Mes petits amis, aucun doute : le gouvernement a vraiment besoin de
relancer l’activité fissa fissa. Pour cela, il va utiliser deux leviers, qui,
manipulés avec délicatesse et la précision millimétrique du paysan trayant la
proverbiale vache grasse, assureront un résultat parfait. Démonstration.
Pour ces deux leviers, on trouvera d’un côté de la bonne grosse relance
par la consommation (miam, ça marche toujours, la relance, hein, n’est-ce pas
mes petits amis ?) et de l’autre, l’installation d’une nouvelle taxe (miam,
ça marche toujours, une nouvelle ponction, hein, n’est-ce pas mes petits amis
?).
Pour la première partie, c’est assez simple et même si cela a été voté en
urgence, on sait que c’est du solide, du concret, qui va améliorer la
situation et nous faire sortir de la crise. Un peu. S’il vous plaît. Allez,
quoi. Bon. Bref : il s’agit de libérer l’épargne salariale des Français, épargne qui
dort dans des comptes bloqués et qui représente des sommes qui sont
colossales pour les contribuables (14 milliards d’euros) ou rikiki pour les
services de l’Etat (c’est moins de 5% du budget, mon brave, une broutille !).
On va donc libérer l’épargne salariale, mais attention ! Pas n’importe
comment ! Libérer des choses, comme ça, sans règles, sans loi compliquée,
sans disposition fiscale ou sans décret d’application, d’un trait de plume,
ce serait positivement fou, le début de l’anarchie en France ! On enrobe donc
tout ça dans une bonne législorrhée et on va « flécher » les
montants récupérés, c’est-à-dire qu’on va fortement inciter le consommateur
(comprenez : paf sur la tête) à aller dépenser ses jolis billets tout neufs
au lieu de les épargner connement.
Épargner, voyez-vous, c’est mal. Enfin, pas toujours, mais disons
qu’actuellement, pour le gouvernement, c’est LE mal.
Tout d’abord parce que des Français qui mettent de l’argent de côté, c’est
la preuve flagrante que même au milieu d’une crise, même lorsqu’on est
bastonné toute l’année sous les taxes, les ponctions et les impôts, on peut
arriver à ne pas tout dépenser. C’est, en quelque sorte, un désaveu cinglant
des politiques menées par les gouvernements sur les 40 dernières années qui
ont, précisément, fait exactement le contraire (et qui se sont endettés), en
arguant des difficultés du moment pour justifier leur incurie.
Et puis ensuite, dans le potage confus qui leur sert vaguement de
référentiel économique, nos dirigeants s’imaginent qu’épargner, c’est retirer
de l’argent du circuit au lieu de l’injecter dans l’économie qui produit des
biens et des services. C’est, bien sûr, phénoménalement con comme réflexion,
mais il faut savoir qu’on parle de politiciens français (phénoménalement
politiciens et phénoménalement français, donc). Il faudra qu’un jour
quelqu’un explique à nos « élites » que cet argent, placé en
banque, qui rapporte des intérêts, c’est aussi ce qu’utilise la banque (au
moins en partie) pour financer les entreprises. Une épargne est aussi un
moyen simple et efficace de lisser les crises (le fameux bas de laine, la
poire pour la soif, le petit truc de côté au cas où, …). En tabassant
l’épargne, en cognant comme un sourd sur le capital, on pousse les individus
à préférer l’instant présent (la consommation) à la projection dans le futur
que permet, justement cette accumulation de capital et d’épargne. L’effet
d’amortissement des crises disparaît à proportion de ce changement de
préférence, ce qui rend les crises éminemment plus fun, on en conviendra : au
lieu de collines de hausses et de baisses sur les marchés, on a des
successions de montagnes et d’à-pics bien violents. Epic Win, en quelque
sorte.
Bref : ce que le gouvernement désirait, et que nos fiers députés ont
réalisé avec cette libération des participations, c’était que les Français
claquent de nouvelles sommes fraîches pour relancer l’activité. En
achetant des smartphones, tiens, par exemple ! Le smartphone, c’est tendance.
