En 1763, les Britanniques,
alors déjà en guerre contre les Espagnols, ont décidé de porter leur
initiative jusqu’au nouveau monde. Le Lord Clive est arrivé à Colonia, en
Uruguay, et n’a pas attendu avant de commencer à bombarder la petite ville.
Au vu du nombre de canons dont il disposait, le capitaine du navire pensait
pouvoir causer suffisamment de dommages pour forcer les habitants espagnols
de la ville à se rendre. Après un long épisode de bombardement, les Espagnols
ne se sont cependant toujours pas résignés à brandir le drapeau blanc, mais
l’équipage du Lord Clive est, quant à lui, parvenu à déclencher un incendie
sur son propre navire. L’incendie s’est très vite propagé, et le capitaine et
ses hommes ont dû abandonner le Lord Clive.
Selon les récits locaux, ils
auraient nagé jusqu’à la rive tout en s’excusant d’avoir bombardé la ville,
avant de demander grâce. Les Espagnols les ont tous abattus.
Ce n’est en revanche pas la
conclusion que décrivent les manuels d’histoire britanniques. Bien que la
défaite britannique à Colonia soit ouvertement admise, a folie de cette
entreprise ne l’est pas. Et bien que les historiens acceptent généralement
une défaite, ils hésitent souvent à mentionner le comportement idiot de leur
propre armée. C’est pourquoi la version anglaise de l’histoire est bien
différente de celle racontée ci-dessus.
Et c’est dommage, parce que
bien des leçons peuvent être tirées des idioties de l’Histoire. Et parce
qu’elles ne sont que rarement mentionnées, les chefs militaires ont tendance
à commettre les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs.
En guise d’exemple, nous
pouvons nous pencher sur les aventures dans lesquelles se lancent aujourd’hui
les Etats-Unis, et observer les invasions dont ils ont été responsables au
cours de ces quinze dernières années, au Proche-Orient comme ailleurs. Ces
aventures sont menées, nous dit-on, pour « faire du monde un endroit sûr
pour la démocratie ». Mais à chaque fois que les Etats-Unis s’emparent
d’un pays étranger, ils y établissent un gouvernement fantoche, ce qui ne
correspond pas vraiment à la définition que nous donne le dictionnaire du
terme « démocratie ».
Sans oublier que la guerre
coûte très cher. Choisir d’envahir plusieurs pays à la fois, comme l’ont fait
les Etats-Unis depuis quinze ans, est plus coûteux encore.
Pire que cela, le gouvernement
des Etats-Unis ne rate jamais une opportunité de dépeindre les Russes tels
des agresseurs diaboliques – une appellation qui correspondrait bien mieux
aux Américains. La Russie a déjà tenté à maintes reprises de mettre un frein
à l’agression, alors que les Etats-Unis n’ont cessé de lui lancer des piques
et de chercher à l’attirer vers un conflit.
C’est là un comportement
extraordinairement idiot, pare qu’il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’une
guerre éclate entre les deux pays. Au fil des siècles, de nombreux pays ont
tenté de s’opposer à la Russie, qui s’est toujours avérée être un ennemi très
difficile à vaincre. Bien que les films américains sur la seconde guerre
mondiale tendent à dépeindre les Américains comme victorieux contre les
Allemands, ce sont les Russes qui ont fait le plus gros du travail. Même
s’ils étaient moins équipés et moins préparés, les soldats russes étaient au
nombre de 20 millions, et auraient pu éliminer n’importe quel opposant. Les
Russes n’aiment pas plus la guerre que n’importe quel autre peuple, mais ils
ont une meilleure endurance. Ils sont capable de mener une guerre jusqu’au
bout, bien longtemps après que leur adversaire ait perdu son courage.
La Chine et bien d’autres ont
aussi déjà annoncé leur soutien à la Russie, dans l’éventualité où les
Etats-Unis s’emportaient dans leur programme d’agression du Proche-Orient. Et
la Chine et la Russie ont toutes deux annoncé que, si les Etats-Unis s’en
prenaient à l’Iran, elles joindraient leurs forces avec ce dernier.
