Dans son grand classique
intitulé Le Socialisme, Ludwig von Mises observe que les socialistes ont toujours
utilisé une double stratégie qui vise à 1) nationaliser autant d’industries
et de propriétés que possible, et 2) mener à bien le déstructionnisme,
c’est-à-dire la destruction de l’ordre social basé sur la propriété. Le destructionnisme peut être obtenu au travers de
l’Etat-providence, de l’adoption d’impôts progressifs, et de la régulation et
la règlementation des industries privées. C’est une forme de sabotage
économique.
Une troisième chose est
nécessaire pour que les socialistes puissent parvenir à leur objectif de
société planifiée : la centralisation du pouvoir, et l’élimination de
toutes les issues possibles. Comme Mises l’explique dans son livre Le
Gouvernement omnipotent, les adversaires de la tendance vers un contrôle accru du
gouvernement décrivent leur opposition comme étant un combat contre la
centralisation. On la conçoit comme une contestation des droits de l’Etat
contre le pouvoir centralisé. Et c’est ce que nous avons pu voir au travers
du vote en faveur de Brexit à la fin du mois de
juin.
Les défenseurs d’un
gouvernement autoritaire, qu’ils se qualifient de socialistes ou de quoi que
ce soit d’autre, ont toujours attaqué le principe de décentralisation, de
droit des Etats, de fédéralisme et tout autre moyen de décentralisation du
pouvoir au sein de la société. Adolf Hitler s’est plaint du « combat
entre le fédéralisme et le droit des Etats » dans Mein Kampf, et
a promis que les « Nationaux-socialistes élimineraient complètement le
droit des Etats » (Mein
Kampf, 1998 Houghton Mifflin edition, p. 565).
L’Histoire des Etats-Unis a
été une longue marche vers un pouvoir gouvernemental centralisé et, en
conséquence, une disparition de la liberté. Tout a commencé avec la
proposition faite par Alexander Hamilton à l’occasion de la convention
constitutionnelle d’établir un « président permanent » qui serait
chargé de nommer tous les gouverneurs des Etats qui auraient un droit de veto
sur les législations proposées dans leurs Etats. Son projet n’a jamais vu le
jour et a été critiqué par les Jeffersoniens comme représentant
essentiellement un Empire britannique sans le Royaume-Uni.
La Guerre civile a donné lieu
à une grande centralisation du pouvoir politique, et transformé tous les
Etats, du Nord comme du Sud, en de simples appendices de Washington DC. Cette
tendance a été perpétuellement renforcée après chaque guerre, puisque la
guerre a toujours été la santé de l’Etat.
Franklin D. Roosevelt est allé
jusqu’à proposer l’abolition des Etats en tant qu’entités politiques afin
d’éliminer toute opposition à son projet grandiose et socialiste pour les
Etats-Unis. Comme l’a expliqué Frank Chodorov dans The
Income Tax: Root of All Evil (page 82) :
« Au début du New Deal, ses responsables ont reconnu la division
d’autorité qui existait entre les gouvernements fédéral et des Etats comme
étant un obstacle à leur projet. Ils se sont mis en tête de l’abolir. Ils
sont allés jusqu’à demander un arrangement qui leur permettrait de
contourner, sinon oblitérer, les frontières entre les Etats. En 1940, Le
Comité pour les ressources nationales de Mr. Roosevelt, dans un rapport
intitulé Regional Factors in
National Planning, a proposé la division des Etats en une
douzaine de régions, afin de former une base pour la coordination
administrative fédérale… Le comité a insisté sur le fait que tant que la
division des pouvoirs constitutionnels (les droits des Etats) demeuraient en place, le gouvernement n’aurait pas
l’autorité de se charger des problèmes nationaux. »
Aux yeis
des collectivistes, comme l’écrit Chodorov,
« la séparation entre les Etats devait disparaître ou être réduite à des
statuts de paroisses ». C’est ce qui s’est éventuellement passé, non pas
au travers de l’abolition des Etats, mais de la « corruption des
officies des Etats » grâce à des subventions fédérales et des menaces de
les leur retirer.
Le véritable obstacle à la
planification centralisée socialiste, écrit Chodorov,
« était la résistance psychologique à la centralisation inhérente au
droit des Etats. Les citoyens d’allégeances divisées ne peuvent pas être
réduits à la servitude ». En plus de cela, « lorsque le
gouvernement obtient le monopole du pouvoir, le peuple n’est plus
libre ».
Les « avocats de la
centralisation » aux Etats-Unis ont eu des difficultés à parvenir à
leurs fins en raison de la « tradition enracinée de droits des Etats ».
Le droit des Etats est une tradition qui est plus ancienne que la
Constitution, plus ancienne que la Révolution. Il est une marque de naissance
nationale. Il a aussi été l’objet de 150 années de diabolisation, d’attaques
et de critiques par les défenseurs de la centralisation. Ces attaques ont été
si systématiques après la Guerre civile, qu’une majorité des Américains
d’aujourd’hui associe le terme de droit des Etats avec le mot très censuré de
« néo-confédéré », dans l’idée que ceux qui utilisent ce terme
interdit ont très certainement une idée malsaine en tête. Rien de ce qu’a
fait la machine de propagande soviétique n’a été plus efficace que la censure
de l’opposition au pouvoir centralisé américain.
