Charles Gave revient sur cette histoire de la loi de 1973 dont on parle
énormément sur le « net ». J’en parle régulièrement pour dire la
même chose que l’autre Charles. Je pense qu’il faut répéter et répéter encore
et encore, inlassablement, que cette loi n’est pas la cause de nos misères
actuelles.
Si je suis un partisan du retour à une souveraineté monétaire, cela ne
constitue en aucun cas un remède miracle à toutes nos difficultés. Cela
pourrait même être encore pire. L’Argentine, en 2001, le Zimbabwe, dans les
années 2010, ou encore le Venezuela, aujourd’hui, sont des pays qui disposent
de leurs banques centrales et de leur monnaie.
Quand on n’emprunte pas sur les marchés et qu’il manque des sous, on
imprime ! Quand on imprime, on dévalue la valeur de sa monnaie.
En économie, il n’y a aucun repas gratuit.
On peut juste reculer le moment du paiement de l’addition.
La Loi de 1973, par Charles Gave
Je ne peux pas aller dans une réunion publique sans qu’un participant ne
se dresse pour me parler de la Loi de 1973, dite “Pompidou-Rothschild”, qui
aurait permis aux banquiers de s’enrichir grassement sur le dos de l’État et
de la population.
La thèse semble être qu’avant cette loi funeste, l’État français pouvait
emprunter gratuitement à la Banque de France (BDF), ce qui lui aurait été
interdit après, et que ce serait un gros scandale.
Cette croyance, qui semble partagée autant par une partie de la droite
française que par l’extrême gauche de notre beau pays (Mélenchon), outre
qu’elle semble impliquer un fond assez fort d’antisémitisme, me laisse
complètement pantois tant elle est stupide, et je vais essayer d’expliquer
pourquoi dans les lignes qui suivent.
Depuis 1936 et la réforme de la BDF, le gouvernement français pouvait
emprunter dans des limites assez strictes 10 milliards de francs (si mes
souvenirs sont exacts) sans payer d’intérêts sur ces emprunts et avait donc
une espèce de facilité de trésorerie auprès de la BDF.
En 1973, Giscard et le Gouverneur de l’époque reformèrent la BDF, qui en
avait bien besoin, et changèrent un certain nombre de choses, mais très
curieusement ne touchèrent pas à cette facilité qui ne fut supprimée qu’en
1992, puisqu’elle était en contradiction avec le traité de Maastricht. Ceux
qui ont supprimé cette faveur que la BDF accordait à l’État ne furent donc
pas Pompidou et Giscard, mais Mitterrand et Delors, et les Rothschild, dont
la banque à l’époque était nationalisée après avoir été au bord de la
faillite, n’avaient pas grand-chose à voir dans le Schmilblick.
Mais cette croyance, largement répandue, indique une méconnaissance assez
grave de la façon dont une économie fonctionne, ce qui est infiniment plus
embêtant.
La première des incongruités est de croire qu’en économie, la
gratuité existerait.
Chacun se souvient de la phrase immortelle de monsieur Hollande, notre
précédent président, annonçant doctement, alors même qu’il avait enseigné
l’économie à Sciences-Po (pauvres élèves, tout s’explique) que « ça ne
coûtait rien puisque c’est l’État qui paye », ce qui avait fait rigoler tout
le monde.
Eh bien, ceux qui croient que si l’État ne paye pas de taux d’intérêt cela
veut dire que les emprunts sont gratuits ont une compréhension de l’économie
à peu près équivalente à celle de Flanby, et je vais essayer d’expliquer
pourquoi.
Qu’est-ce que donnait la BDF au gouvernement en échange des bouts de
papiers colorés (les titres des emprunts) que le gouvernement livrait à la
BDF ?
Réponse : de l’argent frais.
Et d’où sortait cet argent frais ?
Réponse : de la planche à billets.
Et donc la masse monétaire augmentait et avec elle, l’inflation.
Et qui souffrait de l’inflation ?
Réponse : les épargnants français, qui payaient donc en fait cette fameuse
gratuité et qui voyaient leur épargne détruite, ce dont ne souffraient
absolument pas les fonctionnaires dont les salaires étaient indexés sur
l’indice des prix de détail et qui, ayant des emplois à vie, n’avaient pas
besoin de se constituer une épargne…
Cette miraculeuse gratuité n’était donc en fait qu’un transfert de
richesse des épargnants vers les fonctionnaires, et ceux qui parlent encore
de cette foutaise montrent simplement qu’ils ne comprennent rien de rien à
l’économie, ce qui ne surprendra aucun des lecteurs de l’IDL.
La deuxième imbécillité est de dire que du coup, la France souffrirait de
ce que ces génies appellent « la dictature des marchés financiers ».
Pour ne pas subir la dictature des marchés financiers, il existe une
solution très simple qui est de ne pas emprunter : en Suisse, en Suède, en
Allemagne, personne ne parle de la tyrannie des marchés financiers, et c’est bien
normal puisque ces pays sont en excédent budgétaire.
Par une amusante ironie, le dernier budget en équilibre voté par nos Solon
le fut en …1973 et depuis, nos affaires ont toujours été gérées par des gens
que NOUS avions élus et dont nous savions TOUS qu’ils nous mentaient. Il
suffit de se souvenir de la formule du regrettable Président Chirac « Les
promesses électorales n’engagent que ceux qui les ont crus » pour se rendre
compte du mépris que les coquins que nous élisons ont pour nous.
