteriez pas la voir
prendre. Or, et c’est là où les choses deviennent un peu
hypocrites, c’est que les épargnants veulent gagner le
maximum… et sont bien contents lorsque c’est le cas, et que
c’est pour ça qu’ils vont aller chez Carmignac,
… pour ses performances !!
Il ne faut
pas vouloir gagner !
Nous sommes dans une période économique d’une
extrême complexité et d’une grande dangerosité pour
le patrimoine des gens.
Dans ce moment où l’essentiel des cartes
financières risque d’être rebattu dans les mois ou
années qui viennent, l’épargnant raisonnable ne doit
avoir qu’un seul souci en tête, une seule stratégie :
PRÉSERVER SON PATRIMOINE.
Or préserver votre patrimoine n’est en aucun cas
compatible avec une recherche à court terme de rendement.
Ce que vous ne gagnerez pas aujourd’hui ou demain, vous le
retrouverez certainement après-demain, sous la forme du maintien de
votre pouvoir d’achat, et c’est cela que vient de vous montrer
cet accord entre Carmignac et l’AMF. Le
rendement, aujourd’hui, c’est un risque très, très
fort.
Vous pouvez continuer à courir après quelques pour cent.
Ce n’est pas ma vision.
Vous pouvez courir après les réductions
d’impôts… mais hélas souvent dans ce cas on oublie
de savoir si le placement va être bon en soi alléché
uniquement par une carotte fiscale.
Alors encore un fois, ne vous trompez pas de combat. Le monde va
changer et votre objectif doit être uniquement la
pérennité de votre capital.
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
ACCORD DE
COMPOSITION ADMINISTRATIVE CONCLU LE 10 JUILLET 2012 AVEC LA SOCIÉTÉ
CARMIGNAC GESTION
Conformément aux dispositions de l’article L. 621-14-1 du
code monétaire et financier, cet accord a été validé
par le Collège de l’AMF puis homologué par la Commission
des sanctions.
Vu les articles L. 621-14-1 et R. 621-37-1 à R. 621-37-4 du
code monétaire et financier,
Conclu
Entre :
Monsieur Thierry Francq, en qualité
de Secrétaire Général de l’Autorité des
marchés financiers, dont le siège est situé 17 Place de
la Bourse 75 002 Paris,
Et :
La société Carmignac Gestion,
société anonyme au capital de 15 000 000 euros,
immatriculée au RCS de
Paris sous le numéro B 349 501 676, dont le siège social est situé 24 place
Vendôme, 75 001 Paris, représentée par son
Président-Directeur Général, Monsieur Edouard Carmignac, domicilié audit siège,
I) Il a préalablement été rappelé ce qui
suit :
1) La société Carmignac
Gestion est une société de gestion de portefeuille, qui a
été agréé le 13 mars
1997.
Le 19 juillet 2010, le Secrétaire Général de
l’Autorité des marchés financiers (ci-après
« AMF ») a ouvert une procédure de contrôle portant
sur le respect par cette société de ses obligations
professionnelles. Le contrôle a principalement porté sur la
période d’août 2008 à août 2010.
Sur la base du rapport de contrôle, et connaissance prise des
observations présentées le 20 juin 2011 par
Carmignac Gestion en réponse
à ce rapport, le Collège de l’AMF lui a, par lettre
recommandée du
22 mars 2012, notifié des griefs, en assortissant cette
notification d’une proposition d’entrée en voie de composition
administrative, conformément aux
articles L. 621-14-1 et R. 621-37-1 du code monétaire et
financier.
Le premier grief reproche pour l’essentiel à la
société Carmignac Gestion de
n’avoir pas diffusé une information suffisante pour permettre
aux porteurs du fonds Carmignac Investissement
d’appréhender le recours à des positions de taux et de
change et aux porteurs du fonds Carmignac
Patrimoine d’appréhender le recours à des positions de
change, alors que ces recours étaient de nature à engendrer une
exposition significative de l’actif net des fonds.
Le deuxième grief relève principalement le fait que Carmignac Gestion, au cours de l’année 2010,
aurait
investi, dans le cadre de la gestion des trois fonds CPR 50 , CPR 75 ,
CPR 100 , dans des instruments financiers complexes, en mettant en place des
stratégies d’achat d’options à barrière
portant sur la parité euro/dollar, ainsi que, dans le cadre du FCP
CIL, des stratégies sur l’or, en contradiction avec son
programme d’activité et sans pleinement informer les porteurs du
recours à ces instruments financiers à terme.
Le troisième grief vise le fait que Carmignac
Gestion n’aurait pas mis en œuvre un contrôle des risques adapté
à son activité. En particulier elle n’employait
qu’un seul contrôleur des risques, alors que son programme
d’activité en annonçait deux, et elle n’avait pas
averti l’AMF de la modification du rattachement hiérarchique de
ce dernier. De plus, en appréciant les risques en recourant à
la méthode linéaire et non à la méthode de la
Value at Risk (VaR), comme elle l’avait indiqué à
l’AMF, Carmignac Gestion n’aurait pas
mis en œuvre une procédure permettant d’identifier de
manière adaptée et suffisante tous les risques liés aux
stratégies de gestion mises en œuvre, compte tenu notamment du
recours à certains instruments financiers à terme complexes. La
société de gestion de portefeuille n’aurait pas
procédé à un suivi et une analyse des risques de
liquidité suffisants, puisque le processus mis en place se limitait
aux risques liés à la poche actions des OPCVM.
Par lettre du 18 avril 2012, la société Carmignac Gestion a informé le Secrétaire
Général de l’AMF qu’elle acceptait l’offre
d’entrée en voie de composition administrative qui lui avait
été faite.
