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Le compte n’y sera toujours pas

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Published : June 05th, 2012
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La mesure de la crise européenne se précise. Pour les besoins de financement des États espagnol et italien jusqu’en 2014, les mille milliards d’euros sont atteints, déficit et roulement de la dette compris (source JP Morgan). C’est le prix qu’il faudrait payer pour les soustraire au marché afin de les faire bénéficier de taux plus cléments. Le financement d’un fonds de garantie des dépôts bancaires crée des besoins du même ordre pour être crédible, si l’on considère le montant global de ceux-ci pour toute l’Europe. Ce sont donc deux mille milliards d’euros qui devraient être financés, dans l’hypothèse irréaliste où ces deux pays pourraient ensuite retourner sur les marchés en 2015, la tourmente obligataire apaisée.


En additionnant les capacités financières actuelles du FESF, du MES et du FMI, le financement de la dette publique espagnole et italienne pourrait selon ces estimations être couvert pour les trois prochaines années. Si tout se passe bien, car cela implique de faire appel au marché à un moment où il est déjà sollicité par les banques. Ce qui laisserait entier le problème posé par celles-ci, qui ne se résume pas à la création d’un fonds de garantie des dépôts, mais comprend également leur recapitalisation.


Un voile opaque continue de faire obstacle à l’estimation du montant total de cette dernière. Deux raisons y contribuent : la transposition en droit européen de Bâle III tarde, faute d’accord sur la définition du capital présidant au calcul du ratio de fonds propres et sur la possibilité de faire varier celui-ci suivant les pays ; l’analyse des dépréciations d’actifs effectivement réalisées par les banques reste à faire, sur le modèle qui semble avoir été finalement adopté en Espagne (à sa divulgation près).


La conclusion s’impose : la couverture financière du processus de désendettement qui se poursuit chaotiquement implique la participation de la BCE bien au-delà de ce à quoi elle s’est jusqu’à maintenant résolue. Si la fiction de sa non-participation au financement de la dette publique peut être maintenue – en empruntant des voies indirectes – les injections massives de liquidités n’ont comme seul portée que de gagner du temps, sans rien régler au problème de la solvabilité des banques, toujours nié. Le financement du fonds de garantie des dépôts lui reviendra aussi nécessairement, étant donné que la taxe sur les dépôts bancaires sera loin d’y pourvoir à court terme. Dans les faits, cela suppose que le MES dispose d’une licence bancaire et que son financement public provienne à la fois des États et de la BCE.


Même si l’on décide de procéder par étapes, le processus réclamera pour être intégralement accompli un engagement mutuel des États européens allant, pour eux aussi, bien au-delà de ce qu’ils ont aujourd’hui accepté. Quelle que soit la manière que l’on a de poser le problème, on retombe toujours sur une forme ou une autre de mutualisation de la dette. Dure leçon pour ceux qui voudraient la contenir. C’est pourquoi il est envisagé comme contrepartie de monter de plusieurs crans dans l’intégration européenne afin de donner des garanties sur sa mise en application. Il s’agit bien, de ce point de vue, d’une réédition du schéma qui a prévalu à la création de l’euro et de la BCE, mais en plus vaste.


Le contexte dans lequel cette opération s’amorce n’est pas des plus favorables. Tant en raison de la dimension planétaire de la crise et de ses répercussions en Europe, s’ajoutant aux facteurs proprement européens de celle-ci, que de l’approche choisie pour la réaliser. Il porte un nom, récession, et bute sur une inconnue, la relance de la croissance. Celle-ci permettrait de soulager le poids du désendettement, à défaut d’une inflation toujours aussi redoutée. Le débat est donc en cours en Europe sur la manière d’y contribuer, entre les tenants des réformes structurelles, et ceux qui préconisent des mesures aux effets plus immédiats et moins socialement destructeurs. Inévitablement, un mélange des deux sera retenu au terme d’un compromis qui reste à trouver.


Dans le premier cas, cette politique d’inspiration néo-libérale classique est aussi dépassée par les événements que ne l’est la stratégie de désendettement qui l’accompagne. Dans le monde d’aujourd’hui, la course à la compétitivité salariale avec les pays émergents est vaine, sauf à baisser à nouveau des barrières douanières et réglementaires, avec pour objectif irréaliste et lourd de déflagrations de rebrousser chemin sur la voie d’une mondialisation qui est accomplie. Dans le second, qui s’apparente à une relance keynésienne, la relance tente d’esquiver la problématique de la redistribution de la richesse alors que la machine à faire du crédit qui y suppléait ne peut plus produire les mêmes rendements. Elle s’inscrit dans le contexte d’une mondialisation où son bénéfice pourrait être partiellement déporté à l’extérieur de la zone où elle serait engagée. Elle est donc par avance limitée dans ses effets, d’autant plus que ses financements sont mesurés.


Prendre en compte, en tentant de les régler séparément, les deux dimensions privée et publique de la dette est un modeste pas en avant, mais cela ne fait que mettre en évidence que leur addition est inabordable. Il faut trancher dans le vif, et pas là où on l’envisage. Réunir les moyens en espérant la rembourser implique une intégration économique et politique au déficit démocratique marqué et au coût social élevé, telle qu’elle est conçue. Tandis que sortir du cadre reste inimaginable pour ceux qui disposent du pouvoir.


À défaut de l’émergence d’une alternative – équivalent aujourd’hui de ce que la révolution russe a longtemps symbolisé (quel que soit le jugement que l’on porte sur celle-ci) – on assiste donc à des inquiétudes grandissantes, des rejets, des explosions, et des manifestations collectives de l’exigence de la survie qui, quand l’occasion se présente, commencent même à avoir des traductions politiques, auxquelles manque encore une dimension programmatique plus achevée.


Si les divergences parviennent à être masquées, le prochain sommet européen va tenter de faire prévaloir une vision européenne. Elle sera à courte vue.



Billet rédigé par François Leclerc


Son livre, Les CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître.



Un « article presslib’ » est libre de reproduction numérique en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.


 

 



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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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