Et le beau gouvernement est là, et on va changer le monde et on va réussir, cette fois, c’est promis. Et il était temps parce qu’on peut lire, dans les colonnes des journaux, dans les commentaires de leurs bouillants articles d’actualité, que Hollande a déçu, non parce qu’il n’aurait pas réussi à redresser le pays (la plupart de ceux qui avouent, entre deux sanglots, avoir voté pour lui n’ont tout de même pas le courage d’admettre leur immaturité d’alors à croire au sauveur hollandiste), mais bien parce qu’il ne fait pas la politique promise dans son programme.
Rendez-vous compte : Hollande agace et déçoit parce que tout ce qu’il a fait, dit et tenté ces deux dernières années n’est pas ce qu’il avait vendu avant Mai 2012.
Oh, zut. La belle déception ! La grande tristesse ! Les yeux pleins de petites larmes à peine contenues, les socialistes et autres sympathisants qui votèrent pour le rond-de-cuir se rendent compte que, finalement, il n’a pas fait la « politique de gauche » pour laquelle il a été élu. Sapristi, la vie est vraiment trop injuste !
C’est, proprement, incroyable. Des Français de tous âges pleurnichent sur l’amer constat de tromperie, et pas seulement ces fournées d’adulescents un peu cruches qui croient, la tête pleine de ces niaiseries altermondialeuses gluantes, qu’un autre monde est possible avec du don et du dépassement de soi, des monstres collectivistes gentils — oui, c’est le paradis — ou qu’un intérêt général existerait et serait facilement identifiable. Oui, vous avez bien lu : parmi les vieux débris toujours pas remis de la Chute du Mur, parmi les hordes de jeunes intellectuellement mal outillés ou bercés des flonflons républicains, démocratiques et vivrensemblesques de l’EdNat, on trouve aussi ces générations intermédiaires (dépassant la trentaine mais n’atteignant pas la soixantaine, disons) qui ont cru aux discours cahotants de Hollande. Il faut le lire pour croire qu’une telle masse de personnes ait pu gober les fadaises creuses de Hollande.
À mesure que les promesses s’évaporent dans des gouvernements tétanisés ou stupides, pas étonnant que les émotions à fleur de peau de ces petits êtres fragiles remontent d’un coup. Et pas étonnant de lire qu’ils réclament « un vrai retour de la gauche », un retour d’« une vraie politique de gauche » qui cogne bien la finance ennemie, avec du poil aux pattes et des bisous pour les pauvres et les défavorisés !
Mais, nom d’une pipe en bois, c’est quoi, exactement, une politique de gauche ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette expression lue et relue mille fois ?
Une politique de gauche, serait-ce une politique économique alternative, comme le dit si finement Orélifilipéti, l’ex-onomatopée officielle du gouvernement ? Ah mais je veux bien, m’ame Oréli, mais l’alternative à ce qu’on observe actuellement, à savoir l’alternative à la dépense publique, l’alternative au déficit budgétaire depuis 40 ans, l’alternative à l’accumulation d’une dette colossale, l’alternative à la (re)distribution d’argent des autres, c’est … des budgets équilibrés, la baisse de la dette, la fin des redistributions tous azimuts. Et ça, les socialistes et leurs sympathisants, ils ne veulent pas en entendre parler. Avec leurs yeux plein de larmes, la seule évocation d’une baisse de la redistribution équivaut à des hurlements, bouches grandes ouvertes.
Une politique de gauche, pour Laurent Baumel, le chef de file des députés socialistes « frondeurs », ce serait, je cite,
un plan d’urgence ciblant le restauration des marges des entreprises qui en ont besoin et opérant surtout un soutien massif à la consommation et à la demande pour remplir les carnets de commande de ces entreprises.
… ce qui veut dire, si on comprend bien, le mélange parfait de la carpe et du lapin : il faudrait donc une baisse des impôts et des taxes pour les entreprises qui en ont besoin, c’est à dire toutes (citez une entreprise ou un secteur qui peut prétendre, actuellement, pouvoir payer ses taxes et impôts les doigts dans le nez, pour rire), et de l’autre côté, une distribution d’argent pour soutenir la consommation. Argent qui vient des non-impôts prélevés sur les entreprises. Ou qui viendrait des impôts prélevés sur les particuliers, ceux qui consomment. C’est parfaitement grotesque, ça, monsieur Baumel. Et c’est encore autre chose que la politique de gauche de ta copine Filippetti. Vous devriez vous parler, histoire d’harmoniser vos pipeaux. Après tout, vous êtes dans le même camp, non ?
Ou alors, une politique de gauche, serait-ce plutôt une politique protectionniste, comme le proposait bruyamment Arnaud Montebourg … et Marine Le Pen ? Ou serait-ce une politique qui met enfin un terme à cette méchante austérité, vous savez, cette vilaine austérité qui s’est traduite par une augmentation continue de la dépense publique depuis plusieurs années ? Si l’on arrête cette austérité-là, cela revient-il à dire qu’il faut stopper l’augmentation de la dépense publique, ou même la diminuer ? Vraiment ?
