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Dès le 25 mai,
lendemain des élections européennes, le gouvernement a annoncé de nouvelles
mesures fiscales visant à favoriser les
revenus
faibles et les fonctionnaires,
qui s’ajoutent à une autre annonce
faites par le Premier Ministre Manuel Valls sur TF1 à la veille des élections
(proposant de dispenser d’impôt environ 650 000 salariés gagnant moins de 1 800
euros par mois). Sans mettre en question la nécessité économique et sociale
de réduire le poids de la taxation et d’aider davantage les ménages modestes
(qui, de toute évidence, ressentent ce poids de manière encore plus forte que
les ménages mieux lotis), on ne peut s’empêcher d’entrevoir un lien entre les
sondages qui ont précédé les élections et le résultat final du scrutin, qui a
donné gagnant le Front National.
Le lien entre
ces mesures et les résultats des élections n’est pas très compliqué à établir
lorsque l’on superpose les bénéficiaires de ces mesures et les sondages qui
s’attachent à décortiquer l’électorat du Front National. Ainsi, un sondage effectué au lendemain de
l’élection par Ipsos indique que « parmi
les votants, le FN réalise ses meilleurs scores au sein des couches
populaires et modestes de la société : ouvriers (43%), employés (38%),
chômeurs (37%), foyers à bas revenus (30%), et personnes à faible
niveau de diplôme (37%) ». Encore plus intéressant, un autre sondage commandé par le journal L’Humanité auprès de l’IFOP (concernant
le vote aux élections européennes selon la proximité syndicale) laisse
entrevoir une popularité croissante du FN au sein même des syndicats,
historiquement la chasse-gardée de la gauche. Plus précisément, 25% des
salariés proches d’un syndicat (interrogés à cette occasion) ont déclaré avoir
voté pour le Front National aux élections européennes.
Certes, les données
fournies par ces sondages sont limitées et leur méthodologie peut être remise
en question. Toutefois, ils ont certainement été posés sur la table du
gouvernement et ont imprimé dans les esprits des dirigeants l’idée selon
laquelle le PS a perdu au détriment du FN sa base électorale : les
fonctionnaires, les employés proches des syndicats, les revenus modestes. Les
promesses fiscales rendues publiques juste après les élections ont donc sans
doute été faites dans l’objectif d’améliorer l’image du parti du gouvernement
en vue des prochains sondages, avec le lointain espoir de prévenir d’autres
échecs dans les urnes, notamment lors des élections présidentielles en 2017.
Dans la mesure
où ce raisonnement ne s’éloigne pas trop de la réalité, il ne nous reste qu’à
déplorer la vision courte-termiste du gouvernement
qui se dépêche de sauver sa propre image dans les sondages et de réconforter
sa base électorale au lieu d’engager des réformes structurelles pour assainir
les finances publiques ou libéraliser le marché du travail, les seules susceptibles
d’améliorer à long terme le bien-être des moins bien lotis et de les rendre
moins dépendants des aides publiques. La vision égocentrique sur le court
terme s’avérera sans doute dommageable économiquement et socialement car elle
ne fera que paupériser davantage les classes populaires, sans même que le
résultat électoral soit garanti car, parmi les formations politiques, ce ne
sont pas les populistes qui manquent.
Dans cette
perspective, il n’est pas du tout étonnant de noter que ces mesures fiscales
ne font que rapprocher le PS de son rival politique FN, car il s’agit du même
type de démarche populiste ciblant un groupe d’électeurs moins bien lotis
mais plus nombreux au détriment des groupes d’« élites », mieux
loties mais moins nombreuses. Ce rapprochement s’ajoute à l’obsession du
gouvernement, personnifiée par Arnaud Montebourg, consistant à protéger coûte
que coûte l’industrie française (à travers des décisions comme celle qui a
empêché General Electric d’acheter Alstom, pour la seule raison qu’il s’agit
d’une entreprise américaine) ; dans la même situation, on ne peut pas
imaginer qu’un hypothétique Ministre FN de l’économie aurait agi différemment.
Aussi étonnant
que cela puisse paraître à première vue, c’est précisément cette haine infondée
à l’égard des riches et des étrangers qui rapproche
les deux partis.
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