Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !
Le 17 septembre 2013, Willem-Alexander, roi des Pays-Bas, lors d’une allocution devant le Parlement néerlandais, déclarait le plus sérieusement du monde que « l’État-providence classique se transforme lentement mais sûrement en une société de participation. À tous ceux qui le peuvent, il est demandé de prendre ses responsabilités pour sa propre vie et pour son entourage ». Évidemment, sous nos latitudes où tout va bien et où nous sommes au pays des Bisounours, ces déclarations « alarmistes », ces propos « pessimistes » non seulement ne pouvaient pas être repris mais encore moins tenus par nos propres dirigeants.
Il s’agit là d’une mise en garde sans ambiguïté sur la réalité, qu’on l’aime ou pas. Dans tous les cas, elle s’imposera à nous. Il n’y a aucune bonne solution et nous sommes confrontés à une crise d’une telle profondeur qu’en réalité il s’agit, comme je le dis et le répète, non pas juste d’une crise mais fondamentalement d’un changement total de système économique. Dans les années qui viennent, la raréfaction du travail va se poursuivre de façon exponentielle. Il y en aura de moins en moins et pour de moins en moins de gens.
Nous avons accumulé un endettement jamais atteint autrement que lors de temps de guerre où il fallait bien financer les batailles. Pour faire face au service de cette dette, nous serons contraints soit d’imprimer massivement de la monnaie, soit de réduire considérablement les dépenses et restreindre la place de l’État et des transferts sociaux. Dans tous les cas, que ce soit par l’inflation (impression monétaire) ou par la déflation (réduction des dépenses), c’est le pouvoir d’achat des gens qui sera touché de plein fouet. D’abord progressivement (on le voit avec le gel des pensions) puis de plus en plus vite.
Lorsque j’invite de façon pressante mes lecteurs à se préparer, je le fais très sincèrement tant ce qui va nous arriver dessus sera épouvantable et particulièrement déstabilisant. N’oubliez pas que vous pouvez jouer sur votre PEL à savoir votre Patrimoine, votre Emploi et votre Localisation. C’est en articulant au mieux ces 3 éléments que vous saurez vous bâtir des protections efficaces contre l’hiver qui arrive à grands pas. Si je vous reparle de mon concept de PEL, c’est qu’il n’est pas si éloigné de ce que vous allez pouvoir lire un peu plus bas même si c’est exprimé différemment. En réalité, nous sommes de plus en plus nombreux à vous mettre en garde.
J’attire à nouveau l’attention de nos amis qui dépendent de la dépense publique. Que vous soyez fonctionnaires, retraités, agents de collectivités territoriales ou encore bénéficiaires des minimas sociaux, ou chômeurs, vous ne devez plus compter sur la « sécurité » procuré par un État. Vous êtes même parmi les plus fragiles. Ce n’est ni bien, ni mal et encore moins un jugement de valeur. Il faut juste en être conscient. En Italie, au moment où j’écris ces lignes, c’est ni plus ni moins que la sécurité de l’emploi pour les fonctionnaires qui est remise en cause et désormais les fonctionnaires pourront être virés que ce soit pour incompétence (ce qui fera du bien à certains, disons-le), soit – et c’est évidemment plus grave… – pour raison tout simplement économiques. Méditez cela. Méditez que ce qui était considéré comme acquis ne l’est pas. Ce qui se passe en Grèce ou en Italie finira par se passer chez nous.
C’est donc un écrit passionnant dont nous a gratifiés Jacques Attali dans une forme « de coming out » de la lucidité la plus crue dans son dernier papier intitulé « Débrouillez-vous » et qui, disons-le, là encore n’a pas vraiment eu ni beaucoup d’échos, ni un immense succès. Il faut dire que Jacques Attali y sombre clairement dans un côté survivaliste tendance contrarien qui me plaît fortement évidemment tant je partage son analyse mais qui a le défaut de déranger les beaux rêves de prospérité éternelle du plus grand nombre et de nos grands médias.
Voici ce que pense Attali
Débrouillez-vous !
« Que vous soyez l’un des 3,3 millions de chômeurs ou les autres, n’attendez rien du gouvernement et débrouillez-vous avec vos moyens.
