Comment sauver le sauvetage
de l’Irlande et faire une démonstration biaisée de la réussite d’une
stratégie en déroute en Grèce ? C’est une affaire compliquée et loin d’être
résolue, qui va imposer de procéder par étapes, la première d’entre elles
venant d’être franchie en faisant rouler une partie de la dette irlandaise.
30,6 milliards d’euros de la
dette publique viennent d’être restructurés dans des conditions
rocambolesques, à la faveur d’un échange entre billets à ordre à 7 et 8 ans
du gouvernement et obligations d’une maturité moyenne de 34 ans, avec un taux
diminué de 8 à 3 %. Ceux-ci avaient été signés à l’occasion d’un montage
complexe et précipité, afin d’être utilisés par l’Anglo Irish Bank comme
collatéral auprès de la Banque d’Irlande, lui permettant de prêter des fonds
au titre des ELA (Emergency Liquidity Assistance – Assistance de liquidité
exceptionnelle) prévus au sein de l’Eurosystème. Mais la charge annuelle de
remboursement étant de 3,1 milliards d’euros, égale cette année aux coupes
budgétaires qu’elle annulait, elle faisait obstacle au retour sur le marché,
le but recherché. Il fallait donc restructurer.
Selon un scénario bien peu
crédible, la BCE avec laquelle les discussions trainaient en longueur depuis
deux années en a pris « bonne note », comme si elle était mise
devant le fait accompli, afin de ne s’impliquer qu’au minimum dans une
opération à laquelle elle préfère ne donner que son accord tacite et ne pas
apparaître comme acquiesçant à ce qui pourrait être dénoncé comme une
monétisation de la dette. L’opération est pour le moins limite, mais la
raison d’État a ses exigences…
Cette restructuration
sera-t-elle jugée suffisante, afin de pouvoir atteindre la seconde étape qui
consiste à revenir provisoirement se financer sur le marché, condition posée
à l’intervention de la BCE pour prendre le relais et acheter de la dette dans
le cadre de son programme OMT (toujours pas appliqué faute de candidat) ? Une
très délicate étape intermédiaire pourrait être indispensable, qui
impliquerait de préalablement transférer vers les banques une nouvelle partie
de la dette publique irlandaise, en application des décisions du sommet de
juin 2012 restées lettre morte.
Tout cela pourrait procurer au
final le bénéfice politique escompté, si toutefois les obstacles qui se
dressent peuvent être franchis : on peut en effet s’interroger sur la
poursuite du scénario, à voir comment sa réalisation a démarré et à
considérer le blocage allemand des décisions du sommet de juin 2012. Dans le
meilleur des cas, une fois franchies les différentes étapes de
restructuration et de reconfiguration de la dette publique irlandaise – qui
la laisseront gigantesque – la menace de dévalorisation des crédits
hypothécaires détenus par la bad bank NAMA, soutenue par l’État, sera
toujours intacte… La démonstration recherchée sera loin d’être faite.
Déjà consacrée bad bank
de la zone euro, la BCE et l’Eurosystème ne font que renforcer sur une longue
durée leur rôle en acceptant de facto ce nouvel engagement. Cela alors que le
débat s’approfondit au Royaume-Uni à propos de la formulation des objectifs
de la Banque d’Angleterre. Adair Turner, président du régulateur britannique
FSA, est venu en appui de Mark Carney, futur gouverneur de la Banque
d’Angleterre, soutenu par Martin Wolf, chroniqueur en chef du Financial
Times. Quel que soit l’habillage qui sera finalement retenu, la banque
d’Angleterre est destinée à maintenir à flot une économie qui vacille. Tandis
qu’en Irlande une nouvelle restructuration vient d’être décidée en catimini,
dans l’attente des suivantes.
Et c’est ainsi que, de par le
monde, ce système survit encore.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre,
Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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