Dans la guerre
des monnaies à laquelle nous assistons, il me semble utile de rappeler la
guerre qui est menée contre l’or depuis des décennies.
La
Fin du Dollar Fixe
Première
Guerre de l’Or – La London Gold Pool – 1961 à 1968
Au
début des années 1960, le ratio de 35 dollars pour une once d’or est devenu
de plus en plus difficile à maintenir. La demande en or grimpait et les
réserves d’or des Etats-Unis se tarissaient en conséquence du déficit
commercial des Etats-Unis avec le reste du monde. Peu de temps après
l’investiture du président Kennedy en janvier 1961, et pour faire face à ce
problème, le nouveau sous-secrétaire du Trésor Robert Roosa a suggéré que les
Etats-Unis et l’Europe rassemblent leurs réserves d’or pour empêcher le prix
de l’or sur le marché privé d’excéder les 35 dollars par once. Suite à sa
suggestion, les banques centrales des Etats-Unis, de la France, de
l’Allemagne de l’Est, de l’Angleterre, de la Suisse, de l’Italie, de la
Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg ont mis en place la London Gold Pool
au début de l’année 1961.
La
Pool a commencé à se défaire après que la France, sous Charles de Gaulle, a
commencé à renvoyer ses dollars gagnés de ses exportations vers les
Etats-Unis et leur demande de recevoir de l’or en retour. Sous les termes des
Accords de Bretton Woods signés en 1944, la France avait parfaitement le
droit d’agir ainsi. Le drain des réserves d’or Américaines devint évident, et
la London Gold Pool ferma ses portes en avril 1968. La demande en or n’a
quant à elle pas diminué.
A la
fin des années 1960, les Etats-Unis avaient le choix entre éliminer leur
déficit commercial ou réévaluer le dollar à la baisse contre l’or pour
refléter la situation économique du moment. Le président Nixon ne fit rien de
tout ça. Il décida de répudier l’obligation des Etats-Unis d’échanger des
dollars contre de l’or, de la même manière que le président Roosevelt avait
répudié son obligation domestique en 1933. Le 15 août 1971, le président
Nixon ferma le guichet de l’or. Le dernier lien entre l’or et le dollar fut
rompu. Et les conséquences en furent inévitables. En février 1973, les devises
du monde étaient devenues flottantes. Avant la fin de l’année 1974, le prix
de l’or était passé de 35 à 195 dollars par once.
Seconde
Guerre de l’Or – les Enchères d’Or du FMI et du Trésor Américain – 1975 à
1979
Le
premier janvier 1975, il
devint à nouveau légal pour les citoyens Américains de posséder de l’or.
Ayant anticipé la demande, le Trésor et de nombreuses autres banques
centrales ont vendu de grandes quantités d’or et empoché des profits papier,
ce qui a eu deux résultats. Le prix de l’or a baissé pour atteindre 103
dollars en 18 mois. Plus important encore, un grand nombre de petits
investisseurs se sont retrouvés détruits.
Mais
cette attaque préventive contre l’or n’est pas parvenue à contrer les
déséquilibres inhérents au régime de devises flottantes. Alors que le prix de
l’or a recommencé à grimper, le FMI (contrôlé par les Etats-Unis) et le
Trésor ont commencé une série de ventes aux enchères de métal jaune dans
l’espoir de maintenir son prix à un niveau très bas. Mais le dollar a à
nouveau enregistré une chute de valeur. Entre janvier et octobre 1978, le
dollar a perdu 25% de sa valeur contre un panier de devises comptant parmi
ses partenaires commerciaux majeurs. En conséquence, au début de l’année
1970, la demande en or surpassait les quantités de métal mises en vente par
le FMI et le Trésor, et les ventes aux enchères furent annulées.
L’or a
de nouveau atteint son niveau de décembre 1974 (195 dollars) en juillet 1978.
Il a ensuite atteint de nouveaux records à la hausse avec 250 en février 1979
et 300 dollars en juillet de la même année. Au mois de juillet, Paul Volcker
a été nommé directeur de la Réserve Fédérale par un Jimmy Carter désespéré.
