Les
difficultés auxquelles est confrontée la classe moyenne aux
Etats-Unis sont, de mon humble opinion, liées de très
près à l’abandon de la convertibilité du dollar en
or qui remonte à 1971. J’ai tout à fait conscience que
beaucoup pensent mon opinion ridicule. Mais
l’une des raisons pour lesquelles je suis persuadé de cela est
que, même d’après les statistiques officielles, les
revenus moyens des hommes ont commencé à stagner à cette
période, après avoir fortement augmenté tout au long des
années 1950-60.
Le revenu
moyen des hommes aux Etats-Unis était de 47.715 dollars en 2010. En
1969, il était de 44.455. Ces chiffres ont bien entendu
été ‘ajustés à l’inflation’,
bien que nous sachions tous que les ajustements effectués par le
gouvernement sont généralement fortement sous-estimés.
Une autre
façon d’observer cela est de le faire en termes d’onces
d’or. Après tout, l’or a représenté la base
monétaire des Etats-Unis 182 années durant, entre 1879 et 1971.
Pourquoi donc ne pas l’utiliser pour déterminer combien les
salariés sont réellement rémunérés ?
Notre
employé modèle recevait autrefois un salaire nominal de 8.668
dollars. A l’époque, un dollar valait 1/35e
d’once d’or. Son salaire représentait donc 248 onces
d’or. En 2010, la valeur du dollar était en moyenne de 1/1224e
d’once d’or. Un employé à temps plein de touchait
donc pas plus de 39 onces d’or en 2010. Cette approche exagère
quelque peu la situation en raison du rapide du déclin du dollar par
rapport à l’or enregistré ces dernières
années. Il n’en est pas moins qu’elle permette de mettre
en lumière cette
réalité économique.
Voyons les
choses comme suit : qu’en serait-il si, au cours d’une
année A, un employé Mexicain gagnait 8.668 pesos, et que la
valeur du peso était d’un dollar. Notre employé Mexicain
toucherait donc l’équivalent de 8.668 dollars. Imaginons que
quarante ans plus tard, après quatre décennies de politiques
d’argent facile et de dévaluation de devise, ce même
Mexicain touche 47.715 pesos, mais que la valeur du peso ne soit plus que de
35 pesos pour un dollar. L’employé Mexicain ne gagnerait plus
que 1.363 dollars. Aucun argument lié à la parité du
pouvoir d’achat ne pourrait nier cette évidence.
Qu’il
soit possible d’acheter un iPad à
Mexico aujourd’hui, alors qu’il y a 40 ans, il fallait se
contenter d’un écran de télévision et de tubes
d’aspirateur, ne change rien au fait que l’employé
Mexicain moyen gagne moins. Pour quelque raison que ce soit, la situation
semble plus facile à accepter lorsque j’utilise l’exemple
d’un travailleur Mexicain. Il semblerait que les Américains
soient enclins à nier l’idée que quelque chose de
similaire ait pu leur arriver.
C’est
pourquoi il est impossible de dévaluer son chemin vers la
prospérité. ‘Prospérité’ ne signifie
rien de plus que des salaires nominaux plus élevés. A chaque
fois que vous dévaluez une devise, les salaires diminuent en termes
réels, même s’ils grimpent en termes nominaux.
Les
Keynésiens ne se font jamais attendre pour décréter que
leurs politiques d’argent facile entraînent une baisse du taux de
chômage. De telles politiques peuvent fonctionner, mais ce n’est
pas toujours le cas. Et si elles fonctionnent, c’est souvent parce que
les salaires ont diminué par le biais de la dévaluation de devise,
ce qui entraîne une augmentation de la demande en main
d’œuvre en raison de son faible coût. La dévaluation
des devises peut aider ceux qui n’ont pas d’emploi, mais se fait
aux dépens des travailleurs – qui sont en plus grand nombre
– parce que leurs salaires s’en trouvent diminués.
Non seulement
le timing est parfait, mais cela paraît également sensé
sur le plan théorique. Une stagnation et un déclin réel
des salaires sont exactement ce à quoi s’attendre après
qu’aient été employées des politiques de monnaie
de singe.
Ce n’est
cependant pas le seul problème auquel a été
confrontée la classe moyenne des Etats-Unis ces dernières
années. Les Etats-Unis ont un système fiscal bien meilleur
aujourd’hui qu’il y a quarante ans, du moins pour ce qui concerne
les salaires les plus élevés. J’espérerais un jour
faire l’expérience d’un système basé sur une
taxe de 18% du type de celle avancée par Steve Forbes.
Réduire
les taxes sur les revenus les plus élevés peut bien
évidemment rendre les riches plus riches qu’ils le sont. En
revanche, je ne vois pas en quoi cela rend la classe moyenne plus pauvre,
à moins peut-être que la baisse de taxes entraîne une
réduction du financement des services gouvernementaux. Et cela
n’est pas du tout le cas : le pourcentage du PIB
représenté par les recettes fiscales est resté le
même tout au long de ces 60 dernières années.
L’important déclin enregistré ces dernières
années est largement lié à la performance
économique, et non aux politiques de taxation. Les dépenses du
gouvernement sont, en termes de pourcentage du PIB, plus élevés
aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été
auparavant.
S’il est
une chose à retenir des soixante ans qui viennent de
s’écouler, c’est la hausse des taxes applicables aux
revenus les plus modestes. Ces taxes étaient de 3% en 1960, ou de 6%
si vous y ajoutez les charges patronales, contre 6,5% (ou 15,3% charges
patronales et Medicare inclus) aujourd’hui. Cela représente une
augmentation très importante.
