Lors de mon dernier
billet, nous avons vu que l’étalon or a l’avantage de
protéger la population d’abus étatiques en termes de
manipulation monétaire. Tant que l’or reste la monnaie de base
du système et que la convertibilité en or du papier-monnaie est
garantie par l’État, toute manipulation du papier-monnaie est
rapide et facilement déjouée par la limite naturelle qu’imposent
les réserves d’or des banques et de la banque centrale (BC). Une
expansion trop forte du papier-monnaie résultera en un écart
trop visible pour les individus entre la valeur de marché de
l’or et celle du papier-monnaie. Les interventions de la BC sont ainsi
limitées par ses réserves d’or et celles-ci sont
elles-mêmes limitées par l’exploitation des mines de
métal jaune.
Mais il vaut
la peine de se demander pourquoi une expansion de la masse monétaire
– plus précisément de l’offre de papier-monnaie ou
des dépôts bancaires, ou des deux – peut apparaître
souhaitable ? Le péché originel vient probablement des
banques. Si l’activité bancaire était limitée aux
services de réserve monétaire (dépôts à
vue) et d’intermédiation financière (dépôts
ou placements à terme), alors les revenus des banques seraient
eux-aussi limités aux frais de tenue de compte pour les
dépôts à vue et au spread pour les
dépôts à terme.
Si une banque
peut, par contre, créer des dépôts à vue sans
aucun versement réel de réserves monétaires en
contrepartie, elle peut alors octroyer des crédits sans
qu’aucune épargne n’ait été au
préalable accumulée. De cette manière, la banque est en
mesure de créer des sources de revenu à volonté tant
qu’elle est capable de se procurer des débiteurs. Les revenus de
la banque lors de la création d’un crédit sous forme
d’un dépôt à vue sont les frais de tenue de compte,
plus l’intérêt du crédit (plus de spread car la banque ne doit rien à
personne), et finalement le remboursement même du crédit.
On pourrait
même dire que l’adoption du système à réserves
fractionnaires, décrit ci-dessus, a été
simultanée à l’émergence des banques, comme
l’attestent le professeur Huerta de Soto et l’historien Charles Kindleberger.
Le principal actif
financier en termes de volume et de rentabilité potentielle ont
toujours été les obligations d’État. Ces titres de
long terme font partis de l’actif des banques depuis des
siècles. En effet, la principale raison pour la création de la
Banque d’Angleterre a été la gestion de la dette
croissante de la monarchie britannique.
Les
dépenses croissantes de l’État qu’il s’agisse
de guerres ou de dépenses courantes, doivent être
financées soit par l’impôt, soit par la dette. Le premier
est impopulaire et limité par la capacité citoyenne à le
supporter. Reste la dette. Sauf que sous un étalon or, la dette de
l’État ne peut que difficilement être financée par
les banques. Celles-ci vont, en effet, pour éviter d’être
insolvable de gonfler les crédits qu’elles octroient. En outre,
dans un système d’étalon or à
convertibilité garantie, les banques savent très bien que les
moyens de la BC sont limités et ne suffiront pas à les sauver
en cas de problème.
La seule
façon d’amorcer l’expansion du crédit scriptural
pour financer les dépenses de l’État est d’abolir
la convertibilité, voire d’abandonner l’or en faveur
d’une monnaie dont les limitations physiques sont négligeables.
Il s’agit bien évidemment de passer au papier-monnaie.
Avant
l’abandon de l’étalon or, la convertibilité du
papier-monnaie était d’ailleurs supprimée quand les
dépenses étatiques atteignaient des niveaux très
élevés, en France sous la régence de Philippe
d’Orléans et pendant la Révolution Française, ou
en Angleterre lors des Guerres Napoléoniennes, et partout en Europe
lors des deux guerres mondiales. C’était le seul moyen
d’éviter la faillite mais cela n’échappait à
personne.
Nous verrons
dans le prochain billet comment l’essor de la banque à
réserves fractionnaires n’est possible que dans un système
d’étalon papier. Il s’agira aussi de montrer que cet
étalon papier n’a aucune utilité s’il ne
s’accompagne pas d’une intervention étatique sur les
marchés financiers et une intervention des banques centrales.
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