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La raison d’être de l’étalon papier

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Published : December 13th, 2012
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Category : Editorials

 

 

 

 

Lors de mon dernier billet, nous avons vu que l’étalon or a l’avantage de protéger la population d’abus étatiques en termes de manipulation monétaire. Tant que l’or reste la monnaie de base du système et que la convertibilité en or du papier-monnaie est garantie par l’État, toute manipulation du papier-monnaie est rapide et facilement déjouée par la limite naturelle qu’imposent les réserves d’or des banques et de la banque centrale (BC). Une expansion trop forte du papier-monnaie résultera en un écart trop visible pour les individus entre la valeur de marché de l’or et celle du papier-monnaie. Les interventions de la BC sont ainsi limitées par ses réserves d’or et celles-ci sont elles-mêmes limitées par l’exploitation des mines de métal jaune.


Mais il vaut la peine de se demander pourquoi une expansion de la masse monétaire – plus précisément de l’offre de papier-monnaie ou des dépôts bancaires, ou des deux – peut apparaître souhaitable ? Le péché originel vient probablement des banques. Si l’activité bancaire était limitée aux services de réserve monétaire (dépôts à vue) et d’intermédiation financière (dépôts ou placements à terme), alors les revenus des banques seraient eux-aussi limités aux frais de tenue de compte pour les dépôts à vue et au spread pour les dépôts à terme.


Si une banque peut, par contre, créer des dépôts à vue sans aucun versement réel de réserves monétaires en contrepartie, elle peut alors octroyer des crédits sans qu’aucune épargne n’ait été au préalable accumulée. De cette manière, la banque est en mesure de créer des sources de revenu à volonté tant qu’elle est capable de se procurer des débiteurs. Les revenus de la banque lors de la création d’un crédit sous forme d’un dépôt à vue sont les frais de tenue de compte, plus l’intérêt du crédit (plus de spread car la banque ne doit rien à personne), et finalement le remboursement même du crédit.


On pourrait même dire que l’adoption du système à réserves fractionnaires, décrit ci-dessus, a été simultanée à l’émergence des banques, comme l’attestent le professeur Huerta de Soto et l’historien Charles Kindleberger[1].


Le principal actif financier en termes de volume et de rentabilité potentielle ont toujours été les obligations d’État. Ces titres de long terme font partis de l’actif des banques depuis des siècles. En effet, la principale raison pour la création de la Banque d’Angleterre a été la gestion de la dette croissante de la monarchie britannique.


Les dépenses croissantes de l’État qu’il s’agisse de guerres ou de dépenses courantes, doivent être financées soit par l’impôt, soit par la dette. Le premier est impopulaire et limité par la capacité citoyenne à le supporter. Reste la dette. Sauf que sous un étalon or, la dette de l’État ne peut que difficilement être financée par les banques. Celles-ci vont, en effet, pour éviter d’être insolvable de gonfler les crédits qu’elles octroient. En outre, dans un système d’étalon or à convertibilité garantie, les banques savent très bien que les moyens de la BC sont limités et ne suffiront pas à les sauver en cas de problème.


La seule façon d’amorcer l’expansion du crédit scriptural pour financer les dépenses de l’État est d’abolir la convertibilité, voire d’abandonner l’or en faveur d’une monnaie dont les limitations physiques sont négligeables. Il s’agit bien évidemment de passer au papier-monnaie.


Avant l’abandon de l’étalon or, la convertibilité du papier-monnaie était d’ailleurs supprimée quand les dépenses étatiques atteignaient des niveaux très élevés, en France sous la régence de Philippe d’Orléans et pendant la Révolution Française, ou en Angleterre lors des Guerres Napoléoniennes, et partout en Europe lors des deux guerres mondiales. C’était le seul moyen d’éviter la faillite mais cela n’échappait à personne.


Nous verrons dans le prochain billet comment l’essor de la banque à réserves fractionnaires n’est possible que dans un système d’étalon papier. Il s’agira aussi de montrer que cet étalon papier n’a aucune utilité s’il ne s’accompagne pas d’une intervention étatique sur les marchés financiers et une intervention des banques centrales.


 

 



[1] Jesus Huerta de Soto (2006), Money, Bank Credit, and Economic Cycles, Auburn, AL: Ludwig von Mises Institute; Charles P. Kindleberger (1984), A Financial History of Western Europe, London, UK: George Allen & Unwin.

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Gabriel A. Giménez-Roche est professeur et responsable du département économie du Groupe ESC Troyes et maître de conférences à Sciences Po Paris. Son domaine de recherche est l'analyse économique de l'entrepreneuriat et son contexte socio-institutionnel. Il est également chercheur associé de l’Institut économique Molinari.
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