Mes chères
contrariées, mes chers contrariens !
« Mon chéri, tu es
trop pessimiste, vraiment tu vois le mal partout. Regarde, finalement, les Zaméricains, ils ont trouvé un accord au
dernier moment comme tout le monde le disait, que va-t-on faire des 968
boîtes de raviolis bio que tu as fait livrer hier et qui encombrent MON
salon… »
Voilà l’accueil que
m’a réservé ma femme hier à mon retour
après une longue et dure journée harassante de labeur afin de
gagner dignement ma pitance quotidienne…
Elle était sur le pas de la
porte, armée de boîtes de conserve, prête à bondir
sur moi…
Oui il y a eu un accord, un accord
temporaire comme vous le savez tous désormais, et ce jusqu’au 15
janvier prochain. Néanmoins, il faut s’en réjouir et sans
hésitation, car le pire n’est jamais souhaitable.
L’approche des marchés
et de la totalité des « zobservateurs
» était qu’un éventuel défaut était
si dramatique qu’il était tout bonnement impossible, ce qui
explique le courroux logistique de ma femme par rapport à sa nouvelle
décoration intérieure vue et conçue par son mari…
Et je dois avouer que nous sommes
bien tous d’accord sur ce point. Un défaut américain est
une hypothèse économique cataclysmique.
Était-elle impossible ?
J’ai la conviction que non et que nous n’en sommes en
réalité pas passés loin. Peut-elle se matérialiser
dans les prochains mois ? J’ai la conviction que oui. Qu’il
s’agit d’un risque bien réel et qu’il est
indispensable de le prendre sérieusement en considération et de
s’y préparer. Cela ne veut pas dire qu’une telle situation
se produira, en tout cas à court terme, car à long terme les
États occidentaux sont tous en faillite. Cela veut dire, comme je
l’ai dit, écrit et répété que la
probabilité que cela arrive n’est pas de 0 % comme on veut nous
le faire croire naïvement mais d’au moins 30 %. 30 % de risque,
cela laisse 70 % de chance qu’un tel événement
n’arrive jamais, mais on ne peut pas ignorer un risque de 30 % lorsque
l’on a une vision patrimoniale des choses.
Et vous allez vite comprendre
pourquoi j’insiste sur tous ces points à la lecture de ce qui
suit…
Voici les 144 républicains
qui ont voté pour envoyer les États-Unis en défaut de
paiement
C’était impossible,
c’était impensable, c’était de la folie pure, donc
cela ne pouvait pas arriver. Sauf que cet article remarquable du Business Insider nous communique la liste des 144
représentants américaines, ce qui n’est vraiment pas
négligeable, qui ont voté contre l’accord (les
électeurs américains pourront donc au choix les pendre en place
public ou les réélire haut la main).
En votant hier soir au dernier
moment contre l’accord, ils prenaient la décision en leur
âme et conscience de voter POUR le défaut de paiement des
États-Unis d’Amérique.
144 représentants sont
allés au bout de la logique que beaucoup qualifient «
d’autodestruction » et que je considère pour ma part relever d’une approche géopolitique
différente.
Disons que, pour le moment, le
courant favorable à une Amérique hégémonique
quels qu’en soient les coûts a été mis en
échec. Ce courant n’est pas minoritaire. Loin de là, et
sous-estimer sa puissance est une erreur fondamentale dans la gestion des
risques actuels.
Au moment où nous parlons,
ce courant n’est pas suffisamment puissant pour provoquer la rupture
économique historique que beaucoup attendent et souhaitent, à
tort ou à raison, chacun jugera car tel n’est pas mon propos.
Sachez donc, pour être
pleinement informés de la catastrophe à laquelle nous venons
d’échapper de façon temporaire, que 285 membres de la
Chambre ont voté oui. En face, 144 s’y
sont opposés jusqu’au bout.
Pendant ce temps, du
côté de la Chine, les choses ont beaucoup évolué
ces toutes dernières heures et, disons-le, la Chine vient de passer
à l’offensive. Cela est de nature à déstabiliser
le système économique actuel. Une stratégie de « désaméricanisation » ne sera pas neutre
et elle vient de commencer. Ces impacts seront capables de fracturer le
consensus qui s’est fait au dernier moment pour le vote d’un
accord hier à Washington, en particulier si les actions de désaméricainisation économiques
chinoises sont interprétées comme un acte hostile par les
hommes politiques américains. Aujourd’hui, nous en prenons
clairement le chemin.
Lisez plutôt les deux
informations suivantes.
Accord temporaire à
Washington, un remède à courte durée à la crise
budgétaire
C’est le « commentaire
» officiel de l’Agence de Presse chinoise Xinhua
(Chine Nouvelle). C’est la position officielle des autorités de
Pékin.
