La France n’a pas ni pétrole ni idées, sauf dans un domaine privilégié : celui des impôts, des taxes, des ponctions et des prélèvements obligatoires. La semaine qui vient de s’écouler en est une brillante démonstration.
On se rappelle en effet que le début de l’année aura été placé par le président Macron non pas sous le signe de la lutte contre les difficultés économiques qui traversent le pays, mais bien contre les nouvelles désagréables et les petits délires complotistes qui agitent les sphères que les médias traditionnels et le pouvoir actuel ne parviennent pas à vraiment réguler.
La guerre aux rumeurs est donc lancée, on va combattre les fake-news. Complotistes, numérotez vos abattis.
… Combat, guerre et batailles qui nécessiteront évidemment, forcément, obligatoirement des moyens considérables tant la taille du problème est importante. Et tout le monde sait que la quantité d’énergie (et donc d’argent) nécessaire à réfuter des calembredaines (fussent-elles présidentielles) est dix fois, cent fois même plus importante que l’énergie qu’il a fallu pour les produire en premier lieu.
On va donc avoir besoin de beaucoup d’argent, de subventions, de finances, de pognon et de flouze (en substance).
Et croyez-le ou non, ça tombe bien, parce qu’une certaine Juliette Méadel esquisse déjà une piste : dans une tribune, l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’Aide aux victimes propose la création d’un « impôt Charlie Hebdo » qui permettrait de soutenir la liberté d’expression : grâce à du pognon ponctionné sur les publicités diffusées sur internet, on pourrait aider de gentils journaux menacés par les terroristes !
En plus, tout se goupille vraiment pour le mieux puisque tout le monde sait que les internets hébergent ces réseaux sociaux douteux qui laissent de vilaines rumeurs nauséabondes ! En taxant violemment ces réseaux, on les fait directement participer à la survie d’un écosystème garanti sans rumeurs par l’État et son administration ! Et puis de toute façon, on force déjà l’une ou l’autre partie du peuple à financer des partis politiques ou des syndicats qui leur sont idéologiquement opposés, pourquoi ne pourrait-on pas en faire autant avec certains journaux au prétexte finement trouvé qu’ils se font cibler par des terroristes ? Qui, sur le plan moral, pourra leur refuser ça sans passer pour un affreux fasciste nauséabond ?
Ah, décidément, tout ceci est fort pratique et la politique de la liberté d’expression en France, c’est un peu une double lame : la première coupe le sifflet des officines douteuses et des journaux ou parutions interlopes qui osent remettre en doute la parole officielle et font sombrer les Français dans toujours plus de complotisme. La seconde lame, celle de l’impôt citoyen, festif, participatif et du Tais-Toi C’est Magique™, financera les journaux officiels avec l’argent de tous, qu’ils le veuillent ou non, qu’ils soient d’accord ou non avec les convictions et la propag les vues politiques développées par le média considéré.
Pour faire court, d’un côté, on va faire disparaître ce que les gens lisent vraiment, et de l’autre, on va les faire raquer pour ce qu’ils ne veulent pas lire.
On peut difficilement faire plus odieux, mais reconnaissons que la décontraction avec laquelle c’est entrepris laisserait Goebbels pantois : grâce au subterfuge du « média ciblé par les terroristes », on arrive presque à faire gober qu’en ponctionnant tous azimuts, on va assurer que la parole sera bien libre, tout en muselant tous les jours un peu plus les réseaux sociaux.
C’est tout à fait magnifique.
Cependant, rassurez-vous : cet impôt ne sera pas mis en place.
Pourquoi dis-je ça ? Mais tout simplement parce que le grand vizir des finances, Bruno Le Maire, l’a clairement annoncé sur tous les médias officiels, pardi ! Ce n’est donc ni une rumeur, ni un complot et, ♩ ♪ Hosannah au plus haut des ciIieux ♫ ♬, on peut en être certain : il n’y aura pas de nouvel impôt pendant le quinquennat macronien !
