Que
diriez-vous si l’État un beau jour décidait de vous
confisquer votre assurance-vie ou votre compte bancaire pour les mettre dans
un pot commun, au nom d’un quelconque intérêt national ?
Votre opposition serait normale. Pourtant, c’est le traitement
réservé à
« nos » retraites depuis 50 ans.
Après
avoir longtemps négligé ce dossier, le gouvernement
français actuel va s’y atteler sauf que les jalons posés
de manière très claire par le Président Hollande ne
laisse pas beaucoup de marge de manœuvre : on ne touche ni à
l’âge de retraite légal, ni aux pensions des
fonctionnaires, ni aux cotisations. Autant dire que le statu quo règne en maître absolu. Le
Président reste donc fidèle à sa devise de
normalité, c’est-à-dire ne rien changer.
Nous courons
à la faillite, mais on peut l’éviter à condition
toutefois d’adopter un régime fondé sur la
responsabilité et l’épargne individuelles. En 1981, le
Chili* a fait la transition d’un système de retraites par
répartition exsangue à celui d’un régime par
comptes-épargne privés, suite à un plébiscite
massif de la population active chilienne.
Voici comment
:
1 – Au
lieu de promettre des prestations dans un avenir lointain, il faut fixer
dès le départ les contributions à payer. Au Chili, il
est toujours obligatoire de s’assurer pour la vieillesse, mais chacun
est libre de choisir les modalités de sa retraite.
La cotisation
obligatoire est de 10% du salaire mensuel, ce qui vise à assurer une
retraite d’au moins 50% du revenu d’activité. Ce montant
est ensuite enregistré sur un livret personnel
d’épargne-retraite.
Étant
donné que l’épargne devient donc une affaire
individuelle, il est tout à fait possible de prendre une retraite
choisie à l’âge voulu (c’est le cas de nombreux
Chiliens), à condition toutefois de disposer d’au moins 120% de
la retraite minimum légale. Ou à l’inverse, de prendre sa
retraite à 60/65 ans et de continuer à travailler.
Ainsi on
rétablit le rapport direct et visible entre travail et capital, soit
entre l’effort et la récompense. Chacun est libre de cotiser
davantage (jusqu’à 20% du revenu) pour avoir une pension plus
élevée. Par ailleurs, on révèle et diffuse
largement le concept de salaire complet puisqu’on abolit en même
temps la division fictive entre les cotisations du salarié et celles
de l’employeur.
2 – La
mise en place de fonds de pension en libre concurrence, les Administrateurs
de fonds de pension (les AFP) : si l’épargne-retraite reste
obligatoire, il appartient au marché de gérer
l’accumulation des capitaux.
Les AFP sont
juridiquement distincts des capitaux qu’ils gèrent : les épargnants restent
quoi qu’il arrive propriétaires de leur argent. De même,
les AFP sont tenus par un rendement minimum
légal : l’épargnant reste libre de transférer
son argent d’un fonds à l’autre, et la faillite est
exclue. En cas de manque à gagner par rapport au minimum légal,
l’État se charge de combler la différence.
L’ensemble
du système est contrôlé par un organisme de surveillance
mis en place uniquement à cette fin, entièrement
indépendant à la fois de l’État et des AFP.
3 – Une
fois l’âge choisi de retraite venu, chaque salarié dispose de deux options. Soit, il investit son capital
dans une rente viagère chez une compagnie d’assurance, valable
aussi pour ses dépendants en cas de décès (et garantie
par l’État). Soit, il laisse son capital chez l’AFP qui
lui verse alors une pension mensuelle. Le montant sera calculé pour
suffire jusqu’au décès. Des retraits exceptionnels sont
aussi possibles en fonction du capital disponible par rapport au minimum
légal.
Un filet de
sécurité permet à tout travailleur ayant cotisé
au moins 20 ans de bénéficier d’une retraite publique en
complément de son compte-épargne, si tant est que son capital
est inférieur à la retraite minimale. En revanche, personne
n’est qualifié de « pauvre », mais
uniquement lorsque son épargne est épuisée. (Celui qui
n’a pas cotisé pendant 20 ans est éligible pour une
retraite publique, mais à un niveau beaucoup plus faible.)
Après
30 ans d’existence, le système affiche une santé
financière et une adhésion populaire éclatantes.
Grâce à un rendement annuel moyen réel de près de
10%(crise financière comprise !), le régime de comptes
personnels bénéficie depuis son début d’un statut
quasiment intouchable au niveau politique.
Si nos
problèmes actuels résultent d’une erreur fondamentale de
conception, il suffit de changer de système ! Qu’attendent
nos dirigeants pour le faire ?
* « Le Taureau par les Cornes : comment
résoudre la crise des retraites », par José
Piñera, ancien ministre chilien du Travail et des Retraites (Editions
Charles Coquelin, Paris 2008).
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