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« L’État
exerce le monopole du crime (…) Il interdit le meurtre privé, mais lui-même
organise le meurtre à une échelle colossale. Il punit le vol privé, mais lui-même
fait main basse sans scrupule sur tout ce qu’il veut, qu’il s’agisse de la
propriété d’un citoyen ou d’un étranger. » Nock, On Doing the Right Thing,
and Other Essays.
Avec Henry L.
Mencken, Albert Jay Nock est le père de la Old Right, un courant fortement
anti-étatiste et anti-New Deal. C’est aussi un iconoclaste, un anarchiste, un
« radical » comme il se nommait lui-même. Pour Nock, le radicalisme signifie que
l'État devait être considéré comme une institution antisociale et non comme
l'instrument de réformes sociales. Selon lui, l’État n’a jamais
été créé par un « contrat social », il est toujours issu de la conquête et de
l’exploitation. Cette thèse avait déjà été développée par les libéraux
français du XIXe siècle (Augustin Thierry, Charles Dunoyer ou Charles Comte)
mais Nock l’emprunte au sociologue allemand Franz Oppenheimer.
Albert J. Nock
est né en 1870 à Scranton, en Pennsylvanie et a grandi à Brooklyn. En 1887,
il entre au Collège St. Stephen, un collège épiscopal à Annandale-on-Hudson
près de New York et y poursuit des études théologiques. Après avoir servi
comme pasteur dans plusieurs églises épiscopales, il décide de quitter le
clergé en 1909 pour entreprendre une carrière dans le journalisme et
l'édition.
Il travaille
d’abord comme rédacteur en chef de l’American Magazine. En 1920, Nock commence comme
éditeur et rédacteur en chef du magazine hebdomadaire The Freeman, un
nouveau magazine d'opinion. L’expérience
est de courte durée puisqu’en 1924 le magazine cesse de paraître, faute
d’autonomie financière. Notre auteur se tourne alors vers l’écriture à la
pige dans des revues éminentes comme Atlantic Monthly, Scribner,
et Harper. Il
commence aussi une collaboration avec Mencken dans American Mercury.
En 1935, la croissance rapide du gouvernement fédéral l'incite à écrire Our
Enemy the state, son œuvre la plus connue, dénonçant avec virulence les
dangers du gouvernement centralisé.
Dans Memoirs of a superfluous man (1943), il
retrace le développement de ses idées politiques et critique l'état actuel de
la liberté en Amérique. Nock
combine l'anarchisme politique avec un grand amour de la culture. La vraie
liberté est quelque chose d'exigeant, de difficile à acquérir. Il est
convaincu que la liberté n'est vraiment possible que pour ceux qui ont été à
l’école de la haute culture et des grands livres. Nock décède
le 19 Août 1945, à peine deux mois avant son 75e anniversaire.
Bien que Nock
ne soit jamais devenu célèbre auprès du grand public, sa contribution à la
pensée individualiste a grandement influencé un certain nombre
d’intellectuels comme Frank Chodorov, William F. Buckley ou Murray Rothbard.
Il a également eu une influence immense sur une autre figure majeure de la
droite américaine, Ayn Rand. Selon Anne C. Heller, dont la récente biographie
de Rand fait autorité, Ayn Rand And The Word She Made, c’est la
conception de Nock, adaptée de Franz Oppenheimer, qui a inspiré Rand pour
écrire son fameux roman The Fountainhead. Le héros Howard Roark, lors
de son procès, fait écho à Nock quand il affirme : « La
préoccupation du créateur est la conquête de la nature. La préoccupation du
parasite est la conquête des hommes. »
La révolte
contre l’État
Dans
Our Enemy the
state (1935), qui est devenu un classique pour
les libertariens américains, Nock explique, à la
suite d’Oppenheimer,
qu’il y a deux moyens de gagner sa vie en ce monde. Il y a la
voie économique et la voie politique. La première consiste à travailler de
manière à produire des biens que les gens désirent. La seconde est la
confiscation de la propriété légitime. « L'État est le
groupe de personnes qui, ayant mis la main sur le mécanisme de contrainte,
légalement ou non, s'en sert pour améliorer sa condition, c'est la voie
politique. » L'État, écrit Nock, est « l'organisation des moyens
politiques ».
Il précise que l'État ne se réduit pas aux politiciens, mais
concerne aussi tous ceux qui font usage des lois pour leurs propres fins,
groupes de pression et lobbyistes qui obtiennent des privilèges spéciaux.
Il montre aussi que l'intervention de l'État, même si elle
procède d’une bonne intention, est toujours contraire à l'intérêt économique
des citoyens et toujours dangereuse pour la liberté. Comme toutes les
institutions prédatrices ou parasites, son instinct premier est celui de la
conservation de soi. Toutes ses entreprises sont d'abord dirigées vers la
préservation de sa propre vie, et, par suite, vers l’accroissement de son
propre pouvoir et de sa propre activité. Pour cette raison, il commet régulièrement
tous les crimes que les circonstances permettent. La criminalité d'État n'a
rien de nouveau. Elle a commencé lorsque les premiers prédateurs se sont
regroupés pour former l'État, et elle continuera aussi longtemps que l'État
existe dans le monde, parce que l'État est fondamentalement une institution
antisociale, c’est-à-dire criminelle. Son projet originel est de maintenir
une division dans la société entre une classe de possédants exploitant une
classe dominée, sans propriété, à des fins criminelles. Aucun État connu dans
l'histoire n’a commencé d’une autre manière, ou pour une autre fin.
À
lire
Albert J. Nock, Jefferson, New York:
Harcourt, Brace and Company, 1926
Albert J. Nock, The Theory of Education in
the United States, New
York: Harcourt, Brace and Company, 1932
Albert J. Nock, Our Enemy the state, 1935
Albert J. Nock, Memoirs of a Superfluous
Man, New York: Harper and Brothers, 1943.
Albert J. Nock, The Disadvantages of Being
Educated and Other Essays. Hallberg Publishing Corporation, 1996
(posthume).
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