C’est trendy, fashion et c’est surtout assez cher, et superbement
taxable au contraire de bidules dématérialisés comme les vidéos de chats
mignons en streaming, les GIF animés ou les radios sur les interwebs qui se
transforment en MP3 dans des baladeurs du diable.
Ce
qui tombe remarquablement bien, c’est que justement, un projet de taxe est à
l’étude, habilement caché dans un épais salmigondis de mesures débiles et
dilatoires proposé par un Lescure en pleine effervescence hadopipoteuse. Pour
rappel, le brave journaliste / homme d’affaires / patron de médias ancienne
génération (télé, radio) avait été missionné par l’actuel gouvernement pour occuper le terrain réfléchir à une voie de
sortie des pitreries de la HADOPI auquel, il faut bien le dire, personne ne
croit plus tant ses résultats sont scandaleusement nuls.
Il propose à présent de créer de nouveaux bâtons dans les roues d’internet
en allongeant la liste, déjà bien peuplée de taxes multiples qui touchent de
près ou de loin ce secteur, d’une nouvelle occurrence de ponction. Pour faire
original, notre ami taxophile propose de cogner sur les smartphones et les
tablettes. Rappelons que ces engins sont déjà frappés par des taxes
sur les supports numériques, taxes qui permettent de propulser gentiment le
gigaoctet de stockage acheté en France à des prix défiant toute planification
budgétaire, et incite les internautes un peu malin à acheter leurs produits
en Belgique, en Suisse, en Angleterre ou en Espagne où ce genre
d’abrutissante stupidité n’est pas en place. Un vrai gain pour le
consommateur et le producteur français ! Pour rappel, ces taxes furent
installées pour compenser le méchant piratage des œuvres numériques, afin de
mieux rémunérer les artistes, alors que le cinéma et la vente de musique en
France ne se sont jamais si bien portés. Les artistes, bien sûr, n’ont pas
noté de changement dans leur rémunération. Quant aux tablettes et autres
smartphones, on peut déjà parier qu’une fois la taxe en place, les Français
feront comme pour le reste en allant acheter leurs produits à l’étranger. Un
vrai gain pour le consommateur et le producteur français !
Dans la foulée, il est intéressant de noter que la presse frétille à l’idée que, parmi les propositions de
Lescure, se trouverait l’idée de supprimer la HADOPI. C’est, bien évidemment,
une baliverne. Nous sommes en France et, il faut le rappeler, ce qui est créé
et coûte un fric dingue pour ne rien rapporter et qui ne sert absolument à
rien n’est jamais supprimé. Les postes qui ont été attribués et qui
permettent à leurs titulaires de se tourner vigoureusement les pouces aux
frais du contribuable ne sont pas libérés. Les paquets de petits billets
rigolos de la BCE cramés pour ce genre de Hautotorités ou Commissions
amusantes ne sont jamais rendus. En lieu et place d’une suppression, il faut
comprendre que la HADOPI serait absorbée par le CSA, ce qui revient à
camoufler son nom et sa fonction derrière un machin plus gros, dont le
fonctionnement (centralisé) et la destination (les médias traditionnels,
centraux et distributifs) sont en parfaite contradiction avec la nature même
d’internet (décentralisé et participatif).
Une taxe qui pénalise les consommateurs et les producteurs, collectée par
une autorité parfaitement déconnectée du secteur et complètement has-been ?
Tout ceci laisse augurer d’un succès flamboyant !
En fait, avec ces deux événements disjoints, on a une mesure assez précise
du guignolesque total de notre gouvernement. D’un côté, il entend
« libérer » les participations des Français et les faire consommer,
et de l’autre, dans un même mouvement, il entend cogner sur leur consommation
pour récupérer ainsi une partie du magot. C’est parfaitement schizophrénique,
contre-productif et décalé des exigences du moment qui imposeraient plutôt
une baisse drastique de la fiscalité. Pire : ces démarches donnent à
ceux qui observent l’actuel pouvoir en place cette impression persistante de
le voir courir comme un poulet sans tête. Ce n’est pas un hasard.
C’est même, à mon avis, prémonitoire.