Ou alors, une politique de gauche, serait-ce peut-être qu’il faudrait laisser ouverts les sprinklers à pognon, mais simplement les faire arroser ailleurs, c’est ça ? Mais c’est où, ailleurs ? Ce ne sont pas les riches, bien sûr ! Ils n’ont pas besoin de niches fiscales ni de redistribution, puisqu’ils sont riches. Et on est riche à partir de 4000€ par mois par foyer, je vous le rappelle. Donc c’est pour les pauvres, évidemment. Mais quels sont ces pauvres qui ne recevaient pas avant, sous la méchante politique « pas-de-gauche », et qui devraient recevoir avec la vraie bonne « politique de gauche » ? Des noms ! Des listes ! Des catégories précises ! Vite, le pays est fébrile et n’attend plus que ça, à l’évidence !
Une politique de gauche, ce serait une espèce de lutte contre la finance, alors ? Celle-là même qui permet d’avoir, justement, des dettes et des budgets déficitaires, c’est bien ça ? Allons-y, combattons cette finance et refusons-lui tout nouvelle compromission ! Ne nous endettons plus ! Ah, zut, voilà qui n’est pas possible non plus, parce que cela veut dire un arrêt brutal, aux deux-tiers de l’année, des distributions de toutes ces petites friandises sympas qui font le vivrensemble si typiquement français. Sans la finance ennemie, plus de régimes spéciaux, plus de retraites confortables (et plus de retraites du tout), plus de services publics, plus de fonctionnaires payés en temps et en heure. Finie la finance ennemie, et fini, aussi, le vivrensemble. C’est enquiquinant, non ? Bon, alors, combattre la finance, c’est se passer de ses services et c’est redevenir maître de sa monnaie, c’est bien ça ? Une politique de gauche serait donc ce que prône Marine Le Pen ? Oh. Voilà qui se corse, non ?
La politique de gauche, c’est aussi, selon tant de commentateurs embrumés dans leurs lacrymales constatations, celle qui permet de faire de la France une nation industrielle et indépendante, tout en ménageant Dame Nature, en faisant attention à l’écologie et en dépensant moins d’énergie, pardi. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, lorsqu’on tabasse les voitures (françaises et autres) de malus divers, il ne faudra pas venir se plaindre de perdre des emplois dans l’automobile. Lorsqu’on punit le consommateur d’avoir acheté son énergie non renouvelable (que ce soit pétrolière ou nucléaire, peu importe), il ne faudra pas venir se plaindre lorsque les tarifs augmenteront douloureusement et que les plus pauvres, grinçant des dents en se rappelant leur bulletin « Hollande » de mai 2012, paieront des factures toujours plus élevées. Mais qui suis-je, pour critiquer une « politique de gauche », hein ?
En tout cas, la politique de gauche, c’est, assurément, quelque chose de complètement différent de ce qu’à fait Sarkozy, à l’évidence. Et comme ce dernier a déversé une pluie de taxes et d’impôts nouveaux sur les Français (une liste peut être lue ici), une politique de gauche consistera donc à ne créer aucune nouvelle taxe, aucun nouvel impôt, et à diminuer partout la pression fiscale. C’est bien ça ? Et comme Sarkozy a fait exploser la dette avec des déficits éléphantesques pendant son quinquennat, la politique de gauche consistera à faire des budgets équilibrés, voire bénéficiaires. J’ai bon ?
Ah, décidément, cette histoire de politique de gauche, ce n’est pas simple. C’est quoi, la politique de gauche, alors ?
Eh bien c’est un fourre-tout où finalement personne ne se retrouve jamais. C’est une délicieuse utopie où les pauvres disparaissent pour laisser la place à des ventres pleins, des faces souriantes et des avenirs qui chantent en chorale. C’est ce point focal, loin sur l’horizon, indépassable, inatteignable, qui aura le mérite de toujours tourner pour le meilleur (pas comme au Venezuela, pas comme en Argentine, pas comme en Corée du Nord, pas comme à Cuba et certainement pas comme jadis en URSS, hein – faut pas déconner !).
La politique de gauche, c’est quelque chose de grandiose, qui permet de relancer avec l’argent qu’il n’y a pas, sans augmenter les impôts, mieux, même, en les baissant, qui permet de laisser les entreprises travailler et donc embaucher, qui permet de protéger le Made In France sans pour autant augmenter les prix, qui permet de frôler la perfection écolo sans mettre en danger les industries peu bio-compatibles, qui permet de tenir compte de chaque minorité, de chaque groupuscule mais qui permet aussi de respecter l’intérêt général, …
Bref, une bonne politique de gauche, c’est une politique qui rend heureux, et qui n’a aucune raison de tenir compte de la réalité et de ses contradictions internes. Une politique de gauche, c’est magique.
La question qui se pose maintenant est de savoir combien de licornes et de farfadets se trouvent dans le nouveau gouvernement.
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