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Jamais depuis le début de la crise n’avons-nous autant
entendu parler d’austérité. À chaque jour son
nouvel article dénonçant cette prétendue
austérité. Ainsi dans Les
Echos du 6 mai pouvait-on lire un article
intitulé « Bruxelles arrête de donner la
priorité à l'austérité ». Cette
fameuse austérité serait un remède pire que le mal, administré
à toujours plus de pays de l’Union européenne et les
rendant encore plus malades.
Le même journal titre
aussi que « Le gouvernement des Pays-Bas met un coup d'arrêt
à la politique d'austérité », ce qui signifie
qu’il abandonne son objectif de ramener son déficit public sous
le seuil des 3 % du PIB en 2014. L’austérité
supposée ne consistait même pas à avoir un budget
à l’équilibre, mais à passer sous le seuil des 3 %
du PIB (et non du budget !).
De même on apprend
qu’« au Portugal, l'austérité s'accentue
encore », avec un objectif de déficit inférieur
à 5,5 % du PIB imposé par la troïka. On plonge même
parfois dans l’horreur
pour certains pays : « Suicides, criminalité,
santé... l'austérité engendre un drame social en
Grèce ».
Devant de tels échecs, la sentence est tombée :
« Pour l'OFCE, la
politique d'austérité de Bruxelles est un échec ».
Diagnostic similaire du président de la Commission, Jose Manuel
Barroso, pour qui la politique de rigueur a « atteint ses limites ». De nouveaux délais
sont ainsi accordés à certains États (France, Espagne et
Pays-Bas), ce qui provoque l’ire de certains conservateurs et
libéraux allemands, étonnés par tant de
mansuétude. Ainsi, pour Michael Stubgen,
responsable des questions européennes du groupe parlementaire CDU-CSU :
« C'est un mauvais signal
[...] allonger le délai, c'est simplement dire continuez comme cela
».
Ce (nouveau) sursis de deux ans se fait en échange de réformes
structurelles, bien que la Commission n'ait en fait aucun pouvoir de
contrainte. Selon Nicolas Véron,
économiste au think tank Bruegel, « le Portugal l'a
intégré, la France pas du tout, et l'Italie et l'Espagne
naviguent entre les deux ».
Le premier ministre portugais, Pedro Passos
Coelho a en effet annoncé des mesures draconiennes comme le report de
l'âge du départ à la retraite à taux plein
à 66 ans, l’allongement du temps de travail de 35 à 40
heures pour les fonctionnaires et la réduction de leur nombre de 30
000 sur un total d'environ 700 000 (sur la base du volontariat).
Au contraire, le gouvernement français préfère
prendre son temps, et ce d’autant que les conditions d’emprunt
sont actuellement au plus bas pour l’État français. Le
ministre de l'Économie, Pierre Moscovici, peut se réjouir :
« dans l'équilibre entre la réduction des déficits
et le soutien à la croissance, c'est désormais le soutien
à la croissance qui l'emporte ». Mais
l’austérité en France n’est que de façade,
et son opposition avec la croissance
est factice.
Du côté français, c’est toujours le déni de
réalité, le même qui a conduit à bâtir le
budget sur des hypothèses fantaisistes,
qui sont déjà caduques.