Et donc nous n’avons eu QUE des déficits depuis 45 ans… parce que nous
avons cru que la croissance du poids de l’État dans l’économie était une
bonne chose, mais que nous refusions de payer pour cette très bonne idée.
Et comment ces déficits perpétuels ont-ils été financés ?
En émettant de la dette bien sûr.
Et qu’est-ce que la dette étatique ?
La science financière nous dit que la dette étatique, ce n’est que la
somme des impôts que nous aurions dû payer et que nous avons refusé de payer,
préférant laisser cette charge à nos enfants ou petits-enfants.
Et la dictature financière se manifeste quand les marchés commencent à se
demander si nos petits-enfants accepteront de payer au motif que nous avons
refusé de le faire.
On voit déjà ce qui va se passer. Les jeunes Français productifs ont une
valeur marchande très forte à l’international, très supérieure à celle qu’ils
auront s’ils restent en France puisqu’il leur faudra rembourser cette dette.
Ils partiront ̶ et partent déjà ̶
à l’étranger, laissant sur place ceux qui n’ont pas de valeur marchande
à l’international et qui donc seront bien incapables de rembourser quoi que
ce soit.
C’est ce que nos incompétents appellent la dictature des marchés
financiers et qui n’est que le vote avec leurs pieds des jeunes qui ne voient
pas pourquoi la génération de mai 1968, la plus bête de l’histoire de France,
devrait les mettre en esclavage pour s’assurer une vieillesse tranquille,
après avoir dilapidé l’argent que leurs parents leur avaient laissé, et on
les comprend.
En fait, les autorités politiques et les citoyens en France sont dans la
position du drogué qui se plaint d’être dépendant de son dealer…
Et ce qui se passe en ce moment, c’est simplement que cette note commence
à être présentée et qu’il va falloir un jour vivre selon nos moyens.
Mais c’est là que les esprits faibles qui parlent de la Loi de 1973 font
preuve d’une incroyable irresponsabilité.
Ce qu’ils veulent suggérer en disant que « c’est un scandale que la BDF ne
puisse pas financer directement le déficit budgétaire » est que nous
n’aurions aucun problème si la BDF assurait ce financement, et donc nous
n’aurions plus de dictature des marchés.
Et donc ils confondent l’argent avec la richesse, ce qui est erreur
quasiment enfantine.
Ce n’est pas parce que la masse monétaire augmenterait tous les ans pour
financer des dépenses improductives que la quantité de richesse augmenterait
dans le pays, bien au contraire.
Et on le voit chaque jour au Venezuela, si cher à monsieur Mélenchon.
Je peux assurer le lecteur que la Banque centrale du Venezuela, qui était
un pays plus riche que la France en 1945, a financé totalement les
imbécillités et de Chavez et de Maduro, et que le seul résultat est
aujourd’hui que la monnaie du pays ne vaut plus rien, que les gens meurent de
faim et que trois millions de personnes ont traversé les Andes à pied pour
aller ailleurs.
Et l’amusant est que dans l’histoire, la première fois que cela s’est
produit, ce fut en France, sous la Régence, avec le système de Law, et que cela
donna l’occasion à Cantillon, un très grand économiste irlandais, d’être le
premier à faire la distinction entre richesse et argent, que cela date de
près de trois cents ans et qu’il y a toujours des ignoramus chez nous, trois
cents après, pour expliquer que créer plus d’argent amène à plus de richesse.
Mais bien sûr, eux, ils ne financeront que des dépenses productives parce
qu’eux, ils connaissent le futur, ce qui est une autre ânerie, puisque le
futur est inconnaissable.
J’ai donc le mépris le plus total pour tous ces gens qui me parlent de la
Loi de 1973, parce que ou bien ils ne savent pas et devraient se renseigner,
ou ils savent, et donc savent qu’ils mentent.
Ce qui nous ramène à ceux qui nous gouvernent depuis cinquante ans.
La réalité est simple :
Permettre la dette, c’est permettre aux politiques d’acheter les voix
d’aujourd’hui avec l’argent de demain.
Donner aux politiques la possibilité de lever des emprunts, c’est donner les
clefs de sa cave à vin à un alcoolique.
Croire qu’il existe quelque chose qui s’appelle la dictature des marchés,
c’est soi être idiot, soit croire que les autres le sont.
Financer l’État par la planche à billets, c’est la ruine assurée.
Et donc nos problèmes ne viennent pas du fait que nos élites ne connaissent
rien à l’économie, mais tout simplement du fait que nous sommes gouvernés par
des crapules qui manipulent les électeurs en sachant très bien ce qu’ils
font.
Et ces crapules ont monté un système qui est quasiment irréformable.
Toute une série de gens croient que « le Calife est bon (le système), mais
que le Vizir est mauvais (le personnel politique) » et qu’il suffirait de
changer le personnel politique, en mettant à leur place tartempion ou
tartemuche et que tout irait mieux.
C’est complètement faux.
La seule solution est de changer le système en inscrivant dans la
Constitution le Référendum d’initiative Citoyen et de se débarrasser de ceux
qui ont fait de la politique leur métier.
Il se murmure que le Président pourrait annoncer un référendum pour le
même jour que l’élection au Parlement européen. Je crains que nous n’ayons un
référendum sur la cueillette des haricots verts ou le ramassage des
escargots, sujets brûlants qui partagent les Français.
S’il annonçait un référendum sur le RIC, alors je dirais « Embrassons-nous
Folleville, tout est pardonné ».
Je vais surement être déçu en bien, comme disent nos amis suisses.
Source Institut
des Libertés ici