« Jeudi matin, le
Congrès américain a évité in extremis le
défaut de paiement en acceptant un compromis pour relever le plafond
de la dette des États-Unis, mais il semble difficile de trouver un
remède à long terme à la maladie persistante et
chronique du budget américain.
Cet accord provisoire au
Congrès démontre que les politiciens n’ont rien fait de
substantiel, si ce n’est repousser, une fois de plus, la perte de
la confiance mondiale dans le système financier américain et
dans le dollar sur les marchés financiers internationaux, qui
a déjà été sérieusement
ébranlée par l’indéfectible lutte partisane et
l’incapacité du pays à résoudre ses propres
problèmes financiers.
Adopter un tel projet de loi
transitoire ne fait que reporter le problème de la crise de la dette
américaine.
Si le gouvernement américain
continue d’adopter une telle approche, il se pourrait que le pouvoir
d’emprunt du Trésor s’épuise et que le pays,
à court de fonds, se trouve à nouveau au bord d’un
défaut de paiement historique.
Même si ceci ne reste
qu’une théorie, il est impératif, qu’au cours des
prochains mois, les politiciens de la Maison Blanche et des deux Chambres du
Congrès puissent mettre de côté leurs différends
et l’impasse, et travailler de concert pour parvenir à une
solution à long terme et rassurer les marchés financiers
internationaux.
Parmi les solutions efficaces
disponibles, le gouvernement américain doit revoir ses
dépenses à la baisse, compte tenu des gigantesques
dépenses militaires, qui représentent près de la
moitié du total mondial.
Avec l’épée de
Damoclès du défaut de paiement qui pèse sur les
États-Unis, la stabilité financière internationale et la
reprise économique mondiale se trouvent dans une mauvaise situation.
Aucune solution responsable et
à long terme n’étant prévue pour la crise
budgétaire américaine, la communauté internationale doit
analyser les faiblesses qui nuisent aux actuels systèmes financier et
monétaire internationaux, où prédomine le billet vert.
Quant à la Chine, cette
situation peut être l’occasion d’avancer résolument
sur la voie de l’internationalisation de sa monnaie (le yuan), pour
s’éloigner progressivement des dangers que présente
l’inquiétant mécanisme budgétaire américain.
L’économie mondiale a
déjà beaucoup souffert malgré l’accord provisoire
conclu entre les démocrates et les républicains, et les
États-Unis ne font pas forcément une faveur au monde en
résolvant leurs troubles fiscaux. »
Vous remarquerez le ton assez
hostile du partenaire économique chinois… Les choses sont
clairement dites, et Pékin peut à tout moment, en
déversant ses bons du Trésor sur les marchés
obligataires, conduire à l’effondrement du dollar.
Néanmoins, cela est assimilé à une « bombe
atomique » économique.
En réalité, il est
très difficile pour les Chinois de se débarrasser de leurs 1
300 milliards de dollars de dette américaine sans se tirer une balle
dans le pied. La seule solution cohérente pour la Chine est
d’acheter de l’or, beaucoup d’or, le maximum
d’or…
Nous pourrions donc entrer dans une
nouvelle phase haussière importante et durable pour le métal
jaune.
Pourquoi ? Simplement parce que si
quelques milliards de dollars sont suffisants pour déstabiliser le
marché de l’or à la hausse, ils ne sont pas en mesure de
déstabiliser le marché des obligations souveraines à
commencer par le marché des bons du Trésor US.
Or ces quelques milliards de
dollars supplémentaires convertis en or auront, à terme, une
valeur beaucoup plus grande puisqu’ils permettront d’asseoir la
crédibilité de la devise chinoise.
Enfin, « riposter » en
achetant de l’or est devenu légitime pour les Chinois à
l’issue de cette nouvelle crise budgétaire et politiquement
évident, mais cela reste une riposte « graduée »
dans la mesure où ils ne déstabiliseraient pas le dollar par
des ventes massives de bons du Trésor, mais en douceur par la hausse
de l’or, c’est-à-dire in-fine en provoquant une baisse
relative du dollar.
La désaméricanisation
est donc en marche.
Mais ce n’est pas tout.
Dagong déclassements des
É.-U. cotes de crédit souverain à A-Dagong
Global Credit Rating
L’Agence de notation Dagong, qui est l’Agence de notation chinoise, a
dégradé à nouveau aujourd’hui la note souveraine
des États-Unis alors que les autres agences de notation
inféodées à Washington n’ont toujours pas
bougé le petit doigt.
Voici une traduction
résumée du communiqué de presse officiel de
l’Agence Dagong disponible en anglais au lien
que je vous communique plus bas.
« Avec l’accord partiel
obtenu par le Congrès le gouvernement fédéral
américain peut éviter le défaut
pour le moment. Toutefois, la situation fondamentale est que le taux de
croissance de la dette dépasse de manière significative celui
des recettes fiscales et que le PIB reste inchangé.