Même si le commissaire aux Affaires économiques, Olli Rehn, insiste
sur le fait que la mise en œuvre de réformes « est au moins
aussi important que la poursuite de l'assainissement budgétaire
», les mesurettes annoncées par
François Hollande n’ont pas convaincu grand monde à
Bruxelles, et surtout pas lui, qui attend plus d’ambition dans des
dossiers comme « le marché du travail, le système de
retraites et l'ouverture à la concurrence de certaines professions ou
de certains marchés ». Bruxelles n’est en outre pas
beaucoup plus optimiste pour les déficits, et ses
prévisions divergent sérieusement de celles du
gouvernement français :
J’avais déjà écrit
il y a un an environ sur l’inexistence de la prétendue
austérité qui aurait frappé l’Union européenne
et plus particulièrement la zone euro. C’est donc l’occasion
de faire le point et d’actualiser les données et de voir si
l’austérité tant décriée avait fini par
arriver. Tout d’abord, rappelons la définition de l’austérité
donnée par le wiktionnaire. Il s’agit d’une « politique visant à réduire la dépense
publique ». Regardons donc l’évolution des
dépenses publiques depuis 2006, en euros courants [1] et en
pourcentage du PIB, pour la zone euro (en agrégat), la France et
l’Allemagne (les deux économies les plus importantes), les
Pays-Bas (cités comme ayant connu l’austérité) et
les PIIGS [2] :
Étudions également l’évolution entre 2011
et 2012 de leurs dépenses, recettes et déficits :
Source :
Eurostat
La dépense publique a ainsi progressé de 75,5 milliards
d’euros en zone euro l’année dernière. La
dépense publique française en est la principale contributrice
et atteint un record de 56,8 %, ce qui la place en leader dans la zone euro
et en seconde position (derrière le Danemark) dans l’Union européenne.
Ce record devrait d’ailleurs tomber dès cette année en
dépassant les 57 %.
Pour autant, les citoyens français n’en profitent pas
dans leur grande majorité. Ceux-ci ont vu leur pouvoir d’achat
régresser pour la première fois en 30 ans (c’est la
troisième baisse depuis 1960, avec 1983 et 1984). Cette diminution,
qui s’élève à 0,9
% selon l’INSEE,
atteindrait même 3,1 % selon Challenges.
Cette perte de pouvoir d’achat a été ressentie par 79
% des Français, et ils sont 59
% à s’attendre à ce que cela continue.
Les seuls pays dans lesquels la dépense publique a diminué
(en euros courants) de 2011 à 2012 sont la Grèce,
l’Irlande et la Portugal. Exprimé en pourcentage de PIB, la
dépense publique a diminué en Allemagne, en Irlande et au
Portugal, tout en restant très supérieure à son niveau
de 2006 pour ces deux derniers (respectivement 7,7 et 2,2 points). Seule
l’Allemagne a réduit son niveau de dépense publique par
rapport à 2006 (de 45,3 % à 45,0 %), tout en parvenant à
dégager un excédent budgétaire et en atteignant un taux
de chômage deux fois inférieur à celui en France. À
l’inverse, la Grèce et l’Espagne ont
considérablement augmenté leur niveau de dépense
publique (de respectivement 9,5 et 8,7 points) et atteignent des niveaux
historiques (54,8 % et 47,0 %). De manière parallèle, leurs
déficits ont explosé (-10,0 % et -10,6 % du PIB !), ainsi
que le chômage (au-delà de 25 %).
On remarque également que la réduction du déficit
de la zone euro est minime (de 4,1 % à -3,7 %), et qu’elle
s’est faite principalement grâce à une augmentation des
recettes, et donc de la pression fiscale.
Si les drames sociaux et humains sont bien réels, ils ne sont
en aucun cas dus à une prétendue austérité,
malgré les accusations régulières dont elle est victime.
Il s’agit d’une fausse austérité, ou ‘faustérité’ pour reprendre le titre du
débat organisé
ce 15 juin à Paris par le média Contrepoints. Le niveau de dépense publique atteint des
records dans la zone euro et particulièrement en France, où le
pouvoir d’achat baisse. Si l’austérité existe, elle
est pour les citoyens et non pour les États. Comme l’exemple
allemand le démontre, l’équilibre des comptes peut
s’accompagner d’un taux de chômage faible. À
l’inverse, des dépenses publiques élevées avec de
très forts déficits peuvent coexister avec des niveaux de
chômages très importants.
[1] Les prix courants sont les prix tels qu'ils sont indiqués
à une période donnée, ils sont dits en valeur nominale.
Les prix constants sont les prix en valeur réelle c'est-à-dire
corrigés de la hausse des prix par rapport à une donnée
de base ou de référence.
[2] PIIGS est un acronyme pour Portugal, Irland,
Italy, Greece et Spain.
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