Toutefois, Carmignac Gestion entend
préciser que ni cette acceptation, ni le présent accord ne
permettent de considérer les faits comme avérés ou
reconnus. Elle estime que :
- le contrôle mené par l’AMF couvre une
période de crise financière mondiale d’une exceptionnelle
gravité au cours de laquelle la société de gestion, dans
le souci unique de protéger les avoirs de ses clients, a jugé
indispensable le recours accru aux opérations de change et sur
instruments dérivés, opérations qui ont permis
d’amortir de façon significative la chute brutale des
marchés d’actifs ;
- concernant le premier grief, les opérations de change et de
taux sur les fonds Carmignac Investissement et Carmignac Patrimoine étaient conformes à la
règlementation et aux prospectus des fonds ;
- concernant le deuxième grief, le nombre
d’opérations identifiées comme portant sur
dérivés complexes sur les fonds CPR 50, CPR 75, CPR 100 et CIL
était extrêmement restreint ; que de plus, le risque encouru par
les stratégies mises en œuvre était limité,
identifié et quantifié ; que ces opérations ont eu une
contribution positive à la performance des fonds concernés ;
- concernant le troisième grief, tout en reconnaissant que la
mise à jour de son programme d’activité aurait dû
être communiquée plus tôt à l’AMF, les moyens
techniques et humains de son dispositif de contrôle des risques lui
permettaient un suivi rigoureux des 19 OPCVM gérés par la
société. En particulier, Carmignac
Gestion se conformait à une limitation stricte de ses engagements
dérivés en incluant les positions de change à terme dans
le calcul selon la méthode linéaire, une limitation
sensiblement plus contraignante que celle découlant du calcul de la VaR ; que la somme des liquidités, des instruments
monétaires et des emprunts d’État liquides a
été, en moyenne, de 47 % de l’actif total du fonds Carmignac Patrimoine sur toute la période couverte
par le contrôle ;
- enfin, elle a depuis lors poursuivi l’amélioration de
ses dispositifs, tant en ce qui concerne l’information
communiquée au public que le contrôle et la gestion des
risques.
2) Conformément à la loi, le présent accord ne
prendra effet que s’il est validé par le Collège de
l’AMF, puis homologué par la Commission des sanctions de
l’AMF.
Si tel est le cas, la Commission des sanctions ne pourra pas
être saisie des griefs notifiés dans la lettre du
22 mars 2012 adressée à la société Carmignac Gestion, sauf en cas de non-respect par
celle-ci des engagements prévus dans le présent accord. Dans
cette dernière hypothèse, la notification de griefs serait
transmise à la Commission des sanctions qui ferait application de
l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.
II) Le Secrétaire Général de l’AMF et Carmignac Gestion ont engagé des discussions et
ont convenu ce qui suit :
ARTICLE 1 : Engagements de la société Carmignac Gestion
1.1 Engagement de Carmignac Gestion de payer
au Trésor Public une somme de 500 000 euros
La société Carmignac Gestion
s’engage à payer au Trésor Public la somme de 500 000
euros, dans un délai d’un mois à compter de la
notification de l’homologation du présent accord par la
Commission des sanctions de l’AMF.
1.2 Engagements de Carmignac Gestion de maintenir les mesures correctrices
déjà adoptées :
Le Secrétaire Général de l’AMF prend acte
du fait que (a) la société Carmignac
Gestion a complété, à partir du début de
l’année 2011, un certain nombre de documents
d’informations relatifs aux fonds gérés et notamment aux
fonds Carmignac Investissement et Carmignac Patrimoine ; que (b) elle a pris des mesures
afin que des instruments financiers complexes qui pourraient apparaitre comme
non conformes aux prospectus ou au programme d’activité ne
soient désormais plus utilisés ou, s’ils devaient
l’être, pour que les opérations soient
immédiatement liquidées ; que (c) elle a modifié
certaines de ses procédures de mesure et de contrôle des
risques, et qu’elle dispose dorénavant de trois
contrôleurs des risques. Le Secrétaire Général
prend également acte du fait que Carmignac
Gestion s’engage à maintenir ces mesures.
Plus précisément, il est rappelé que la
société Carmignac Gestion a, afin, en
particulier, de compléter l’information donnée à
ses clients :
- mentionné dans les prospectus des fonds les moteurs de performance taux,
devises et instruments dérivés et la mesure de
l’engagement selon la méthode probabiliste ;
- précisé dans les rapports annuels des fonds les
contributions apportées par les opérations sur instruments
dérivés ;
- détaillé dans les rapports de gestion mensuels et
trimestriels les expositions nettes devises, les Value at
Risk du fonds et de l’indicateur de
référence, les contributions des portefeuilles et des
opérations dérivées de taux et de change à la
performance brute et elle a remplacé le terme « couverture
» par l’expression «
exposition […] dans un but de préservation du capital
» ;
- modifié les fiches commerciales pour reprendre explicitement
la notion de moteur de performance, telle que définie par les
prospectus et y a mentionné l’usage des IFT en exposition et en
couverture ;
- choisi un prestataire pour le calcul quotidien des VaR ;
- formalisé les règles internes d’investissement ;
- systématisé les rapports du comité des risques.
Conformément aux dispositions réglementaires en vigueur, le RCCI devra continuer
à effectuer des contrôles réguliers de
l’effectivité du dispositif mis en place. La
société Carmignac Gestion devra en
rendre compte à l’AMF dans les deux mois de l’homologation
du présent accord.
ARTICLE 2 : Publication du présent accord
Lorsque le présent accord sera homologué, l’AMF le
rendra public par une mise en ligne sur son site Internet.
|