Le prix de l’or a continué de grimper, atteignant 400 dollars au mois
d’octobre, alors que Volcker participait à une conférence à Belgrade. Lors de
la conférence, il fut dit que le système économique mondial était en passe de
s’effondrer. Lorsque Volcker revint aux Etats-Unis, il prit une décision
capitale. Il annonça le passage de la Fed d’une politique de contrôle des
taux d’intérêts à une politique de contrôle de la masse monétaire.
Cette
nouvelle politique mit du temps à être mise en place. L’or atteint 381
dollars le premier novembre 1979 pour passer à 850 dollars le 21 janvier
1980. Le public, qui s’était brûlé en 1975, n’arriva que très tard sur le
devant de la scène. Il commença à acheter de l’or en masse quatre semaines
après Noël 1979 et le record à la hausse du mois de janvier 1980. Comme en
1975, il se brûla à nouveau.
Les
Guerres de l’Or Classées Confidentielles
Au
début des années 1980, quand les marchés des actions du monde ont explosé
tout autour du monde, le prix de l’or a atteint 500 dollars à deux reprises,
la première en 1983, alors que la bulle faisait son apparition, et la
deuxième à la fin de l’année 1987, deux mois après le fameux krach d’octobre
1987. Depuis 499 dollars en décembre 1987, le prix de l’or a chuté tout au
long de l’année 1988 et s’est finalement stabilisé à 400 dollars en janvier
1989. Après ça, le prix de l’or n’a dépassé les 400 dollars qu’à quatre très
courtes reprises.
L’or se vendait pour 422 dollars entre décembre 1989 et janvier 1990.
Il a atteint 415 dollars au début de la Guerre du Golfe en 1990.
Il a atteint 408 dollars en août 1993.
En février 1996, il a atteint 414 dollars.
Au
cours des années qui ont suivi le krach boursier de 1987, lors des points de
crise, le prix de l’or n’a pas augmenté mais diminué. Le meilleur exemple de
ce phénomène est la performance de l’or enregistrée le 17 janvier 1991, le
jour où la phase ‘aérienne’ de la Guerre du Golfe a commencé. Ce jour-là,
l’or a perdu 30 dollars. Il a même perdu 40 dollars par rapport à son record
intra-journalier. Le prix de l’or a augmenté au cours des mois qui ont
précédé la guerre. Dès que la guerre a été déclarée, il s’est effondré.
Le
prix de l’or n’a pas réagi malgré le fait que la demande en or surpassait la
production chaque année depuis 1988. Il a fait le contraire de ce qu’il
aurait dû faire. Quelle en est la raison ?
D’ouverture
à couverture
Comme
je l’ai déjà expliqué, dans les années 1960 et 1970, les gouvernements s’en
sont ouvertement pris à l’or. Ils avaient pour habitude d’annoncer ce qu’ils
allaient faire. Bien entendu, ils ne rencontraient que des échecs cuisants.
Mais les membres du gouvernement, comme le reste d’entre nous, sont capables
d’apprendre de leurs erreurs. Et la première leçon qu’ils en ont tirée a été
que le meilleur moyen de combattre l’or était de le faire sous couvert. Et
c’est ce qu’ils ont fait.
L’idée
première était de combattre l’or sur leur propre territoire. Pour ce faire,
ils ont multiplié les moyens disponibles pour échanger de l’or. Plus
important encore, ils ont introduit et développé un marché de l’or indirect
en inventant un marché des produits dérivés.
La
tornade de Papier – les Produits Dérivés
Les
marchés à terme ne sont bien entendu pas une invention des années 1980.
L’invention des années 1980 est l’augmentation des instruments papier. Ces
instruments, qui ont été appelés produits dérivés, se sont d’abord développés
sur les marchés des devises et de la dette. Ils ont ensuite intégré les
marchés des capitaux propres et de l’or.
Les
avantages des produits dérivés sur les marchés papiers ont deux aspects.
D’abord, ils ont apporté des effets de levier accrus pour permettre un
trading plus agressif. En plus de ça, ils ont permis d’étendre la quantité de
monnaie en circulation sans étendre la masse monétaire ! Les mesures
traditionnelles de la masse monétaire (M1, M2, M3…) grimpaient alors bien
plus lentement. Ce qui s’est élargi a été le blizzard des produits dérivés
qui utilisaient la monnaie papier comme ‘actif’ de support. C’est l’une des
raisons pour lesquelles l’inflation (ou augmentation des prix) a ralenti.