Il serait très imprudent de la
part du gouvernement américain de croire possible de s’opposer à de tels
pouvoir et de s’en sortir victorieux.
Mais que cela a-t-il à voir
avec le naufrage du Lord Clive ?
Comme je l’ai dit plus haut,
le capitaine du Lord Clive avait entre ses mains un immense navire de guerre,
capable de causer des dommages significatifs. Mais l’enthousiasme de son
équipage pour la destruction est devenu tel qu’il n’est pas parvenu à
éteindre l’incendie qui s’est déclenché à bord de son propre navire. Alors
lui et ses hommes ont dû sauter par-dessus bord, et se rendre face aux
Espagnols qui, à ce moment-là, et je peux les comprendre, n’avaient plus le
cœur à se montrer miséricordieux.
Les Etats-Unis sont
aujourd’hui dans une situation similaire. Sur le plan domestique, ils ne sont
pas dans la meilleure posture qui soit. L’économie américaine semble tirer à
sa fin, et un effondrement financier pourrait être imminent. Le gouvernement
devient de plus en plus autocrate, et un Etat-policier pourrait être établi
dans un futur proche. Et il deviendra nécessaire, à mesure que les fonds
d’aides sociales s’assècheront et que ceux qui acclament aujourd’hui
l’Etat-providence réaliseront qu’on leur a menti. Les fonds de pension sont
aussi à genoux, et les employés du secteur privé comme du secteur public se
montreront d’autant plus maussades quand ils se rendront compte que ce
tapis-là aura lui-aussi été tiré de sous leurs pieds.
Si nous devions imaginer le
pire avenir possible pour les Etats-Unis, il pourrait se jouer ainsi :
- Les
Etats-Unis envahissent l’Iran, ou attaquent directement les forces
russes en Syrie ou dans n’importe quel autre pays.
- La Russie
riposte et le monde entier choisit son camp pour laisser place à une
troisième guerre mondiale.
- Pour la
toute première fois de l’Histoire, le peuple américain est plus en
colère contre son gouvernement que contre l’ennemi qu’on lui demande de
haïr.
- Le gouvernement
américain fait face à un conflit international alors même qu’il est
forcé de défendre sa légitimité sur son propre territoire.
- A une heure
où les Etats-Unis sont en banqueroute et économiquement incapable de
supporter un conflit sur quelque front que ce soit.
- Le monde se
tourne contre les Etats-Unis au vu du fisc qu’ils ont causé et, pour la
toute première fois, les Etats-Unis se retrouvent seuls.
- Les efforts
des Etats-Unis n’aboutissent pas et, à la manière de l’équipage du Lord
Clive, les Etats-Unis abandonnent le navire et demandent le pardon à
ceux qu’ils ont envahis.
Dans le scénario ci-dessus,
nous estimons que les Etats-Unis ont généré une situation qui a maximisé
l’hostilité du reste du monde. En 1919, l’Europe a imposé le Traité de Versailles
à l’Allemagne, non pas par nécessité, mais pour se venger. En conséquence, le
peuple allemand a souffert des décennies durant – aussi bien socialement
qu’économiquement.
Une dernière chose : tous
les soirs, sur les chaines d’informations américaines, experts, politiciens
et généraux à la retraite font des rodomontades et nous chantent que le reste
du monde ferait mieux de coopérer avec les Etats-Unis, sinon… Bien que ces
bravades puissent plaire à un segment de la population américaine, elles sont
aussi accessibles au reste du monde. Et nous, qui ne sommes pas Américains et
ne résidons pas aux Etats-Unis, écoutons cette rhétorique menaçante et la
trouvons dérangeante. Plus important encore, les chefs d’Etat du monde
regardent aussi ces programmes, qui ne sont pas sans rappeler le ton de la
propagande nazie du début des années 1930. Aux yeux de ceux d’entre nous qui
ne vivent pas aux Etats-Unis, les chefs d’Etat américains apparaissent de
plus en plus dangereux.
Si tout cela se jouait sur les
grandes lignes du naufrage du Lord Clive, le peuple Américain devra un jour
payer le prix du comportement irresponsable de ses représentants.