ERDF un iPad pour l’un,
une bougie pour l’autre !
Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Vous ne me démentirez certainement pas. Cette fin du monde fut
d’un ennui mortel. Le bon côté des choses, c’est que
même à Bugarach la
maréchaussée s’est embêtée à 100 sous
de l’heure (enfin avec les nôtres de sous !!)
Comme prévue, Dexia fut sauvée des eaux grâce
à vos euros pour un montant d’environ 5,5 milliards
d’argent que les États belge et français n’ont tout
simplement pas.
Les États-Unis ne sont toujours pas tombés du haut de
leur falaise fiscale, et le psychodrame est joué à merveille
par des acteurs sublimes… qui viennent de partir pour une semaine de
vacances. Normal, une bonne série hollywoodienne doit entretenir le
suspense avant un happy end voyant Ben Bernanke
imprimer un nouveau QE en début d’année pour arroser les
marchés qui pourront continuer une ascension merveilleuse.
Bernard Tapie, ce qui n’a rien à voir avec la fin du
monde, se permet quelques remarques sur les « exodés
» fiscaux, lui qui vient d’empocher une somme rondelette de
l’État. Il vient de mettre la main sur quelques quotidiens du Sud
qui devraient, selon certaines mauvaises langues, lui permettre de prendre la
Mairie de Marseille.
Ce qui serait intéressant serait d’avoir un Berlusconi au
pouvoir en Italie et un Tapie en France… Là je pense que
l’Europe atteindrait une sorte de paroxysme extatique… Les
peuples pourraient enfin retrouver le moral, entre les « bunga bunga » de
l’un, et les matchs de foot forcément gagnants de l’autre.
On serait bien.
Notre Président a parlé en public, enfin sur une
chaîne de radio. Il a dit en gros : « Ça va
être dur mais on va s’en sortir. » Ce qui est
important dans ses propos c’est la première partie de sa phrase,
le « ça va être dur ». Pour le
« on va s’en sortir », peut-il seulement dire
autre chose ?
Imaginez un instant la déclaration suivante :
« Ça va être dur et en plus on n’y arrivera
jamais… » Pas très motivant pour le bas peuple que
nous sommes qui se précipiterait aux abris.
De l’autre côté, la chasse aux riches
évadés fiscaux ou exilés volontaires s’amplifie.
Ainsi Bernard Arnault est dans le collimateur des fiscs belge et
français. Je pense qu’il n’a jamais imaginé que
demander la nationalité belge lui coûterait aussi cher. Il faut
dire que notre ministre Cahuzac est exemple de
vertu fiscale.
Enfin, en attendant, et comme en ce jour de veillée de Noël
il ne peut pas se passer grand-chose, j’ai quand même
dégoté une petite information qui en dit long, très long
sur l’état de notre société.
Comment
gagner un iPad à mettre sous votre sapin ?
Voilà une question essentielle. Comment gagner un iPad. Il n’y a que ça qui compte. Vous en
rêviez forcément depuis votre naissance. Posséder enfin un
iPad, c’est se sentir exister, c’est se
sentir être. Comment vivre sans iPad ?
Comment vivre sans un iPhone ?
Un ami me racontait un jour un proverbe japonais. « Pour
être un homme, il faut avoir un fils, planter un arbre et écrire
un livre. » Il n’a rien compris ce garçon. Pour être
quelqu’un selon les saintes écritures du marketing d’Apple,
il faut avoir la gamme complète des i-Trucs.
Comme tout le monde en rêve de l’iPad,
c’est donc une excellente idée de l’utiliser pour
récompenser les meilleurs employés du mois.
On apprend donc par le site de 7sur7 en Belgique qu’un concours
interne lancé au sein de l'entreprise ERDF (Electricité
Réseau Distribution France) propose aux agents qui couperont le plus
de compteurs de recevoir une tablette.
« Alors Durand ? Z’avez
coupé combien de compteurs de pauvres aujourd’hui ? – 78,
chef. – C’est bien Durand, mais ce n’est pas assez pour
gagner un iPad. Plus d’efforts Durand, z’êtes un peu mou… »
Et là, je dois vous avouer que j’ai été
surpris que l’on en arrive là. Que des chefs soient capables
d’organiser ce genre de crétineries sans même se rendre
compte de la symbolique ou de la portée de leurs actes.
Mon côté néocommuniste
ne peut qu’être révulsé par autant de bêtise
et par le fait que les coupeurs de compteurs soient « objectivés
» sur la misère des autres.
Mon côté néolibéral ne peut que trouver le
montant des primes absolument minable. Mon conseil à ces
crétins de chefs ? Moins d’iPad et
plus de cash… mais vraiment beaucoup. Une vraie prime, des commissions
dignes de ce nom. Pour motiver un type ? Simple. Achetez sa morale par
beaucoup d’argent. On se rend compte rapidement que
l’écrasante majorité des gens a « un prix ».
Triste, mais le capitalisme fonctionne comme cela depuis la nuit des temps.