Un
marché des produits dérivés de l’or présentait des avantages similaires. Les
gouvernements ont appris dans les années 1960 et 1970 qu’il était impossible
de satisfaire une demande croissante en or grâce à l’or physique. Ils avaient
besoin d’un substitut papier. Les produits dérivés de l’or leur ont apporté
le substitut dont ils avaient besoin. Avec plus d’alternatives à l’or
physique, il est devenu plus simple de contrôler le prix de l’or. Mais au-delà
des produits dérivés eux-mêmes, d’autres mécanismes spécifiques ont été
développés pour que les gouvernements puissent avoir un contrôle total sur le
prix de l’or.
Et
l’un de ces mécanismes a été la vente à terme par les sociétés minières.
Cette pratique a commencé après la retraite du prix de l’or depuis son niveau
de 500 dollars à l’approche de la Guerre du Golfe. Au milieu des années 1990,
les sociétés aurifères partout dans le monde, et notamment en Australie,
vendaient à terme des années de production.
Comme
l’illustre la performance de l’or entre le krach de 1987 et le début du
marché haussier de l’or en 2002, ces mécanismes ont parfaitement fonctionné.
Les
Ventes à Terme des Producteurs d’Or
Au
cours de cette dernière décennie, les sociétés minières aurifères ont
transformé la manière dont elles vendent leur or. La plupart d’entre elles
pratiquent aujourd’hui la vente à terme. Ce mécanisme est assez simple. Une
société minière qui dispose de réserves d’or prouvées dans le sol peut vendre
ces réserves à l’avance. Les représentants de la société se rendent auprès
d’un revendeur qui accepte de les leur acheter pour un prix fixe, par exemple
500 dollars l’once, et de se faire livrer son métal dans deux ans. Ainsi, la
société se garanti un profit et dispose des financements nécessaires à
l’extraction de l’or qui se trouve dans le sol.
Le
marchand d’or est quant à lui exposé à une diminution future potentielle du
prix de l’or. Pour garantir sa position, il vend de l’or – pour livraison
immédiate. Mais où obtient-il l’or qu’il livre ? La réponse à cette
question nous porte à la deuxième partie de ce mécanisme de maintien du prix
de l’or sous le ‘plafond de verre’ de 400 dollars.
Les
Prêts d’Or – une Contribution des Banques Centrales
Notre
revendeur d’or intrépide va ensuite emprunter de l’or. A qui ? C’est
très simple. Il les emprunte aux 36.000 tonnes de métal qui appartiennent aux
banques centrales du monde.
Pour
obtenir de l’or, il paie ce qui est connu sous le nom de taux de prêt en or
(un intérêt extrêmement bas). Il vend ensuite cet or et investi l’argent
qu’il tire de sa vente. C’est ainsi qu’est déterminée la différence entre les
prix au comptant et à terme. Le prix à terme est le taux d’intérêt que reçoit
notre revendeur pour son investissement, moins le taux d’emprunt qu’il paie
pour emprunter de l’or.
L’idée
est que ce fandango puisse être achevé en prêtant de l’or physique aussi bien
qu’en prêtant du papier représentant de l’or. L’or des sociétés minières est
toujours dans le sol. La banque centrale prête parfois de l’or, ou elle prête
du papier qui représente de l’or. Et c’est ce que vend notre revendeur de
métal. Puisque la demande en or est majoritairement une demande papier
(contrats à terme…), ce mécanisme peut satisfaire la demande sans affecter
l’offre en métal physique et une pression à la hausse sur le prix de l’or.
A chaque fois qu’on entend parler du prix de l’or ou des contrats à terme sur
l’or, la première chose dont il faut se rappeler est que l’or est un métal
politique. Son prix est ‘gouverné’ dans le sens le plus pur du terme.
C’est
pour cette raison que le rôle historique de l’or en tant que devise est
fondamentalement incompatible avec le système financier actuel. Jusqu’au 15
août 1971, il n’y a jamais eu une période au cours de laquelle l’or n’était
pas lié à une devise. L’histoire de la monnaie regorge d’exemples
d’impressions monétaires, de dévaluations et d’autres maladies monétaires.
Jusqu’en 1971, les gens pouvaient toujours se tourner vers une autre devise
soutenue par l’or capable de demeurer intacte. Mais depuis 1971, il n’y a
plus d’échappatoire, parce que plus aucune devise n’est liée à l’or.