Pendant longtemps, le gouvernement
américain a maintenu sa solvabilité en remboursant ses dettes
anciennes par de nouvelles dettes, ce qui aggrave constamment la
vulnérabilité et la solvabilité du gouvernement
fédéral.
C’est pourquoi le
gouvernement américain continue de s’approcher d’une crise
de défaut, une situation qui ne peut pas être
atténuée substantiellement dans un avenir prévisible.
À la lumière de
ces faits, Dagong Global Credit
Rating Co décide de dégrader la notation de crédit des
États-Unis, a A- et
maintient une perspective négative.
Cette décision est
basée sur le raisonnement suivant :
1/ L’arrêt partiel du
gouvernement fédéral souligne apparemment la
détérioration de la la
solvabilité du gouvernement. La fermeture partielle du gouvernement
américain est une conséquence inévitable de son
échec à long terme à payer ses dettes excessives.
Au cours des exercices de 2008
à 2012, le rapport du stock de la dette par rapport aux recettes
fiscales du gouvernement fédéral est passé de 4,0
à 6,6.
Dans de telles conditions, le
gouvernement fédéral, qui peut difficilement soutenir ses
propres dépenses, ne sera pas en mesure de couvrir son énorme
quantité de dettes.
2/ Depuis le déclenchement
de la crise de la dette américaine en 2008, la dette US a
augmenté de 60,7 % entre 2008 et 2012, alors que le PIB nominal a
augmenté de seulement 8,5 %, tandis que les recettes fiscales ont
diminué de 2,9 %, ce qui indique que les recettes fiscales ne peuvent
plus être la principale source de remboursement de la dette.
En raison du fait que le
gouvernement fédéral dépend maintenant fortement de sa
capacité à contracter de nouvelles dettes pour rembourser ses
anciennes, la vulnérabilité de sa chaîne de la dette est
telle que le défaut de paiement technique peut se produire à
tout moment.
3/ Trop de liquidités
injectées en continu sur les marchés financiers internationaux
par les États-Unis.
Afin d’éviter un défaut de la dette causée par le
manque de ressources financières pour faire face aux remboursements de
la dette, le gouvernement américain a utilisé la domination
monétaire internationale du dollar pour monétiser ses dettes et
a pratiqué une politique monétaire d’assouplissement
quantitatif pour maintenir sa solvabilité depuis 2008.
La dévaluation du dollar qui
en résulte a fait baisser la valeur du stock de dettes
pénalisant directement les intérêts des créanciers.
Dagong estime que la dépréciation du
dollar américain a entraîné une perte de 628,5 milliards
de dollars aux créanciers étrangers entre 2008 et 2012.
4/ Depuis l’arrivée de
Barack Obama au pouvoir en 2009, le Congrès américain a
augmenté le plafond de la dette cinq fois. Cette nouvelle augmentation
du plafond de la dette montre l’incapacité du gouvernement
à améliorer sa solvabilité en améliorant les
éléments économiques et financiers de base.
5/ Les démocrates et les
républicains de US n’ont pas de stratégie
cohérente pour résoudre le problème de la dette
souveraine.
La récurrence du conflit bi-partisan sur la dette et le relèvement du
plafond révèle une fois de plus l’incapacité de la
classe dirigeante américaine à résoudre la crise de la
dette nationale.
Une crise de la dette qui se
transforme en une crise politique, qui à son tour aggrave la crise de
la dette.
Une telle politique rend
très sombre les perspectives de solvabilité du gouvernement
fédéral américain. »
Fin du communiqué.
À la lecture de ce document,
ce n’est pas une analyse qu’a rédigé l’agence
Dagong mais bien un véritable
réquisitoire politique, économique et diplomatique.
Le mal a donc bien
déjà été fait et en l’absence
d’accord durable et pour plusieurs années sur la dette
américaine, les Chinois ont décidé d’entamer
réellement le processus de désaméricanisation
de l’économie mondiale. Au même moment, le gouvernement
indien annonçait son intention d’acheter son pétrole en
euro et en roupie et plus en dollar.
Nous rentrons donc dans une nouvelle
étape de la crise, l’étape monétaire et la
confrontation directe entre la Chine et les États-Unis, sans pour
autant que cela exclut les risques de défaut américain, au
contraire, politiquement, l’aile la plus radicale des
représentants américains pourrait se servir d’une
situation dégradée sur le leadership US pour imposer leurs
vues.
Restez à
l’écoute.
À demain… si vous le
voulez-bien !!
Charles SANNAT
http://www.businessinsider.com/144-republicans-voted-for-default-2013-10
http://en.dagongcredit.com/content/details20_7580.html
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