En matière de fiscalité et d’affichage ostentatoire de sa bonne citoyenneté, c’est toujours avec étonnement qu’on découvre la surprise de certains lorsqu’une imposture pourtant évidente est mise à jour. Dernièrement, à la suite d’un article de Mediapart, une partie des médias s’apercevait, ébouriffée, que Dany Boon n’était pas aussi fiscalement patriote qu’il le laissait entendre.
Saperlipopette ! Comment peut-on d’un côté gagner autant d’argent que lui, afficher sur tous les plateaux télé et autres émissions en vogue qu’on se comporte comme un patriote fiscal irréprochable et, de l’autre côté, tenter par tous les moyens de se soustraire à la juste ponction ? Mais, mais, mais c’est absolument indécent ! Une telle nouvelle, ce serait comme découvrir un ministre de l’économie se lançant dans une grande chasse à la fraude fiscale alors qu’il en serait lui-même lourdement coupable. C’est absolument impensable.
Heureusement, grâce au travail acharné des petites fouines envieuses journalistes de Médiapart, le pot-aux-roses a été découvert : l’acteur, faisant fi de toute décence, se débrouille pour établir ses résidences fiscales à l’étranger et investit dans des fonds outrageusement spéculatifs voire « controversés » comme le dit Médiapart, ce qui donne une mesure de la sulfurosité des placements (probablement le sexe, les armes, l’alcool, et toutes ces activités que la bonne morale chréti républicaine de Médiapart réprouve fermement).
Les folliculaires d’Edwy Plenel ne lancent pas leurs accusations en l’air puisqu’ils disent « avoir des documents à l’appui » pour prouver ces exactions honteuses : pour eux, aucun doute n’est possible, l’acteur qui se présente beaucoup trop comme un patriote fiscal se livre en réalité à de véritables optimisations fiscales et aurait même quelques liens avec (horreur) des paradis fiscaux.
Voilà, le chat est sorti du sac : Dany Boon peut être montré à la vindicte populaire, c’est – j’en tremble rien que de l’écrire – un optimiseur voir (pire encore) un évadé fiscal !
Certes.
Cependant, cette affaire, aussi visqueuse que grotesque, illustre à elle seule plusieurs traits de caractère de la société française et explique fort bien l’état d’esprit d’une proportion malheureusement croissante de nos compatriotes… Ce qui, au passage, ne présage rien de bon pour l’avenir du pays.
D’un côté, on ne ne peut s’empêcher de noter que l’acteur a bel et bien raison de tout faire pour conserver son patrimoine. Force est de constater que si chacun d’entre nous est naturellement enclin à participer à la vie en société et en payer le prix tant qu’il est raisonnable, aucun individu ne peut imaginer se voir déposséder de plus de la moitié de ses avoirs, peu importe leur valeur, pour ce même prétexte : cette excuse de la vie en société ne peut justifier que chacun abandonne systématiquement et avec plaisir plus de la moitié de son travail aux autres, et espérer que cette société continue de fonctionner sans problème, d’autant que ça n’a jamais marché nulle part.
D’autre part, la lucidité impose le constat qu’il vaut toujours mieux avoir son pognon dans les Îles Caïman plutôt qu’à portée du fisc, tant celui-ci ne connaîtra aucun répit. Dès lors, découvrir que Dany Boon en met à gauche et prétendre à l’étonnement, c’est vraiment s’offrir un ticket de première classe au bal des hypocrites où chacun fera assaut d’imagination pour forcer les autres à régler sa propre facture « pour la planète », « pour la justice sociale », « pour les pensions de nos vieux, Giscard compris ». Pour rappel, Médiapart, c’est ce journal qui a fort longtemps bataillé pour bénéficier d’une exonération fiscale parfaitement indue et qui a donc largement prouvé qu’il estime que les règles (fiscales notamment) ne s’appliquent pas à lui.
Ceci posé, il ne faudrait pas non plus aller trop vite en besogne et exonérer complètement Dany Boon de toute faute morale. Si le libéral qui ne sommeille pas en moi lui accorde toute latitude pour utiliser toutes les optimisations possibles afin de préserver sa fortune, le même libéral ne peut oublier que son argent provient essentiellement… de subventions.
En effet, les productions où Dany Boon exerce son talent bénéficient, très majoritairement, de tombereaux d’argent public et de ces subventions massives au cinéma qui autorisent la mise en chantier et la production d’innombrables merdes cinématographiques improbables dont l’effet est d’enrichir majoritairement les nababs du cinéma, les vieilles gloires et nos starlettes nationales. En plaçant dans des paradis fiscaux leurs fortunes acquises ainsi sur le dos du contribuable, on peut dire que l’ironie est particulièrement mordante.
Dans ce contexte, plutôt que dénoncer avec véhémence l’exfiltration de ces subventions vers les paradis fiscaux comme le font les petits jaloux de Médiapart, ils auraient plutôt intérêt à demander l’arrêt des sprinklers à pognon : les starlettes, gloires passées et autres nababs seraient alors confronté au marché libre et réel du cinéma, ce qui obligerait à produire enfin des œuvres de qualité ou, à tout le moins, ce que le public réclame et est prêt à payer pour et non ce que le fléchage des subventions impose.
Mais, comme je le disais, les traits de caractère de la société française ressortent, plus fort que le bon sens : il semble, pour ces journalistes et comme pour tout ceux qui, après eux, se sont joints à la meute pour crier à l’abomination, il faille toujours le plus souvent possible s’occuper de l’assiette des autres pour garantir que la sienne sera bien remplie.
Il faut dire que la componction qui pousse certains à raisonner ainsi est forte : après des années à entendre, tout le temps et partout en France, que la richesse des uns est construite sur l’appauvrissement des autres, nos aimables scribouillards finissent par le croire et s’en persuader. Peu importe que la richesse par habitant ne cesse de croître, en France comme partout dans le monde, ce qui montre sans la moindre équivoque que le postulat émis est une calembredaine collectiviste basée sur une jalousie chimiquement pure.
Peu importe qu’ainsi faisant, on incite à toujours plus d’optimisation, d’évasion et de fraude fiscale qu’à la moindre vertu : celui qui dispose de plus doit être égalisé, de force bien entendu. Et ce, d’autant plus que (autre sophisme boiteux des collectivistes français) toute somme due non touchée par l’État est un affreux manque-à-gagner, et ce, même lorsque les opérations menées sont parfaitement légales.
Et alors même que s’empilent avec obscénité les gabegies que l’État réalise de façon décontractée avec ces impôts et ces taxes collectées, une partie du peuple, le cerveau maintenant complètement retourné par les arguments fallacieux des collectivistes, persiste à réclamer qu’on augmente encore la ponction (il n’est qu’à voir ceux qui réclament un stupide retour de l’ISF), et qu’on traque plus sévèrement ceux qui tentent d’y échapper.
Poursuivant ainsi sans relâche la correction chimérique de maux qui n’existeraient pas si ces raisonnements bancals n’étaient pas devenus monnaie courante, refusant de voir, de comprendre et de proposer ce qui marche pourtant partout ailleurs, distillant partout et tout le temps la même jalousie gluante qui devient l’alpha et l’omega des politiques publiques dans ce pays, ces journalistes et la bande d’hypocrites qui gravitent autour n’ont toujours pas compris qu’ils creusaient ainsi, taxes après taxes, luttes chimériques après luttes chimériques, leur tombe et celle de leur pays.