Le récent vote en faveur de Brexit nous a montré que l’Union européenne, comme
l’Union soviétique et l’Union américaine, ont cherché et cherchent toujours à
obtenir un monopole du pouvoir. Et ce dans n’importe quel domaine. Selon Chodorov, l’objectif en est de forcer les consommateurs à
accepter les services des monopolistes dans les termes qui leurs sont
imposés. Plus un gouvernement devient monopolistique et centralisé, plus il
est capable de contrôler ses sujets et de les traiter à la manière d’esclaves
fiscaux.
La seule manière que nous
avons de retransformer les Etats-Unis en une grande nation est de retirer le
pouvoir d’entre les mains de Washington DC, et pas pour l’offrir à la branche
exécutive du gouvernement pour renégocier des accords commerciaux, nommer de
nouveaux tsars ou émettre des douzaines d’ordres exécutifs. Il faudrait pour
cela que les Américains cessent d’être intimidés par l’Etat et par ses
mégaphones humains des médias, de l’académie et d’ailleurs, qui dénoncent
hystériquement toute proposition en faveur d’une réduction du pouvoir comme
une idée diabolique qui ne pourrait sortir que de la bouche d’un avocat de
l’esclavage – ou pire.
Les électeurs britanniques qui
ont fait sécession de l’Union européenne sont en fait des néo-confédérés.
Comme les confédérés des Etats du Sud en 1860-61, ils ont voté en faveur
d’une sécession contre une bureaucratie monopolistique centralisée,
oppressante et destructrice de prospérité. Comme l’a expliqué le doyen des
historiens américains, James McPherson, dans son livre What They Fought For: 1861-1865, basé sur les notes
de centaines de soldats de la Guerre civile, le soldat confédéré typique
n’était pas un propriétaire d’esclaves mais un fermier, un agriculteur qui se
battait pour sa liberté et son indépendance face à ce qu’il percevait comme
un gouvernement tyrannique.
Les principes de sécession
pacifique (ou de menace de) et de nullification sont l’essence de l’autodétermination.
Ils sont les expressions ultimes du consentement des gouvernés duquel le
gouvernement tire ses pouvoirs, comme Jefferson l’a précisé avec éloquence
dans la Déclaration d’indépendance. L’Union américaine originelle était une
union volontaire, et non forcée au travers de menaces de meurtres de masse et
de destruction de villes entières. Elle était une Union soviétique. Elle
était l’Allemagne nazie. Elle était aussi l’Empire britannique duquel se sont
séparés les colons américains.
Ainsi, la sécession était le
principe de la Révolution américaine, pour reprendre les termes du Sénateur
du Massachussetts, Timothy Pickering, qui a aussi été le Secrétaire d’Etat et
Secrétaire de la Guerre de George Washington, ainsi que son Général adjoint pendant
la Révolution. Le Sénateur Pickering était également responsable du mouvement
de sécession de la Nouvelle-Angleterre de 1801-1814, qui a culminé avec la
convention pour la sécession qui s’est tenue à Hartford en 1814. Les
Nouveaux-Anglais ont voté en faveur de l’Union, et le Président Madison s’est
donc retenu de menacer Boston et Hartford de ruine et de bains de sang.
A l’époque, tout le monde
pensait naturellement que l’union était volontaire, parce qu’elle avait été
ratifiée par les Etats souverains et indépendants, et parce que la
Déclaration d’indépendance la qualifiait ainsi. C’était en fait requis par
l’article 7 de la Constitution. Les Etats souverains ont délégué certains de
leurs pouvoirs au gouvernement fédéral et fait de lui leur agent. L’Etat de
New York, le Rhode Island et la Virginie ont
spécifiquement demandé le droit de réassumer ces pouvoirs su le gouvernement
fédéral se montrait abusif. Parce que les citoyens d’un Etat ne peuvent pas
avoir plus de droits que ceux d’un autre, tous les Etats, et même les Etats
potentiellement nés plus tard, disposent du même droit de sécession.
L’auto-détermination n’était
pas le seul facteur, mais s’est terminée aux Etats-Unis avec l’argument
illogique de Lincoln selon lequel l’union entre les Etats était plus ancienne
que les Etats eux-mêmes, qui n’avaient donc jamais été des Etats souverains.
Voilà qui est tout aussi logique que de dire que les unions maritales peuvent
être plus anciennes que les conjoints. Tout s’est terminé par une guerre au
cours de laquelle 850.000 Américains (voire plus) ont trouvé la mort.
Après le vote en faveur de Brexit, l’Union européenne n’a pas menacé d’envahir la
Grande-Bretagne, et même l’Union soviétique a été dissoute au travers d’actes
de sécession pacifique.