La lutte pour l’égalité des femmes et des hommes et contre les stéréotypes se poursuit jusque dans les chiottes oh pardon et c’est donc sans surprise que de nouvelles propositions voient le jour pour couler dans le béton cimenter la société autour de ces valeurs bisoucratiques indispensables à un avenir radieux : l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) s’est donc très logiquement penché sur les congés parentaux et à force de se pencher, a fini par tomber sur une proposition qui va bousculer du poney.
Pour ce magnifique Observatoire à la fois indépendant comme il le clame lui-même et tout à fait subventionné par l’État (ce qui lui assure une liberté de parole totale vis-à-vis de ce dernier, n’en doutons pas), l’égalité entre les femmes et les hommes passe notamment par la réduction de l’écart salarial entre ces derniers.
Bien évidemment, il n’est pas ici question de remettre en cause ce dogme maintenant claironné à longueur d’années par toute la classe jacassante. Peu importe que toutes les études statistiques sérieuses montrent assez clairement que cet écart n’existe pas une fois redressées les variables liées aux parcours professionnels des hommes et des femmes, aux choix des uns et des autres (dans la négociation salariale, dans le type de poste), et une fois pris en compte les interruptions de carrière, les horaires différents et les risques supportés par les deux populations dans leurs métiers.
Eh oui, cet écart salarial est bel et bien un mythe que j’avais précédemment évoqué et qui amènera toujours une question à laquelle tout le monde s’empresse de ne surtout pas répondre : puisqu’il semble de notoriété publique que les femmes touchent systématiquement moins que les hommes à travail égal, pourquoi diable les patrons continuent-ils d’employer des hommes, plus chers ? Les employeurs seraient donc assez malins pour discriminer activement les femmes et les empêcher d’accéder aux postes mieux rémunérés, mais trop sots pour le faire avec les hommes. Sauf à rentrer dans le mécanisme intellectuel douteux du complot mondial, on n’explique guère un tel comportement.
De ce point de vue, l’OFCE a trouvé une solution : l’écart constaté provient en partie de la maternité qui ralentit notoirement le parcours de carrière des femmes (la biologie, cette construction bourgeoise néo-fascite, refuse toujours d’admettre que les hommes devraient, à leur tour, tomber enceints). Pire, nos sociétés, évidemment patriarcales et évidemment dirigées par des « hommes blancs cis dominateurs », ne font rien qu’à obliger les femmes à prendre ces congés maternités, actuellement de 42 jours calendaires. Or, à côté de ça, les hommes bénéficient d’un congé paternité qui est actuellement limité à 11 jours et qu’ils n’ont pas l’obligation de prendre.
Quand on y réfléchit vraiment très très fort, c’est carrément insupportable ! Cette société, toujours aussi patriarco-centrée et bien trop permissive, a donc décidé de pousser l’injustice sociale à son comble non seulement en donnant un congé à ces larves masculines inutiles, mais en plus, en leur laissant le choix de le prendre ou pas et, dans ce dernier cas (ultime affront !) de parader devant tout le monde pour bien montrer à quel point ils peuvent continuer à travailler, à progresser dans leur carrière et donc dans leur salaire en écrasant sous cape toute la gente féminine qu’ils méprisent de façon presque ostentatoire (et ne discutez pas, on sait que c’est comme ça que ça se passe).
Bref, le petit Français profite assez ignoblement des lois en vigueur pour jeter sa mâlitude aux yeux des femmes, et va jusqu’à ne pas prendre son congé paternité : seuls 70% d’entre eux profitent des 11 jours qui leur sont accordés.
L’OFCE a fait des petits calculs et tout est limpide : si l’on veut que ce paramètre n’influe plus sur le parcours de carrière des femmes, on peut au choix empêcher les femmes de faire des lardons (option A), imposer aux hommes de tomber enceints (option B), interdire le congé maternité complètement (option C) ou rendre le congé paternité obligatoire (option D) à condition bien sûr d’en amener la durée aux 42 jours actuellement en vigueur pour les femmes.
La biologie (chienne réactionnaire imperméable aux idéaux progressistes pourtant louables de nos belles âmes calculatrices) élimine d’emblée de sa main froide l’option B, on l’a vu, mais aussi l’option A (qui aboutirait à une disparition rapide de la race humaine, semble-t-il) et, pour différentes raisons, l’option C dont la mise en pratique provoquerait des effets de bords sociaux indésirables, avec des cris et des grincements de dents. Seule l’option D semble praticable, d’autant que, calculs à l’appui, elle ne coûterait qu’un misérable petit 1,54 milliard d’euros, une misère par les temps qui courent de Quantitative Easing, de taux bas et d’impression d’euros à tire-larigot.
Selon l’OFCE, l’impact d’une bonne grosse obligation des familles serait donc bénéfique : cela « rééquilibrerait entre les deux parents l’impact d’une naissance sur une carrière ».
Délicieuse façon d’envisager les choses que celle où la naissance n’est pas vue comme autre chose qu’un incident de parcours dans une carrière ! Magnifique exemple de raisonnement affûté sur les plus beaux sophismes de la justice sociale où ce qui est vu comme un enquiquinement problématique pour un sexe doit rapidement être imposé à l’autre afin que tout le monde subisse les mêmes pertes, aussi putatives soient-elles !
Accessoirement, l’OFCE s’est probablement foulé un poignet ou deux en calculant le milliard et demi d’euros que coûterait la mise en place de cette nouvelle obligation et de l’allongement de la durée de congé paternité, mais il ne semble pas avoir calculé l’effet de bord négatif que la société toute entière subira de cette nouvelle période d’indisponibilité d’une force de travail sur le marché. En toute logique, si le congé maternité est, au moins en partie, responsable d’une perte de salaire de près de 25% pour les femmes, l’application des mêmes recettes aux hommes devrait provoquer un alignement des salaires de ces derniers… vers le bas, dans les mêmes proportions.
Je ne suis pas sûr que la société française ait actuellement besoin d’une diminution de salaire d’une partie de sa population (et peu importe son sexe, ici). Je ne suis pas sûr qu’imposer une diminution du temps de travail, comme jadis les 35 heures, soit le gage d’une société plus juste, plus câline et plus bisou. J’aurais même tendance à constater qu’après plus d’une décennie de réduction effective du temps de travail un peu partout, on constate surtout des dommages sociétaux et économiques, plus de 3 millions de chômeurs (5, si l’on compte vraiment correctement), et un niveau de vie qui n’a guère évolué là où les petits flutiaux socialistes de l’époque nous pipeautaient des lendemains chantant, avec plus de congés et plus de youplaboum concentré.
Enfin, si l’on pousse au bout le raisonnement finalement assez consternant de l’OFCE, force est de constater que les femmes vivent plus longtemps que les hommes et que, touchant une retraite sur de bien plus longues périodes, elles finissent par largement rattraper l’écart salarial constaté auparavant. On s’étonne de ne pas trouver, en toute logique, une proposition pour améliorer cette enquiquinante inégalité en mettant harmonieusement fin à la pénible déchéance féminine après un certain âge.
Ah, mais j’oubliais : l’égalité est un concept fluide qui ne peut être manipulé que par d’habiles esthètes et de fins scientifiques du seul Camp du Bien. N’appartenant pas à ce camp, je me trompe évidemment : le congé paternité obligatoire de 42 jours, c’est super, vous verrez.
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