Et
toutes les crises économiques, monétaires et financières de ces trente
dernières années en sont la conséquence directe.
Le
système financier global est très jeune. Son fonctionnement dépend de l’idée
que la dette sur laquelle il repose sera un jour remboursée. Ce qui pourrait
nuire à cette idée et donc au système financier lui-même serait une hausse
brutale du prix de l’or en dollars.
Nous n’avons plus de Valeur Refuge
Le
refus absolu de parler de monnaie est évident. Notons le refus, du moins
public, de combattre le spectre de la déflation autrement qu’en l’assommant avec
toujours plus de monnaie grâce à la politique de taux d’intérêts proches de
zéro, de déficits gouvernementaux et de plans de sauvetage de toutes sortes.
En clair, personne ne semble vouloir s’intéresser aux vrais problèmes.
Les
pouvoirs politiques, monétaires et financiers en place poursuivront donc
leurs mesures orthodoxes (dans la théorie Keynésienne) et de plus en plus
d’investisseurs se rueront vers la dernière valeur refuge qu’est la dette des
gouvernements. Cette ruée a atteint son maximum aux Etats-Unis, les
rendements sur trois mois ayant finalement disparu. Même les Japonais ne sont
pas parvenus à atteindre un taux d’intérêt nominal négatif.
Cette
situation a bien entendu des antécédents. Le FMI a financé les nations de
tous les continents depuis sa formation suite à Bretton Woods. Mais c’est
aujourd’hui la première fois que presque toutes les nations du monde font
face en même temps à une implosion potentielle. Et il n’était encore jamais
arrivé que la nation qui possède la devise de référence mondiale se retrouve
en tête de la liste des candidats à la banqueroute. Les Etats-Unis sont
devenus des débiteurs nets en mars 1985. Depuis lors, leurs chances de
rembourser leur dette n’ont fait que s’amenuiser, et ont complètement disparu
depuis le 11 septembre, non pas en raison des évènements eux-mêmes, mais du
fait des réactions de l’administration Bush et de l’établissement Américain.
Mais
rien de tout cela ne semble importer aux yeux de ceux qui s’aventurent sur
les marchés des obligations. Les obligations sont ce sur quoi on leur a
toujours dit de venir se réfugier si les choses venaient à mal tourner. Notez
la ruée vers les obligations Américaines qui s’est développée au cours de ces
derniers mois pour atteindre son apogée dans le même temps que les rendements
des obligations sur le court terme atteignaient presque zéro.
Voici un
résumé des points importants développés ci-dessus :
1) Le rôle de l’or en tant que devise représente une menace pour le système
financier actuel basé sur la monnaie papier. Par exemple, si les étrangers
commençaient à demander aux Etats-Unis de rembourser leur dette en or plutôt
qu’en dollars sans valeur, le gouvernement des Etats-Unis perdrait le
contrôle de ses finances et ferait face à une crise de financement.
2) Les interventions des gouvernements dont l’objectif est la suppression du
prix de l’or ne sont pas des mythes ou des théories de la conspiration, mais
des faits. La London Gold Pool est un exemple de ces actions
gouvernementales.
3) Les prêts en or et produits dérivés aident les banques centrales à
contrôler le prix de l’or.
4) ‘Jusqu’en 1971, les gens pouvaient toujours se tourner vers une autre
devise soutenue par l’or capable de demeurer intacte. Mais depuis 1971, il
n’y a plus d’échappatoire, parce qu’aucune devise n’est liée à l’or’. Cela
signifie que puisqu’il n’existe plus de devise liée à l’or, et le seul actif
sain qui existe aujourd’hui est l’or.
5) La ruée vers les obligations est pure folie. Les investisseurs ont appris
tout au long de leur vie que les obligations sont un investissement sans
risque. Ils sont sur le point d’apprendre qu’elles ne le sont pas.
6) L’or physique est la seule forme de monnaie à laquelle vous pouvez faire
confiance. La demande en or physique augmente après chaque plan de sauvetage.
Une fois que la backwardation aura fermé le COMEX, il n’y aura plus d’or
physique à vendre, et ceux qui possèderont de l’or papier paniqueront et
seront prêts à payer n’importe quel prix pour une once d’or.
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