Compte tenu des problèmes
actuels des États européens, il est difficile de nier que les
pays dotés de grands secteurs publics ont un problème de
croissance économique. Si l’État grossit trop, il évince
l'activité privée et étouffe l'économie par les
deux mains de la fiscalité et de la bureaucratie.
Bien que la plupart des
économistes acceptent de dire qu’il existe une
corrélation négative entre la taille du gouvernement et la
croissance économique, beaucoup s’empressent de nuancer en
ajoutant que si les dépenses de l’État sont axées
sur l'investissement plutôt que sur la consommation, elles peuvent
avoir un effet positif sur la croissance économique.
Ici, l'hypothèse implicite
est que les dépenses de l’État ne sont ni « bonnes »,
ni « mauvaises ». Tout dépend de comment
l’État dépense son argent (ou plutôt l’argent
qu’il a levé ou emprunté sous forme d’impôt
ou de dette).
Les « bonnes » dépenses publiques existent-elles ?
Une nouvelle étude publiée par le Centre for Policy Studies,
suggère que cette hypothèse est infondée et qu’il
n’existe en réalité aucune corrélation positive
entre croissance économique et dépenses d'investissement
public, quelle que soit leur nature.
Le périmètre de
cette étude est particulièrement intéressant
puisqu’elle s’intéresse à 19 pays européens
de l’OCDE sur une période de 15 ans, de 1996 à 2011.
Son premier constat est plutôt
surprenant : les dépenses de l’État liées
à ses pouvoirs régaliens (justice, défense, ordre
public) sont complétement éclipsées par d’autres
activités. En moyenne, 38% des dépenses des États sont
affectées à la sécurité sociale, 19% aux
fonctions régaliennes, 15% à la santé, 12% à
l’instruction et 10% aux subventions et infrastructures.
L’augmentation du poids de
l’État que nous vivons depuis un siècle vient de
l’accroissement du contrôle étatique dans tous ces
secteurs qui ne sont pas régaliens. L’étude souhaite alors
vérifier qu’il y a une relation empirique entre les
différents types de dépenses publiques et la croissance
économique.
La réponse apportée
par l’étude va surprendre plus d’un lecteur. Difficile en
effet de distinguer entre « bonnes » et « mauvaises »
dépenses de l’État. En dehors des dépenses
publiques liées aux pouvoirs régaliens, à peu
près toutes les dépenses de l’État ont un impact
neutre ou négatif sur la croissance.
Le domaine de l’instruction
est le seul à être neutre. Les États peuvent y investir plus
ou moins, l’impact sur la croissance économique reste
statistiquement neutre. En d’autres termes, donner plus d’argent
à l’éducation nationale n’a aucun effet sur la
croissance économique.
En ce qui concerne les autres
secteurs de dépenses de l’État, l’effet sur la
croissance est négatif.
En matière de santé
par exemple, plus les dépenses de l’État augmentent,
moins on a de croissance économique. L’étude estime
qu’une réduction des ressources consacrées aux
dépenses publiques de santé de 0,5% permettrait
d’accroitre la croissance économique de 0,4% par an.
Pour les dépenses de
sécurité sociale, l’effet négatif sur la
croissance est encore plus prononcé. L’argent que l’État
dépense pour les frais de maladie, d’invalidité, de retraite,
pour les allocations familiales, chômage et logement tue la croissance.
Pour chaque point de pourcentage supplémentaire du PIB consacré
à un des éléments de la sécurité sociale,
la croissance annuelle du PIB est inférieure de 0,2%.
Les dépenses de l’État
liées à l’instruction, la santé ou la sécurité
sociale ne font donc pas grandir notre économie plus rapidement.
Et les infrastructures ?
Quid des dépenses publiques en infrastructures ? À
Paris comme à Bruxelles, celles-ci ont la réputation de
stimuler la croissance économique. Mais qu’en est-il
vraiment ?
L’étude souligne
qu’en « comparant la moyenne des dépenses
d'infrastructure routière des 19 pays européens sur la
période 1996-2010, on ne trouve aucune preuve de l’existence
d’une corrélation avec la croissance moyenne du PIB réel
». « Le coefficient de corrélation
calculé entre la moyenne des dépenses en infrastructures routières
en proportion du PIB et la croissance moyenne du PIB réel pour chaque
pays sur la période analysée est de -0,066% ». La
politique des grands travaux
n’est donc pas le remède miracle que beaucoup de
politiciens et de hauts fonctionnaires nous vendent depuis des
décennies.
L’étude prête
cependant le flanc à quelques critiques. Tout d’abord, corrélation
n’est pas causalité. Il est ainsi possible qu’une hausse
des dépenses de l’État dans le domaine de la santé
et qu’une baisse de la croissance économique surviennent
en même temps sans qu’il y ait de lien entre les deux. Une autre
critique serait de dire que mesurer l’impact des dépenses agrégées
d’instruction n’est pas une approche assez fine : quid de la distinction et des
différents impacts entre l’investissement dans de meilleurs
enseignants et l’investissement dans de nouvelles salles d’école ?
Cela dit, la conclusion générale
de l’étude est plus que plausible : l’État ne
peut pas encourager la croissance économique en s’accaparant
plus de ressources pour lui-même. L’échange volontaire est
le meilleur moyen d’allouer des ressources. La dépense publique,
en distordant le mécanisme des prix, sape également les
incitations disciplinant le marché ce qui aboutit
nécessairement à l’affaiblissement du potentiel de
l’économie d’un pays.
Cette étude démontre
qu’il n’existe pas de relation entre les principaux secteurs de
dépenses publiques et la croissance du PIB réel. Plus grande
est la taille de l'État, moins prospère est la société.
Si plausibles que soient ces
résultats, il est utile de diffuser ces faits face à
l’incessante rhétorique politique demandant plus de
dépenses de l’État
- déguisées en « investissements publics »
- pour stimuler l’économie.
Ce n’est pas forcément ce que les chiffres montrent.
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