Entreprendre en France n’est pas toujours une sinécure, loin s’en faut. Entre la paperasserie fiscale toujours plus importante, les petits caïds des administrations ou des tribunaux qui font du zèle, la création d’entreprise est complexe, parsemée d’embûche et souvent synonyme de dépôt de bilan avec pertes et fracas. Heureusement, l’État l’a bien compris et il a mis en place tout ce qu’il faut pour vous aider.
Eh oui : grâce à l’APCE, l’Agence Pour la Création d’Entreprise, vous bénéficiez d’un véritable ange gardien qui guidera vos pas à chaque instant de votre projet entrepreneurial, et vous évitera les petites gamelles rugueuses qu’ont fâcheusement tendance à jeter dans vos pattes toutes ces administrations qui vivent de votre travail, de vos impôts et de vos efforts. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’APCE elle-même sur la page consacrée à expliquer ce que fait cette association loi 1901 créée il y a 35 ans « à l’initiative des pouvoirs publics » : l’agence a ainsi pour triple mission, je cite,
« de promouvoir l’esprit d’initiative, d’informer sur les mesures prises en faveur de la création-transmission d’entreprises et sur les dispositifs en place aux niveaux national et local, et d’orienter les entrepreneurs dans leurs démarches »
Bien évidemment, elle ne vit pas que de bonne volonté, d’eau fraîche et d’un peu de courant produit par une éolienne et la dynamo d’un vélib : en plus de sources propres non spécifiées (Cotisation de ses adhérents ? Dons ? Collectes ? Créathon ?) qui représentent un petit 40% de ses ressources, l’État intervient gentiment histoire de fournir à tout ce monde quelques moyens pour effectuer leur indispensable mission.
Après tout, sans cette agence, qui vous aidera, vous, petit créateur d’entreprise, dans vos démarches auprès des 8533 guichets divers et variés afin d’obtenir des subventions, éviter les contrôles intempestifs de l’inspection du travail, de l’URSSAF, des impôts, des douanes, de la DDPP, ou que sais-je encore ? Qui vous guidera dans les étapes indispensables à la réalisation de vos projets ? Qui vous aidera à compléter votre premier cerfa, vos premières déclarations de TVA, à boucler vos comptes, etc ?
Qui, hein ?
En fait, non, ce ne sera pas l’APCE parce qu’elle a un peu d’autres chats à fouetter en ce moment.
Eh oui, c’est la crise mon petit pépère, fallait pas vous lancer dans la création d’entreprise, en France, malheureux. L’argent de mamie en héritage, franchement, pourquoi ne l’avez-vous pas claqué en pute et champagne, comme tout le monde, hein ? Parce que là, se lancer dans l’entrepreneuriat, sans prévenir, sur un coup de tête, et aller voir l’APCE, ce n’est pas une bonne idée, et comme je l’ai dit : ce n’est pas le bon moment.
En effet, comme nous l’apprend un petit articulet du Figaro daté du 13 avril dernier, l’agence, qui emploie 42 salariés, n’avait de quoi tenir, à cette date, que pendant encore trois semaines. Hummmoui vous comprenez l’Etat n’a pas voulu verser sa petite participation de mmfbroum 4 millions d’euros pour cette année et donc hmmfm bref voilà, l’APCE n’a plus de sous et va déposer le bilan.
Oui, vous avez bien compris : l’agence d’État qui montre la voie aux créateurs d’entreprise est en train de carafer salement. Mieux : elle carafe parce qu’elle n’a pas été foutue de sécuriser ses fonds propres, qu’elle dépend ultimement d’une subvention étatique et qu’elle n’a, finalement, pas réussi à convaincre suffisamment de donateurs ou d’adhérents, n’a pas réussi à vendre suffisamment de t-shirts marqué APCE dessus ou de pins multicolores ou je ne sais quel merchandising à la con qui lui auraient permis d’équilibrer ses comptes.
L’APCE, qui explique en détails comment arriver à se financer, comment trouver les bons sous-sous dans la popoche des uns ou, mieux, dans celle de l’Etat c’est-à-dire la popoche des autres, cette agence qui utilisait jusqu’à présent l’argent de vos impôts pour vous dire comment gérer votre entreprise n’a pas réussi à trouver des sous-sous dans la popoche qui va bien, n’a pas réussi à lever des fonds et n’a pas réussi à développer son propre projet d’entreprise, et n’a pas réussi à se gérer correctement.
C’est ballot.
Voilà qui est particulièrement croustillant. Et mieux encore, l’APCE est en train de mourir exactement comme tant d’entreprises qui, sur le territoire français, ne peuvent plus se passer de la subvention étatique. Paradoxalement, l’APCE montre de façon limpide comment une entreprise se développe (par l’impulsion des pouvoir publics), survit pendant des années (par la subvention) et meurt (lorsque les robinets à pognon des autres se referme).
Du reste, on pouffera en constatant que le gouvernement prétend d’un côté vouloir aider les entreprises et tout faire pour favoriser l’offre, et de l’autre coupe la subvention à l’une des agences qui s’occupe, justement, d’aider les entreprises. Ce serait presque de la schizophrénie si l’État avait encore une tête.
Oh, mais, que vois-je le 16 avril ? Un rebondissement !
On apprend, soulagé et dans un article du Monde, que grâce à la présence d’esprit de ses dirigeants, l’APCE a obtenu un sursis ! Ouf ! Bien joué, les gars : grâce à la sagacité du conseil d’administration, qui s’est déroulé mercredi 16 avril, a débouché sur la décision de… convoquer un nouveau conseil le 29 avril. Voilà qui envoie du steak !
Et pour arriver à tenir quelques jours de plus, on découvre que l’État a tout de même lâché un petit quelque chose, de 1,2 millions d’euros. Bon, ça ne fait pas le compte, mais au moins, une partie des 42 salariés va pouvoir reprendre sa non-activité. Et pour le manque à gagner ? Là encore, des pistes judicieuses se dessinent : d’autres partenaires sont possibles, comme les chambres consulaires, la Caisse des Dépôts, Pôle emploi, bref, tout un tas de grandes entreprises privées issues du capitalisme sain et de la concurrence sur le marché libre, tout ça, youpi youpi.
Mais en tout cas, une chose est sûre : les instance publiques ne vont pas lâcher l’APCE comme ça ! Ah non ah non, 42 salariés sur le carreau, ce n’est pas le genre de la boutique surtout lorsque ce sont les contribuables qui paient. Et puis, il faut bien ça pour maintenir en vie un site qui fait une audience comparable à celle de Contrepoints (qui a l’impudence d’avoir 0 salariés et de ne rien coûter au contribuable, lui), non ?
Vous voyez, pas de quoi avoir peur : l’esprit d’entreprise n’est pas mort en France, il est même amoureusement cajolé par le gouvernement qui le fait bondir de plus en plus haut jusqu’à lui faire heurter violemment le plafond de la réalité.
C’est trop mignon.
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