Mes chères contrariées, mes chers contrariens,
Bon, au moment où j’écris ces lignes, nous sommes
le 21 novembre 2012. Cette date me rappelle furieusement qu’il ne nous
reste plus qu’un mois avant la fin du monde annoncée par les
Mayas.
C’est important la fin du monde. Cela n’arrive
qu’une seule fois dans une vie. Ce qui est bien avec la fin du monde,
c’est que je vois d’ici le direct non-stop de BFM TV. Ils sont
forts chez BFM TV. On se retrouve au cœur de l’actualité.
Qu’est-ce qu’on va s’amuser.
Je ne sais pas ce que vous avez prévu vous, pour la fin du
monde. Il y en a plein qui se préparent des soirées
« picole » entre amis. Donc ma première
prédiction pour le 21 décembre 2012, c’est que les forces
de l’ordre risquent d’avoir pas mal de boulot au niveau de
l’ivresse sur la voie publique.
Alors que va-t-il se passer le 21 décembre ?
Rationnellement a priori rien du tout. Il y a un bien un
astéroïde qui pourrait frapper notre planète, mais ce ne
sera pas avant février ou mars 2013.
Non, je crois plus prosaïquement qu’il ne va rien se passer
à moins, à moins que la Grèce ne soit frappée
directement par un « fiscal cliff »
US. Depuis que les Américains piratent les ordinateurs de
l’Elysée, il faut s’attendre à tout de leur part.
Autre scénario possible : nos « grands amis
depuis des siècles » allemands décident de ne pas
aider la Grèce, ce qui est plausible vu l’empressement de la
grosse Berta, heu pardon, de la belle Angela à secourir nos grands
amis espagnols et bien sûr de sortir son carnet de chèques pour
une donation à nos non moins grands amis grecs.
Ce qui est sûr, c’est que nous sommes tous de grands amis.
Ça ne se voit pas, mais qu’est-ce qu’on le dit ! Cela
rassure les foules.
Effectivement, si les chèques ne sont pas faits, cela
risquerait de provoquer quelques menus remous. Faire coïncider ce moment
avec le 21 décembre me semble une excellente idée. Nos grands
mamamouchis pourraient dire tous en cœur, « on y est pour
rien, c’est la faute des Mayas ». Et c’est là
que la manœuvre devient carrément brillante. Car pour une fois
dans l’histoire de l’humanité, on pourrait accuser un bouc
émissaire déjà mort depuis longtemps.
« Les Mayas sont des enfoirés ! À bas les
Mayas (ça rime) », ou encore « À mort les
Mayas »… On pourrait laisser se déverser la
colère populaire sur des Mayas disparus depuis plus de 1 000 ans.
GÉNIAL !
Bon, sinon, on peut imaginer un krach à Wall Street. Vous
savez, la bourse américaine. Une espèce de machin maintenu en
lévitation depuis plusieurs années à force
d’injections massives de liquidités par la Banque centrale
américaine.
Tiens, d’ailleurs, à propos de Banque centrale
américaine. La FED a été créée en 1913
avec un bail de 99 ans… qui arrive à expiration, je vous le
donne en 1 000 (dollars),… le 21 décembre 2012 !! Eh oui,
vous ne le saviez pas ça. Ça vous en bouche un coin, j’en
suis sûr.
Et là, vous allez tout de suite comprendre où je veux en
venir. À propos de la lévitation des marchés maintenus
en réanimation dans leur coma dépassé, imaginez que la
FED soit autodissoute le 21/12/12, dès le
22, plus d’argent gratuit à pas cher à volonté. Et
là, boum badaboum, l’effondrement, « the
collapse » comme disent nos amis anglo-saxons.
J’adore ce mot « collapse », il sonne tellement
fin du monde.
Bon, pour ceux qui auront très peur le 21 décembre, vous
pouvez aller vous réfugier dans le bled de Bugarach,
quelque part dans le sud de la France. Un certain nombre d’élus
se sont déjà réunis là-bas, car c’est le
seul endroit de notre pays qui sera épargné. Comprenez
par-là que si toute l’économie s’effondre, le
distributeur automatique de la Banque Postale continuera à fonctionner
uniquement à Bugarach. Autre certitude, les
gendarmes de ce village ne vont pas chômer la nuit du 21… Ce
n’est pas gagné.
Non, non, mes chers contrariens, il faut
savoir être sérieux voyons. Vous l’aurez compris, tout
ceci n’est qu’ironie et second degré. Quoique, à
défaut de fin du monde, nous pourrions tout de même
connaître quelques vicissitudes concernant notre modèle
économique. L’idée c’est de dire que ce ne serait
pas la fin « du » monde mais la fin
« d’un » monde.