ERDF, dont les chefs ont encore une mentalité de « petits
fonctionnaires », pensent motiver leurs troupes avec 60 euros de
chèques cadeaux à la fin de l’année. (Les
chèques cadeaux, c’est pour que l’employeur ne paient pas
de charges sociales.)
A 100 € de prime par compteur coupé, si j’en coupe
10 par jour… Vous allez voir un peu le rendement des agents !! Mieux
que des bonus de banquiers (ils ont tout compris les banquiers, ils
achètent aussi bien la morale que le silence…).
Mon côté catholique trouve lamentable de
récompenser les uns pour avoir plongé dans plus de
misère des gens pour qui, en général, la vie est devenue
difficile et compliquée.
Mon côté humain trouve d’une perversité sans
borne de mettre les uns dans la position de nuire aux autres, de les
rétribuer pour ça. C’est la même chose pour les amendes
de stationnement, où des pervenches zélées et
bornées sont censées racketter les automobilistes.
C'est le quotidien français La
République du Centre qui a révélé l'existence
de ce concours controversé. Les agents ERDF du Loiret en France se
voient invités à couper un maximum de compteurs. Et les agents
qui réaliseront le plus grand nombre de coupures
d'électricité se voient promettre de jolis petits lots. Un iPad sera offert aux agents ayant atteint 80 % de
l'objectif qui est, selon le quotidien, de 50 coupures. Un cadeau d'une
valeur de 80 euros sera également offert aux employés ayant
atteint 75 % de cet objectif, et 65 euros pour 70 %.
Pour les employés de l'entreprise, ce challenge lancé par
la direction départementale d’ERDF passe très mal. Les
syndicats parlent d'ores et déjà de « pratiques
scandaleuses ». « Ces coupures peuvent prendre la forme
de réduction de puissance du compteur à 1 000 watts, permettant
tout juste de s'éclairer », indique la République du
Centre qui a pris connaissance de cette directive.
« Pour les agents, c'est une souffrance humaine
d'être appelé à agir comme cela. Surtout quand on rentre
en période de froid, où c'est compliqué pour beaucoup de
familles », confie un syndicaliste qui affirme que la plupart des
agents ERDF ne se sont pas prêtés au jeu.
Mes hommages sincères à ces hommes qui savent,
au-delà des procédures, se comporter en Homme… tout
simplement. Pas forcément insensible à la souffrance
d’autrui. Petites victoires insignifiantes pourtant capable de changer,
un jour, le monde, car il en a toujours été ainsi dans
l’histoire de l’humanité.
Contactée par le quotidien, la direction régionale
affirme qu'elle n'avait pas connaissance de ce concours. « Il s'agit
d'un dérapage local », précise l'entreprise qui
promet de rétablir l'ordre.
Là ce que j’aime, c’est l’hypocrisie du
système.
« Dupond, pourquoi avoir organisé ce concours
stupide ?
– Ben grand chef, vous m’aviez demandé de faire preuve de
créativité pour améliorer la performance d’agents
qui n’en ont rien à faire des coupures voire même
qu’ils font de la résistance passive car ils sont un peu tous
"cocos" sur les bords.
– Fallait pas vous faire prendre Dupond, fallait pas vous faire
prendre, comptez pas sur moi pour vous soutenir. Vous serez sanctionné
Dupond. »
D’un autre côté, cela fera une leçon
à Dupond. On se perd lorsque l’on perd sa morale et ses
principes. Hélas, bien souvent l’argent donne ce
résultat. C’est bien d’ailleurs pour cela que notre fond
judéo-chrétien n’aime pas les « puissances de
l’argent »… D’un autre côté, on a beau
ne pas les aimer… elles gouvernent désormais le monde.
Alors, en ce soir de réveillon, on pourrait souhaiter que
chacun sache garder la raison par rapport à l’argent. Que nous
ne laissions pas gouverner notre vie à ce point par ce « veau
d’or ».
Nous n’en prenons pas le chemin. Nos sociétés sont
de plus en plus vénales. Les hommes et les femmes sont de plus en plus
vénaux. La morale et les principes doivent être combattus au nom
de l’efficacité économique, de la rentabilité, des
bénéfices, des dividendes et surtout de la
compétitivité.
Au bout, nous n’emportons rien avec nous et le «
matériel » bien souvent a été vain, pourtant il
n’a jamais dirigé autant nos vies, pour notre plus grand malheur
à tous.
L’appât du gain est l’une des raisons essentielles
de cette crise et de nos évolutions sociétales.
Demandez aux Grecs, aux Espagnols ou aux Portugais. Bientôt vous
pourrez aussi le demander aux Français.
Malgré tout cela, et parce qu’il y a toujours une magie
en ce jour, je vous souhaite un joyeux Noël et une bonne année
à tous, qu’elle vous soit à chacun aussi douce que
possible malgré les vicissitudes, qu’hélas, nous serons
sans doute trop nombreux à connaitre.
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
PS : Le Contrarien Matin part en vacances et
sera de retour pour le numéro du 3 janvier.
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