On pourrait attendre de moi, en ce jour de changement d’équipe, trop longtemps annoncé et attendu, que j’explique, une fois de plus, ce que j’attends d’un éventuel nouveau gouvernement.
Et pourtant, je ne me prêterai pas à cet exercice convenu, lassé de l’avoir trop fait depuis tant d’années. En vain. Lassé d’avoir dit et répété, comme l’a fait ici aussi Christophe Barbier, qu’il était urgent de réformer le pays, d’une façon économiquement efficace et socialement juste. Lassé aussi d’exposer, d’article en article, de rapport en rapport, de livre en livre, le détail de toutes les réformes urgentes, formant le consensus silencieux de tous ceux qui, à gauche et à droite, s’intéressent aux affaires publiques ; mais avec rarement assez de courage pour admettre publiquement leur nécessité et leur urgence.
Si je ne le fais pas de nouveau aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour ne pas me répéter, ni pour ne pas ennuyer mes lecteurs, mais parce que je voudrais pousser chacun de nous à aller plus loin, à anticiper une nouvelle déception et à faire un nouveau pari à la Pascal : non pas le pari de croire en Dieu, parce qu’on n’a rien à y perdre, mais celui d’agir pour soi, maintenant, indépendamment d’une hypothétique action publique. Parce qu’on a tout à y gagner.
En effet, de deux choses l’une :
Soit le futur gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux ; alors chacun aura agi à temps pour suppléer pour lui-même à son impuissance. Soit au contraire le gouvernement agit. Et là encore, de deux choses l’une : soit il échoue, ce qui ramènera au cas précédent. Soit il réussit, ce qu’évidemment je lui souhaite, et nul n’aura rien perdu à compléter l’action publique par une initiative personnelle.
En conséquence, ma recommandation à chacun de mes lecteurs est claire : agissez comme si vous n’attendiez plus rien du politique. Et, en particulier, comme si vous n’attendiez que le pire du gouvernement à venir. Et pire encore des suivants, quelle qu’en soit la couleur politique. Car, plus on tardera à réformer le pays, plus il sera difficile de le faire. Et les majorités à venir disposeront d’encore moins de moyens que l’actuelle, handicapée par l’inaction de ses prédécesseurs.
Concrètement, cela signifie qu’il convient de ne plus attendre la moindre amélioration des prestations sociales, la moindre baisse des impôts, la moindre création d’emploi public, ou la moindre décision positive d’aucune sorte.
Débrouillez-vous, tel est mon conseil. Cela veut dire : au lieu de rester chômeur et d’attendre une offre d’emploi, formez-vous, créez votre entreprise et votre emploi, avec les crédits encore disponibles ; si vous avez un emploi ennuyeux, inventez vous-même une nouvelle façon de faire votre métier, quel qu’il soit, plus amusante et plus créative. Si votre chef vous ennuie, inventez une façon (il y en a mille) de le contourner, de le neutraliser. Si vous êtes chef d’entreprise, n’attendez pas de baisse d’impôt pour investir ou embaucher ; choisissez votre stratégie au regard du monde comme il est.
Et si cela passe par votre départ à l’étranger, faites-le, sans remords, pour un temps, sans pour autant céder à l’illusion d’exotiques miroirs aux alouettes.
Le monde appartiendra demain à ceux qui, aujourd’hui, auront su renoncer à attendre quoi que ce soit de qui ce soit. De leurs parents. De leurs patrons. De leurs maires. De leurs gouvernants.
Si, dans cet éloge du réalisme, il vous reste, ce que je souhaite, une once d’altruisme, alors aidez ceux qui vous sont proches à oser aussi. Surtout ceux qui sont trop faibles ou démunis pour pouvoir se prendre en charge. Pour cela, créez des solidarités associatives, et prenez vous-même en charge la responsabilité des générations suivantes.
Accessoirement, l’agrégation de ces égoïstes et de ces altruismes privés aura un effet dévastateur et positif sur les politiques, en les poussant à justifier enfin leur raison d’être.
Pensez à vous, aux vôtres. Et osez affronter la salvatrice solitude. »
Préparez-vous, l’hiver vient et restez à l’écoute.
À demain… si vous le voulez bien !!
Charles SANNAT
« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »