Juste
avant de devenir Ministre de l’Éducation nationale, de
l'enseignement supérieur et de la recherche,
Benoît Hamon s’est distingué dans le gouvernement
précédent par la rédaction d’un projet de loi relatif à la
consommation. En prenant
l’exemple de l’optique correctrice (qui a été le
plus discutée dans la presse nationale), le billet précédent avait montré comment, sous le
couvert d’une déréglementation, la loi Hamon introduit en
réalité de nouvelles réglementations. Mais la loi sur la
consommation contient d’autres réglementations qui sont
passées inaperçues, notamment en ce qui concerne les contrats d’achat
de métaux précieux (d’or, d’argent et de platine,
« sous quelque forme que ce soit »). Puisque ces
réglementations comportent des conséquences économiques et
sociales notables, il est important de les analyser.
La
section 15 dans la loi Hamon commence par préciser la manière
dont un professionnel qui propose l’achat de métaux
précieux devrait afficher ses prix (sic !), et continue en
spécifiant que toute opération d’achat de métaux
précieux par un professionnel auprès d’un consommateur devra
désormais faire l’objet d’un contrat qui doit mentionner, sous
peine de nullité, des informations permettant d’identifier
précisément l’acheteur et le vendeur ainsi que les biens
ayant fait l’objet de la transaction.
Même
si on laisse de côté l’étrangeté d’une
loi qui va jusqu’à réglementer l’affichage des
prix, l’on peut tout de même se demander : « comment
donc l’obligation de fournir les coordonnés précises des
acheteurs pourrait-elle les avantager ? » Si cette pratique
commerciale avantageait réellement les consommateurs, pourquoi ne pas alors
l’appliquer à tous les achats quotidiens ? Imaginons ainsi
une loi qui imposerait la carte bancaire comme moyen de paiement unique afin de
transcrire automatiquement sur les tickets de caisse toutes les informations
relatives à l’acheteur.
Sans
prétendre pouvoir prédire le comportement du consommateur, on
peut cependant envisager deux situations. Au mieux, une telle
réglementation n’influencera en rien la décision
d’achat, et au pire, elle dissuadera certains acheteurs qui ne
souhaiteraient pas rendre publics leurs achats. Ainsi on comprend mieux que
cette loi n’a pas pour objectif d’avantager les consommateurs, mais
de mieux les surveiller pour éventuellement les punir, car les peines
encourues par les contrevenants vont jusqu’à deux ans d’emprisonnement et
150 000 € d’amende.
Cette
disposition sur les métaux précieux avantage en
réalité les institutions publiques qui pourront ainsi mieux surveiller
l’épargne et les investissements, qui ne sont pas
libellés en euros. Elle s’inscrit dans une démarche plus
ample consistant à cartographier les détenteurs de
métaux précieux sur le modèle de la propriété
immobilière. Le véritable objectif de cette loi (censée,
selon les déclarations publiques de ses auteurs, protéger les consommateurs)
est de faciliter le durcissement de la fiscalité sur les transactions
et la détention des métaux précieux.
Quant
aux conséquences économiques et sociales de cette loi (et de la
démarche dans laquelle elle s’inscrit), il faudrait observer que
l’un des derniers remparts qui protégeait l’épargne
des particuliers pourrait être ainsi définitivement
brisé. La loi Hamon efface ainsi l’un des attraits majeurs de l’achat
et de la détention de métaux précieux à long
terme, qui était la protection de l’épargne contre la
dévaluation des monnaies papier et contre des faillites bancaires.
Somme
toute, en se donnant les moyens de surveiller l’épargne des
particuliers en métaux précieux, le gouvernement cherche
à rendre cette épargne aussi volatile que les comptes bancaires
tout en faisant un pas de plus vers une société-panoptique.
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