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Damned ! L’amitié
franco-allemande, fêtée il y a quelques jours par la
commémoration du cinquantenaire du Traité de l’Élysée,
n’a pas résisté aux neiges de Davos. La
chancelière allemande Angela Merkel a bien
vite tourné le dos au président français François
Hollande pour s’asseoir avec le premier ministre britannique David
Cameron dans un salon confortable de Davos.
Est-ce le coup
de semonce du FMI qui a rapproché ces deux dirigeants plus
portés sur l’économie de marché plutôt que
sur l’économie sociale et solidaire prônée par
François Hollande ? «
La zone euro continue de représenter un risque considérable
pour les perspectives de l'économie mondiale » avait froidement constaté
le FMI. Il était difficile de planter un décor plus
sinistre sur le Vieux Continent : pas de quoi attirer les investisseurs
et garder les entreprises internationales.
Le
détail des chiffres est édifiant puisque la projection de croissance du FMI pour
la zone euro est de -0,2% en 2013, ce qui prolonge la récession de
2012 qui était à -0,4%. En
comparaison, la projection de la croissance pour l’Union
européenne ferait presque partie des bonnes nouvelles
puisqu’elle est de 0,2% soit une amélioration si on la compare
à 2012 où elle était descendue à
-0,2%.
Scrutant les
chiffres du FMI, Angela Merkel et David Cameron,
toujours dans le même salon, auront pu se féliciter d’avoir
maintenu leur pays respectif à flot : l’Allemagne devrait
atteindre 0,6% de croissance pendant que le Royaume-Uni devrait se situer
à 1%. Si la France ne plonge pas dans le négatif comme ses
cousins latins espagnol (-1,5%) et italien (-1%), elle frôle le
zéro avec 0,3%. Soyons franc : avec de telles perspectives, les
propositions d’économie sociale et solidaire de François
Hollande ont beaucoup moins d’attrait et de crédibilité
que les propositions commerciales de David Cameron.
Car Angela Merkel et David Cameron, installés dans leur salon
de Davos, ont parlé business et compétitivité. C’étaient
un peu comme s’ils sifflaient la fin de la récréation, la
fin des discours sociaux et protectionnistes mis en avant par les Français.
Merkel a déclaré :
« Alors que l'Europe regroupe 7 % de la population mondiale
et 25 % du PIB du monde, ses dépenses sociales en
représentent 50 %. On ne pourra défendre notre
système social qu'en étant innovateur. » Une innovation qui sera
encouragée par une plus grande ouverture de l’économie
européenne. Cameron et Merkel sont
tombés d’accord sur une notion que François Hollande et les
socialistes français auront beaucoup de mal à
assumer : le libre-échange. Car Angela Merkel
le dit sans ambages : « Le libre-échange est essentiel
pour la croissance ».
Avec David
Cameron, Angela Merkel trace les grandes lignes de
la mise en place d’un libre-échange global :
«L'Allemagne est d'accord pour que l'Union européenne signe des
traités commerciaux bilatéraux avec le Canada, le Japon et les
pays de l'Asean », c’est-à-dire l’Association
des nations de l'Asie du Sud-Est. Et, avec la complicité de son
homologue britannique, la chancelière allemande enfonce le clou :
« De même, et après de multiples tentatives avec les
États-Unis, il serait bon d'entamer des négociations » avec
les Américains.
Elle donne
enfin un coup de grâce, subtil mais rude, à François
Hollande : « Certes l'agriculture constitue un obstacle »,
dans le dialogue avec les États-Unis, « mais il est
surmontable ». Or, les aides et la protection de
l’agriculture dans l’Union européenne
bénéficient en priorité à la France. Merkel n’hésitera donc pas à les
sacrifier pour que l’Europe retrouve une économie dynamique et
ouverte. De son côté, David Cameron renchérit sur
l’avantage à établir un libre-échange avec les États-Unis
puisque cela « permettrait de créer 2 millions d'emplois en
Europe ».
Ce dialogue
entre Angela Merkel et David Cameron fait partie de
ces événement discrets, presque informels, qui pèsent
plus lourds dans les décisions politiques que bien des sommets. L’isolement
de François Hollande est entériné de fait. Et Angela Merkel met de côté l’amitié
franco-allemande, lui préférant le pragmatisme
germano-britannique. C’est la victoire de la realpolitik du
libre-échange sur la vision de l’économie sociale et solidaire.
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