D’ailleurs, il faut noter, car c’est important, que cela
porte le doux nom de « risque systémique ». Oui,
on ne vous dira pas « effondrement total des structures qui vous
entourent et du monde tel que vous le connaissiez », mais
« risque systémique ». C’est
légèrement moins effrayant que « fin du
monde », or, vous le savez bien, il ne faut jamais, JAMAIS
effrayer les foules.
Alors là, question que tout le monde se pose : est-ce que
le risque systémique va se matérialiser le 21 décembre
2012 ?
Ma réponse est très simple : comment voulez-vous
que je le sache !! Voyons. Je ne suis pas Sannatradamus…
Quoique, moi aussi je peux écrire quelques quatrains.
« En ce jour de malheur
Viendra le 21 du dernier mois
L’ancien qui prit fin
Et le nouveau qui fut créé… »
Voilà une belle prophétie… et je laisse les
exégètes méditer et analyser cette prose.
Sinon, ce qu’il faut bien retenir, c’est que depuis cinq
ans nous n’avons réglé aucun de nos problèmes.
Strictement aucun.
Nous avions un problème de dette, nous avons encore plus de
dettes.
Nous n’avions pas de croissance, nous n’avons toujours pas
de croissance.
Nous avions des problèmes environnementaux, nous n’avons
même plus de banquise l’été (bien que je n’ai
pas vu le niveau de l’eau monter par chez moi, je me demande où
sont passés les glaçons fondus).
Nous n’avions pas de gouvernance européenne, nous
n’avons toujours pas de gouvernance européenne puisqu’ils
ne réussissent jamais à se mettre vraiment d’accord sur
quelque chose.
Mario Draghi devait nous faire voir ce que
nous allions voir, et nous n’avons toujours rien vu.
Ben Bernanke, le grand chef de la FED qui
sera autodétruite dans trente jours, eh bien même lui n’a
plus trop le moral depuis qu’il a enfin compris que ses QE ne servaient
à rien. Mais le QE, c’est comme le communisme. Ce n’est
pas le communisme qui a un problème nous expliquait le Politburo,
c’est parce que nous ne sommes pas allés assez loin dans le
communisme. Il faut donc plus de communisme. Et hop, une ‘tite purge. Idem avec les QE. Si les QE ne fonctionnent
pas, c’est qu’ils ne sont pas assez forts. Il faut donc encore
plus de QE.
Nous avions Obama, nous avons toujours Obama…
Bref, vous l’aurez compris, le risque systémique est plus
que jamais présent même si personne ne vous en parle. Voire
même des fois on vous dit l’inverse en vous expliquant que le
pire de la crise est derrière nous.
Vous pouvez le croire… Ou pas. Personnellement, je me classe
sans ambiguïté dans la catégorie des « ou
pas ».
Pour ceux qui ont lu Le cygne
noir de Taleb, il faut bien comprendre que l’histoire du monde est
façonnée par les événements extrêmes.
C’est une réalité historique. Les événements
« normaux », dans la « moyenne »
ou « prévisibles » n’ont aucune
importance. Or le risque systémique est un risque extrême, qui
n’a jamais eu autant de chance de devenir réalité.
D’ailleurs, j’ai été particulièrement
surpris de lire le dernier compte rendu de l’audition du directeur de
l’IRSN (la sécurité nucléaire en France) qui
expliquait, devant une commission d’enquête, que nous devions
nous préparer aux risques extrêmes, car les risques dits
normaux, nous avons des procédures pour cela. Et que l’on peut
penser que s’il y a un accident nucléaire grave dans notre pays,
ce sera en raison d’événements extraordinaires et
imprévisibles. Et si nous aussi nous faisions face à un
tsunami ?
Cette prise de conscience des plus hautes autorités me semble
pour une fois… rassurante.
Alors imaginez maintenant que le 21 décembre 2012 soit bien la
fin du monde tel que nous le connaissons. Que nous assistions à la
matérialisation du risque systémique. Que la Grèce sorte
de l’euro, que l’Allemagne ne paie pas, que les USA tombent de la
falaise fiscale, qu’Israël attaque l’Iran, que le baril de
pétrole soit à 300 dollars, et qu’il y ait des ruptures
d’approvisionnements, que les banques s’effondrent (pour Dexia c’est
déjà fait), bref, imaginez que toutes ces choses parfaitement
plausibles se réalisent… comment vous seriez-vous
préparé à tout ça ?
Mais rassurez-vous, ce ne sera pas la fin du monde, et si je me
trompe, de toute façon, plus personne ne sera là pour
m’en faire le reproche alors que si je dis l’inverse…
Charles SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
|