Le président François Hollande a promis un
pacte de responsabilité entre l’Etat et les entreprises. Ces
dernières s’engagent à embaucher si les premiers
acceptent de baisser leurs charges et les contraintes qui pèsent sur
elles. En échange d’une baisse de 30 milliards de charges
sociales, les entreprises pourraient créer jusqu’à 1
millions de nouveaux emplois.
Évidemment, ce pacte a fait l’objet de
nombreux commentaires, à commencer par le virage social libéral
de François Hollande, en passant par le financement de ces 30
milliards de baisses de charges, ou par des contreparties qui ne seraient
qu’un symbole pour faire passer la pilule de ce
« cadeau » aux entreprises auprès de la gauche.
En dépit des nombreuses criques qu’on peut
faire à ce pacte – et la première est d’ailleurs de
se demander s’il verra véritablement le jour et sous quelle
forme – il indique néanmoins une évolution dans le
discours politique, probablement dicté par un certain pragmatisme face
à une économie qui n’obéit pas aux doigts et
à l’œil de l’interventionnisme étatique
français.
Car si le président Hollande se résout
à proposer ce « pacte » avec les entreprises,
c’est simplement qu’ayant échoué dans sa promesse
d’inversion de la courbe du chômage fin 2013, il réalise
que les entreprises sont sans doute le mieux à même de
résoudre le problème numéro 1 des Français,
à savoir le chômage de masse.
Or, le constat est sans équivoque, les entreprises
en France sont asphyxiées par des charges trop lourdes et des
réglementations trop nombreuses qui plombent leurs calculs économiques
de profits et de pertes sur le long terme. Il semble donc assez logique de
penser qu’en baissant les unes et les autres, les entreprises
décideront d’embaucher de nouveau.
Ceci serait vrai si la promesse était plausible et
que l’Etat était capable d’apporter ces garanties
qu’il exige des entreprises. Car le président propose certes des
baisses de charges mais celles-ci seront largement insuffisantes si elles ne
sont pas accompagnées d’un réel choc de simplification,
notamment dans l’embauche. En l’absence d’un
assouplissement réel en la matière, peu nombreuses seront les
entreprises suffisamment confiantes pour se lier de façon presque
permanente à des employés quand l’avenir reste
très incertain.
Celui-ci l’est par nature mais les pouvoirs publics
en créant une grande instabilité juridique, rendent les calculs
économiques futurs plus incertains encore. Comme l’écrit
Cédric Parren dans un ouvrage tout juste
publié aux Belles-Lettre (Le silence de la loi, 2014),
l’inflation normative en France n’a sans doute pas beaucoup
d’égal. « À ce jour, la législation
française aligne plus de onze millions de mots, en augmentation de
sept pour cent par an. Le Journal
officiel s’étale sur plus de vingt-trois mille pages
annuelles. Les français vivent sous l’empire de onze mille lois
– dont certaines dépassent les deux cents pages – et de
cent trente mille décrets ». Il ajoute, ce qui est crucial
pour les entrepreneurs, « le code du travail comptait quatorze pages
en 1911, contre deux mille cinq cents en 2013. »
Pire, plus de dix pour cent des articles des codes
changent chaque année au détriment de toute
sécurité juridique. Comment dans ce cas espérer que les
entreprises seront enclines à prendre des risques dans un environnement
qui les multiplie et ne garantit in
fine aucune sécurité.
Il est donc à craindre que ce pacte ne
résulte en une situation identique à celle qui a prévalu
lors de la baisse de TVA (de 19,6% à 5,5%) dans la restauration. Faute
de visibilité, la baisse de la TVA promulguée n’a pas
produit le résultat voulu. Les restaurateurs n’ont pas
baissé leur prix de façon significative, ni embauché
comme ils l’avaient promis.
Pouvait-on le leur reprocher ? Sans doute pas dans la
mesure où l’accord n’était pas vraiment
équitable. Les pouvoirs publics ne semblent pas prendre la mesure des
enjeux. Dans un pays extrêmement socialisé, les contreparties ne
peuvent plus venir des entrepreneurs – ils ont donné –
mais des pouvoirs publics qui vont devoir faire la démonstration
qu’ils sont capables de simplifier
les choses, de rendre l’environnement économique plus
sûr, de réformer en profondeur le marché du travail et de
s’engager sur la durée.
C’est en prouvant sa capacité à
provoquer ce choc de simplification et en maintenant le cap sur la durée
qu’il pourra convaincre les entrepreneurs de mettre leur capital, leur
énergie, leurs idées et leur responsabilité au service
des autres. On peut demander à des entrepreneurs d’être
des surhommes ou des héros (c’est presque dans leur nature), on
ne peut espérer qu’ils soient des martyrs.
Par conséquent, le pacte de responsabilité
ne devrait pas être une négociation mais un engagement de
l’Etat de mettre en route les réformes nécessaires pour
créer un environnement propice à l’investissement et la
prise de risque responsable. Créer de la valeur, des richesses et des
emplois est dans l’ADN de tout entrepreneur. Encore faut-il qu’ils
aient de bonnes raisons de penser que cela vaut le coup.
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