Mes chères contrariées, mes chers contrariens
!
Jeudi 10 janvier Mario Draghi, le grand
mamamouchi de la Banque centrale européenne, a donné sa
première conférence de presse de l’année. Il avait
l’air assez content de lui le Mario. À l’entendre, tout
est en train de se régler ou presque. Il n’y a plus de crise
financière, ce qui n’est, soit dit en passant, pas tout à
fait faux.
Remarquez, heureusement qu’il n’y a plus de crise
financière, parce que vu ce que tout cela a coûté aux
contribuables européens… Enfin, plus de crise financière,
c’est vite dit, d’ailleurs il n’exclut pas quelques petites
tensions de-ci, de-là…
Sur l’activité économique, il confirme que ce
n’est pas terrible et que 2013 s’annonce difficile, merci Mario,
on avait besoin de ton avis pour en être sûr, on s’en
serait pas douté du tout.
Bon, il y a bien le chômage qui reste élevé, mais
comme dit le grand Mario, la BCE n’y peut pas grand-chose. Rassurant.
Bref, du coup, le conseil des gouverneurs a conclu de façon
unanime qu’il était parfaitement inutile de baisser à
nouveau les taux de la BCE afin de stimuler un peu plus les économies
du vieux continent.
Là aussi, Mario il a raison. Il n’a plus beaucoup de
cartouches dans son revolver, alors autant économiser les balles. Eh
oui, lorsque dans deux ou trois mois, la récession sera plus forte
qu’attendue, ce qui est un risque non négligeable, alors la BCE
pourra donner une petite bouffée d’oxygène en baissant
les taux à ce moment-là. Les baisser maintenant n’aura
aucun effet, ni économique, ni psychologique. Remarquez, plus tard ce
sera sans doute pareil… mais c’est une autre histoire, et cela
fait toujours quelques mois de gagnés.
Voilà, tout va bien, je vous laisse, je n’ai plus rien
à vous dire, la crise est finie, la finance va bien, les banques sont
solides, les contrats d’assurance vie sont les meilleurs placements, bla bla bla…
Ah si j’oubliais, j’ai quand même quelques petites
informations toutes fraîches de derrière les fagots capables de vous
saper un peu le moral, ce qui reste l’objectif primordial de ma prose
quotidienne.
Alors commençons par un grand classique.
La Grèce,
qui ne roule plus, n’amasse plus d’impôts
Comme il y a une nouvelle taxe sur les voitures en Grèce, et
que la nouvelle mode là-bas c’est d’être
fauché, les gens rendent tout simplement les plaques
d’immatriculation de leur véhicule. En moins d’un mois,
c’est plus de 70 000 plaques qui ont été rendues aux
autorités.
Les Grecs n’ont plus d’argent. Ils ne peuvent plus rouler.
Ils ne peuvent plus payer des impôts qui ne sont plus en relation avec
leurs revenus.
D’ailleurs, toujours en Grèce, les pauvres (dans tous les
sens du terme), ils viennent de battre un nouveau record pour leur taux de
chômage… Enfin, comme le dit le grand Mario, « on
n’y peut pas grand-chose ». Fermez le banc.
Le pays s’effondre sous nos yeux depuis cinq ans et dans une
indifférence générale mâtinée du
fameux : « Les Grecs l’on bien
cherché. »
Les soins médicaux ne sont plus assurés. Seuls ceux qui
ont encore de l’argent peuvent s’en sortir. C’est le
crépuscule d’une nation et de la démocratie.
Bientôt chez nous.
Continuons sur le nouveau venu dans la catastrophe.
Chypre :
il manque 17 milliards pour un PIB de 17 milliards
Bon, je sais, déjà il faut regarder sur la carte pour
savoir où ça se trouve ce caillou.
Chypre avance pour sa défense que ses difficultés sont
liées à la restructuration de la dette grecque. Ce n’est
pas totalement faux, mais ce n’est pas vraiment vrai non plus !!
Les banques chypriotes, qui sont au cœur des pertes de
l’île, ont fait quelques petites bêtises de gestion.
Mais ce n’est pas grave. Il est normal que le peuple chypriote
paie pour les errements de quelques banques. Après tout, il n’y
a pas d’autre alternative. Il faut sauver le soldat banquier et ses
super bonus.
