Depuis le 12
juin, le Brésil accueille la Coupe du monde de football dans un climat de
révoltes sociales. Les plus grandes manifestations depuis 20 ans ont eu lieu à
Sao Paulo ces derniers mois. Car ce pays souffre, depuis quelques années,
d’une inflation chronique et d’un très fort ralentissement économique. Les
taxe et les impôts sont élevés et complexes, alors que les services et les
infrastructures qu’ils sont supposés financer demeurent médiocres. La
bureaucratie est étouffante et favorise les riches biens connectés au
gouvernement[1]. Les fonctionnaires et les syndicats forment une
classe privilégiée de la société. En 2014, le Brésil se classe au 114e
rang mondial sur l’indice
de liberté économique de la Fondation Heritage[2].
Après Lula, la
politique de Dilma Rousseff, la présidente du Brésil, est simple. Elle
consiste à appliquer les recettes de la social-démocratie keynésienne :
accroître la dépense publique, augmenter les impôts et faire marcher la
planche à billets. Dans ces conditions, les aspirations du Brésil à devenir
une puissance économique mondiale sont quelque peu déçues. Mais le pire n’est
pas là. Il existe au Brésil d’immenses zones extralégales, autour de cités
comme Rio, qui vivent en marge des lourdes réglementations de l’économie
officielle et contre elles. Ces quartiers entiers, qui sont parfois de
petites villes, ont été acquis et développés en suivant l’offre et la demande
: ce sont les favelas.
Le drame
des favelas
Il y a tout un
aspect de la préparation de la Coupe du monde de football (et des Jeux
olympiques de 2016) qui est largement passé sous silence : la
destruction des favelas. Selon des données gouvernementales, quelque 1,7
million de personnes ont été déplacées dans l’ensemble du pays. Il existe à
cet égard une véritable violence d’État qui, sous le prétexte de « combattre
la criminalité », tente de « récupérer » ces zones pour y construire des
complexes sportifs ou immobiliers. Des intérêts économiques très importants
sont en jeu.
Il y a trente
ans, raconte l’économiste Hernando de Soto dans son livre Le mystère du
capital[3], plus des deux tiers des nouveaux logements construits
au Brésil l’étaient pour la location. Aujourd’hui, le marché locatif occupe à
peine 5 % du bâtiment au Brésil. Que s’est-il passé ? La plus grande
partie dudit marché a disparu au profit des quartiers non officiels des
favelas. Il n’y a pas de contrôle des loyers dans ces zones, les loyers se
paient en dollars US et les locataires qui ne paient pas sont rapidement
évincés.
Mais le
problème fondamental, selon l’économiste péruvien, n’est pas que des gens
pauvres s’installent en bordure des villes avec des enfants en haillons qui
mendient dans les rues, ni même que les services publics soient défaillants.
Le vrai problème, c’est celui de l’accès à des titres de propriété privée et
la mise en place d’un cadre juridique sain pour les protéger.
Le problème
des favelas est un problème juridique
Les favelas
sont des zones d’intense activité économique et d’intelligence
entrepreneuriale. Il y a des richesses, mais les gens vendent leur travail et
ouvrent des commerces sans papiers officiels, ni recours possible. Ils
ne peuvent pas mobiliser leur capital car ce qu’ils produisent n’est pas
reconnu légalement. Les logements ne peuvent pas être utilisés comme adresse,
encore moins comme capital. Ce sont des richesses perdues, hors
juridiction. Ce sont des activités informelles. D’où vient alors cette
informalité ? Hernando de Soto, qui a enquêté en Amérique latine pour
comprendre ce phénomène, explique que l’informalité est un effet second et pervers
de l’intervention réglementaire et fiscale de l’État.
Seuls les
riches peuvent supporter les coûts de la sur-réglementation dans l’économie.
Les pauvres, malgré leur esprit d’entreprise et le capital dont ils
disposent, ne peuvent entrer sur le marché ni profiter de ses opportunités.
C’est un « capital mort ». Obtenir l’autorisation d’ouvrir un magasin ou de
construire un logement peut prendre des mois de paperasses et de démarches
administratives. Beaucoup n’ont ni le temps ni l’argent pour cela. Autre exemple
: pour obtenir un emprunt à la banque, il faut pouvoir mettre sa maison en
gage. Mais comment faire si l’on ne possède pas de titre officiel de
propriété ? L’impossibilité de respecter la loi met une partie de la
population dans une situation de précarité. Et ceci concernerait plus de la
moitié de la population des villes latino-américaines.
La
reconnaissance des droits de propriété est donc essentielle dans le
développement d'un pays comme le Brésil, comme ce fut le cas en Occident il y
a deux siècles. Dès lors, conclut Hernando de Soto dans son livre, « les pays
pauvres ont besoin des solutions que les pays développés ont adoptées au XIXe
siècle », à savoir la reconnaissance effective des droits de propriété pour
empêcher des expropriations comme celles qui viennent d’être effectuées pour
la Coupe du monde et ainsi libérer les initiatives individuelles. Autrement
dit la solution pour le Brésil, c’est le capitalisme pour tous et pas
seulement pour une élite oligarchique.
[1]
http://www.libreafrique.org/Hidalgo_Bresil_061010
[2]
2014 Index of Economic Freedom : http://www.heritage.org/index/country/brazil
[3]
Le mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et
échoue partout ailleurs, poche, Flammarion, Champ Essai, 2010.
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