Le
député UMP Hervé Mariton a
récemment commenté sur le plateau d'iTélé
les propositions choc du MEDEF pour lutter contre le chômage, affirmant
avec le plus grand sérieux que la France était le pays
où l'on travaille le moins longtemps dans la semaine, dans
l'année et dans la vie.
Ces
affirmations ont été aussitôt réfutées par le journaliste Samuel Laurent
: non seulement les Français ne sont pas les tire-au-flanc que
décrit Hervé Mariton, mais ils se
situent même dans la moyenne haute pourvu qu'on tienne compte
également du temps partiel dans le calcul du temps de travail
hebdomadaire : 37,5 heures pour les Français contre 35,3 en
Allemagne et 36,5 au Royaume-Uni. Cerise sur le gâteau : en plus
de travailler plus qu'on ne le croit, les Français seraient
22,5 % plus productifs que la moyenne de l'OCDE.
Mais
comparaison n'est pas raison : si ces chiffres situent la France par
rapport à ses voisins européens, ils n'expliquent pas la situation
de la France elle-même. Sauf à prétendre que dans chacun
des pays concernés l'activité économique repose
entièrement sur la production d'un seul et même bien et que le
salut des peuples dépend exclusivement de la quantité de biens
produits, les jolis tableaux comparatifs d'Eurostat et de l'OCDE ne nous
disent rien ni sur les difficultés de l'économie
française ni ne suggèrent les moyens d'y remédier.
Primat de
l'économique ? Plutôt du politique. Après tout,
c'est pour appuyer les propositions du MEDEF que M. Mariton
attaque les 35 heures. Pareillement, c'est pour justifier le statu quo que
d'autres invoquent la productivité française. Et c'est
précisément parce que l'économie n'est pas prise au
sérieux qu'on se fonde sur des statistiques comparatives pour conclure
à la nécessité ou à la dangerosité des
mesures suggérées par un Pierre Gattaz. Libre à chacun
de fonder sur les principes de liberté et d'initiative privée
son hostilité aux lois Aubry. Mais on ne tranche pas des questions
aussi complexes que la compétitivité des entreprises ou le
chômage de masse en brandissant des classements internationaux.
La prudence
est de mise également quand on se penche sur les indicateurs nationaux
Ainsi du produit intérieur brut (PIB), qui tient compte des
coûts de fonctionnement (autrement dit des salaires) versés dans
l'administration publique et ne distingue pas les activités
« positives » (la fabrication d'un
téléviseur par exemple) des activités
« négatives » (la réparation d'un
téléviseur endommagé), tout en laissant de
côté les richesses non monétisées.
Pris tels
quels, les chiffres de l'emploi ne sont guère plus fiables, la
comptabilisation des emplois aidés créant un continuum entre le
travail salarié et le chômage indemnisé. Continuum bien
pratique pour Pierre Gattaz, qui réclame aujourd'hui au nom de la lutte
contre le chômage les emplois aidés qu'il
dénonçait au nom du contribuable dans son discours d'investiture en juillet 2013.
Et que dire du
taux d'investissement, qui à lui seul ne permet évidemment pas
de reconnaître les diverses formes de malinvestissement,
de plus bénignes (quand par exemple l'investissement est
inadapté aux besoins réels de l'entreprise) aux plus
destructrices (car suivies d'une bulle)...
Vue sous cet
angle, la remise en cause des 35 heures d'un côté et leur
sacralisation de l'autre évoquent plus les brèves de comptoir
d'un Jean-Marie Gourio que les recommandations d'un
think tank économique.
|