Comme Chypre c’est tout petit, les Chypriotes n’y
suffiront pas. Donc nous, les Européens, nous allons devoir
intervenir. Et c’est ainsi que la France finira par mettre au pot pour
sauver Chypre et ses banquiers. Comme la France c’est nous… eh
bien il va falloir que l’on prépare nos chéquiers.
Mais le gouvernement nous expliquera que les nouveaux impôts
seront « JUSTES ». C’est l’essentiel,
fermez le banc.
Chypre se
dit victime de la restructuration de la dette grecque, Merkel
juge problématique un sauvetage de Nicosie
Pour le porte-parole du gouvernement chypriote Stefanos
Stefanou : « Nous n'avons jamais
sollicité un traitement de faveur. » « Ce que
nous demandons, c'est un geste de solidarité – le principe de
base de l'Union européenne – envers un pays victime de la
décision européenne de restructurer les banques
grecques. »
Oui mais enfin, c’est un geste à 17 milliards
d’euros… et ce sont des sous que nous n’avons pas.
Remarquez, on n’est plus à 17 milliards d’euros
près.
A priori les Allemands ne sont pas d’accord (comme
d’habitude) et finiront par accepter (comme d’habitude)
après que le peuple chypriote se soit fait laminer (comme
d’habitude). Mais bon, ils sont comme les Grecs, comme les Espagnols et
les Italiens, ils l’ont bien cherché quand même. Bien fait
pour eux.
Poursuivons avec les maîtres du monde : les USA.
États-Unis
: hausse des inscriptions au chômage
Les inscriptions au chômage ont augmenté aux États-Unis
pour la quatrième semaine consécutive avec environ
371 000 demandes d'allocations chômage, ce qui représente
une augmentation de 1 % par rapport à la semaine
précédente.
Alors y a-t-il des signes de reprise aux États-Unis ?
À mon sens oui et non. Oui il y en a. Le problème, encore une
fois, c’est que ces signes de reprise économique
génèrent aujourd’hui une croissance de 2 % pour un
endettement nouveau de 8 % soit un déficit de croissance de 6 %, ou
encore le fait qu’il faut 5 dollars de dette pour créer 1 seul
petit dollar de croissance.
C’est pour cela que je considère qu’il s’agit
d’une fausse croissance et que l’économie
américaine, pour le moment, ne connaît pas de croissance saine,
autonome ou pérenne.
La prévision médiane des analystes donnait au contraire
son indicateur en baisse, à 364 000 nouveaux chômeurs.
Force est de constater que sur le front du chômage aux USA,
l’amélioration n’est pas transcendante, loin de là.
Or l’emploi est fondamentalement la matérialisation de la
croissance.
Une croissance sans emplois serait absurde. Mais nous vivons dans un
monde absurde, et on nous expliquera sans doute que cette fois-ci c’est
différent.
Enfin, terminons par notre cher et doux pays de notre enfance.
La Banque de
France confirme la baisse du PIB au 4e trimestre
Et voilà, j’aime ce genre d’information. Vous vous
souvenez du concept de croissance 0 que l’on nous a vendu cet
été. Rien de grave, on s’en sort plutôt bien, nous
sommes en croissance 0. Fabuleux comme perspective.
Eh bien la croissance 0 vient de se transformer en croissance 0
négative. Et une croissance 0 négative, ce n’est pas
très positif mais c’est beaucoup moins mauvais qu’une
récession, même si c’est la même chose. Mais chuuuut ! C’est un secret. Le mot
« récession » n’existe plus en Novlangue gouvernementale
et pas que depuis que nous sommes rentrés en Hollandie.
Le moins 0,1 %, c’est la prévision de la Banque de
France. Beaucoup plus optimiste que la prévision de l’INSEE qui
voit une croissance 0 négative de - 0,2 %.
Enfin, de vous à moi, il a raison notre grand Mario, on
n’y peut pas grand-chose, alors autant baisser les bras.
Charles
SANNAT
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com
PS : Le Contrarien Matin va évoluer
dans les prochains jours pour répondre à vos attentes et aux
commentaires toujours constructifs et sympathiques que vous avez pu nous
faire. Je vous tiendrai au courant dans les numéros suivants.
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