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L’INSEE
dévoilait le 31 mars derniers plusieurs indicateurs économiques clé
concernant l’état de l’économie française. De manière opportune, ces
publications intervenaient le lendemain du second tour des municipales, qui
ne furent guère favorables au pouvoir en place. Ces indicateurs se sont
révélés être assez médiocres.
À la fin de
l’année 2013, la dette trimestrielle de Maastricht des administrations
publiques s’établissait
à 1 925,3 milliards d’euros, soit 93,5% du PIB. C’est bien au-delà des
60% tolérés par le traité de Maastricht (dépassés en 2003) et très au-dessus
des 91,3% prévus
initialement :
On aura aussi
noté que, contrairement à ce qui est régulièrement dénoncé, il n’y a pas
d’austérité en France (si ce n’est pour les ménages).
En effet, les dépenses publiques ont progressé l’année dernière de 23,5
milliards d’euros (+2,0% par rapport à 2012). À 1 176,1 milliards
d’euros, elles représentent désormais 57,1% du PIB, soit un plus haut niveau
historique :
Un second
indicateur annonce une dégradation des comptes publics, il s’agit du déficit
public. Celui-ci s’élevait
pour 2013 à 4,3% du PIB. Cet indicateur, plus suivi, est celui sur lequel la
Commission européenne demande le plus de garanties. Non seulement, le seuil
de 3,0% (imposé par les traités) n’a pas été respecté (comme chaque année
depuis 2008), mais la prévision de 4,1% faite durant l’automne par Bercy
s’est avérée erronée. Bercy devrait transmettre
des prévisions actualisées pour les années 2014 à 2017 la semaine du 22 avril
à la commission des finances de l’Assemblée nationale, puis la semaine
suivante au Parlement et à la Commission européenne. Celles-ci sont
particulièrement attendues à Bruxelles, qui anticipait
(avant même les publications de l’INSEE) un déficit de 4,0% pour 2014 (contre
3,6% pour Bercy). Il s’agissait de la 39ème année consécutive de
déficit, le dernier budget à l’équilibre remontant à 1974 :
J’avais parlé
dans un article
récent du sénateur socialiste de la Nièvre Gaëtan Gorce. Pour ce dernier,
François Hollande n’avait « ni les moyens » ni « la volonté de
dégager 50 milliards d’économies supplémentaires » et ses annonces
étaient un « leurre destiné à enfumer » la Commission européenne.
Celui-ci avait raison, si ce n’est que la Commission européenne n’est plus
dupe (l’a-t-elle d’ailleurs jamais été ?). J’évoquais également la
possibilité d’un durcissement de ton de la Commission qui pourrait tout de
même finir par s’impatienter. Il semblerait qu’un tel infléchissement ait
débuté.
À l’annonce
des déficits, Simon O'Connor (porte-parole du commissaire aux Affaires
économiques Olli Rehn) a ainsi reconnu
que « ce n'[était] pas une très grande surprise » et a exhorté le
gouvernement français à prendre des « mesures supplémentaires »
dans le programme de stabilité qu'il doit présenter d'ici à fin avril. Les
dirigeants européens semblent aussi s’agacer
de ces reports répétés. Il faut dire que ceux-ci se multiplient : en
2008 Sarkozy avait déjà obtenu un délai alors que François Hollande avait
promis en 2012 un retour sous les 3,0% pour 2013... Olli Rehn, a également
proposé de « rafraîchir la mémoire » du gouvernement français qui
« a déjà profité, dans le cadre de la procédure pour déficit excessif,
de deux reports de calendrier ». Jeroen Dijsselbloem (président de l’Eurogroupe)
et Mario Draghi (président de la Banque centrale européenne) sont sur la même
ligne. Pour le premier, « la France s’est déjà vu accorder plus de
temps » et « doit remplir ses obligations et mener les réformes
qu’elle s’est engagée à réaliser », alors que pour le second
« les États européens ne devraient pas se départir des efforts de consolidation.
»
Pourtant les
dirigeants français continuent à ignorer les mises en garde en continuant à
jouer sur l’opposition factice
entre austérité et croissance. Ainsi, pour François
Hollande, « il ne s'agit pas de faire des économies pour faire des
économies. Il ne peut être question de fragiliser la croissance qui
repart. » Pour Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale,
« il ne s’agit pas de ne pas se moderniser ou de ne pas assainir, mais
les conditions de la remise en place ne doivent pas tuer l’objectif ».
Le nouveau ministre des Finances, Michel Sapin, a déjà dit
vouloir discuter du « rythme » de réduction du déficit. Dans un langage
technocratique il a déclaré sur France Inter que si ce « cap » n'est
pas abandonné, « c'est le chemin, c'est le rythme lui-même qui sera discuté
dans un intérêt commun ». Le président français et le gouvernement
réussissent à faire consensus contre eux et ne pourront même plus compter sur
la complicité du nouveau premier ministre italien, Matteo Renzi. Celui-ci
avait beau parler de « pacte de stupidité » à la place de
« pacte de stabilité », le déficit public italien est revenu
sous les 3,0% dès 2013 (2,8%).
Le
gouvernement s’est donc tourné vers son partenaire allemand pour plaider sa
cause et Michel Sapin a ainsi réservé
sa première visite à l’étranger à son homologue allemand Wolfgang Schäuble.
La tâche s’annonce donc ardue pour Michel Sapin et le gouvernement français
qui n’affichent aucun effort réel pour faire repasser le déficit budgétaire
sous les 3,0%. Pourtant l’indulgence de la Commission européenne envers le
laxisme budgétaire français semble arriver à son terme. La proximité des
élections européennes (le 25 mai en France), qui devraient voir de fortes
poussées des partis eurosceptiques, empêche pour l’instant un durcissement
trop marqué des positions, mais la période de grâce devrait très bientôt
toucher à sa fin.
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