C’est dit !
En réalité, tout le monde sait que la pression fiscale continuera d’augmenter. Ce n’est même pas parce que l’État a tant besoin d’argent que ça, mais surtout et avant tout, parce que les politiciens qui le font vivre ne savent penser qu’une seule chose : l’argent des autres, l’argent privé, celui qui représente l’accumulation obtenue par la création de richesse, ne peut en aucun cas être laissé dans les mains de leurs possesseurs légitimes ; nos dirigeants, touchés par la grâce de la sainte onction électorale, sont évidemment habilités à opérer la ponction et l’éventuelle (et très hypothétique) redistribution qui vient à la clé.
En bref, c’est devenu un véritable atavisme, un quasi-trouble comportemental obsessionnel et compulsif chez nos politiciens : il faut, absolument, systématiquement, taxer.
Ici, il me suffira de prendre à témoin l’une de ces personnalités que la vie politique française nous offre par brouettées entières et dont le credo unique consiste, en parallèle d’une vie exclusivement passée aux crochets des autres, à trouver de nouvelles idées, de nouvelles raisons ou des prétextes tous plus foutraques les uns que les autres pour aller taxer ceux qui ont plus d’argent qu’eux
Pour notre exemple, Julien Dray fera l’affaire lui qui n’a jamais exercé de sa vie un vrai métier (même pas en rêve, même pas par hasard ni même sur un malentendu) et s’est contenté de virevolter d’un poste public à l’autre, ce qui lui permet de réclamer doctement une taxe sur les géants du Web. Eh oui, parce qu’en surcroît de manquer totalement d’originalité en matière de finance (on peine en effet à trouver des politiciens qui n’aient pas promu l’une ou l’autre imposition supplémentaire), il a probablement abandonné toute velléité de faire preuve d’innovation en matière de cibles des ponctions proposées : c’est encore Google, Facebook ou Amazon qui feront les frais de ses propositions.
Comme pour la précédente saillie de Juliette Maédel et celle, encore plus amusante, de Bruno Le Maire, on pourra encore se rassurer en se disant que ce nouvel impôt ne verra peut-être pas le jour, la proposition émanant d’un individu qui n’est (heureusement) pas au pouvoir.
Cependant, il sera difficile d’ôter de l’esprit des gens un tant soit peu lucide que ces idées de ponctions, à force d’être remise sur le tapis à chaque nouvelle semaine qui passe, ne finiront pas par trouver corps.
Combien de fois nous a-t-on pipeauté que les impôts baisseraient, sans qu’il en fut le cas ? Combien de fois nous a-t-on promis, juré, craché qu’aucun nouvel impôt ne serait créé alors que, dans les tuyaux législatifs, s’enfilaient déjà plusieurs textes pour taxer, ponctionner et prélever sans merci ?
Ainsi, l’impôt proposé par Maédel n’est-il qu’une resucée (d’autant plus minable qu’elle est parée des oripeaux de la liberté d’expression) des piscines olympiques de subventions publiques qui sont déversées sur les médias français dont le lectorat n’arrête pourtant pas de s’amenuiser.
Ainsi, le bricolage fiscal proposé au niveau immobilier vaguement étouffé par Bruno Le Maire n’est-il qu’une énième version d’un remaniement de la fiscalité locale qui n’a jamais abouti à une baisse de la ponction globale pas plus qu’une amélioration des finances de l’État ou, à plus forte raison, des instances locales ou régionales.
Ainsi, la nouvelle brillante idée de Julien Dray vient-elle s’empiler sur les douzaines de précédentes tentatives d’aller piller les capitaux des riches sociétés américaines qui ont eu la précaution de se tenir loin de l’enfer fiscal français.
Bref, à l’évidence, vous pouvez être sûr qu’il n’y aura pas de nouvel impôt.
C’est absolument certain.