Les taxes sur
les ventes ont augmenté de 7% en 1983 à 9,6% en 2010.
Malheureusement, nous ne disposons pas de chiffres clairs avant cette date,
bien qu’il semble que les taxes sur les ventes aient augmenté
depuis les années 1950.
Notons
également que les salaires bénéficiant
d’exemptions d’impôts n’ont cessé
d’être limités en raison des effets de l’inflation
sur les catégories de revenus. En 1950, un couple marié
était exonéré à hauteur de 1.200 dollars de
salaire. Cela peut sembler être très peu, mais en 1950, le
revenu moyen par tête était de 1.510 dollars. En 2010, le revenu
moyen par tête était de 40.584 dollars, et un couple
marié n’était exonéré qu’à
hauteur de 11.400 dollars.
Nous avons pu
assister à une hausse graduelle du taux d’imposition sur les
premiers 50.000 dollars de revenus. Aujourd’hui, une famille de quatre
personnes qui vit de 36.900 dollars – ce qui n’est pas
grand-chose – paie un taux marginal d’imposition de 15%, et un
impôt sur le revenu de 15,3%. Elle paie également 10% de taxes
sur les ventes ainsi que des taxes locales et régionales, des taxes
d’habitation, des frais, des taxes sur les appels
téléphoniques, l’essence… Un contribuable
célibataire atteint ce niveau de taxation dès que son salaire
franchit les 14.650 dollars. De mon point de vue, c’est un fardeau bien
trop important pour un revenu de ce type.
Un autre
thème phare de ces quatre dernières décennies a
été la sous-traitance, d’abord aux Sud-Coréens,
puis aux Mexicains, et aujourd’hui majoritairement aux Chinois et aux
Indiens. Le problème est qu’une très importante
quantité de main d’œuvre a été introduite
dans l’économie de marché globale. Cela tend à
favoriser le capital, c’est-à-dire les chefs d’entreprise,
c’est pourquoi les marges des sociétés Américaines
sont au plus haut depuis des décennies.
C’est un
problème auquel nous avons tenté de nous adapter depuis la
naissance du capitalisme industriel. J’aime y faire
référence en utilisant le ratio
capital/force de travail. Il s’agit là plus d’une
idée que d’une donnée d’importance. Tous les
économistes sont d’accord sur le fait que la hausse des salaires
est la réflexion de l’augmentation de la productivité.
Imaginez une personne qui ne dispose que de peu de capital. Elle ne peut pas
creuser beaucoup de trous avec son seul bâton. Sa productivité
est très faible. Maintenant, donnez-lui plus de capital. Elle
s’achète une pelle. Sa productivité augmente. Avec plus
de capital, elle peut automatiser son travail et sa productivité peut
atteindre des records. Imaginez qu’elle détienne de très
importantes quantités de capital et qu’il puisse s’offrir
un excavateur tel que ceux utilisés par les sociétés
minières. Sa productivité augmenterait encore.
Dans la
pratique, le capital ne prend jamais une forme si simpliste. Il pourrait
s’agir d’un niveau d’éducation, d’un
investissement dans le domaine de la recherche et du développement ou
encore d’un investissement sur un hôtel de luxe plutôt que
d’une notion dépassée ‘d’un homme et de sa
machine’. Mais l’idée de base est la même :
là où il existe beaucoup de capital et très peu de force
de travail, les salaires augmentent. Investir un milliard de dollar sur un
hôtel de luxe permet à des centaines de personnes d’offrir
leurs services à un hôtel de luxe, de la même
manière qu’investir un milliard de dollars sur de
l’équipement permet à des centaines de personnes de
proposer des services d’excavation.
Bien que le
capital circule à l’échelle internationale, c’est
là où se trouve le plus important niveau de création de
capital (épargne élevée et faibles taxes) que l’on
trouve généralement les plus importants investissements
domestiques. La Chine détient la palme d’or dans ce domaine,
puisqu’elle dispose d’un taux d’épargne de 50%. Pour
reprendre notre exemple, disons que les Chinois passent du bâton
à la pelle à l’excavateur en très peu de temps.
Les Etats-Unis ont un taux d’épargne très faible,
généralement de moins de 5%, ce qui contribue grandement au
manque de capital de l’économie Américaine
d’aujourd’hui.
En clair,
l’offre de force de travail a augmenté aux Etats-Unis suite au
développement de la sous-traitance, dans le même temps que le
capital s’est amoindri en raison d’un très faible taux
d’épargne et de l’une des pires gestions de capital - en
termes de régime de taxation - du monde développé.
Aucun des
points que nous avons vus jusqu’ici n’a quoi que ce soit à
voir avec le fameux 1% dont on entend parler partout. En revanche, et
notamment au cours de ces récentes dernières années, les
politiques employées par les Etats-Unis sont devenues ouvertement
corporatistes et ont favorisé le vol de grande échelle par le
secteur financier ainsi que les secteurs de l’éducation, de la
défense et de la santé. De nombreuses corporations ont
utilisé leur influence politique pour s’engager dans des
campagnes destructrices pour la classe moyenne, comme par exemple la
délivrance excessive de prêts immobiliers et personnels. Le
système de santé des Etats-Unis est également un grand
prédateur de la classe moyenne, et son coût
s’élève à 17% du PIB contre 5 à 8% du PIB
dans d’autres pays.
En clair,
certaines entreprises font pression sur le système politique pour
obtenir de l’argent de la part du gouvernement. Et puisque ce sont
majoritairement les 99% qui sont à l’origine de cet argent, qui
n’est autre que le fruit de leurs taxations, cela constitue un vol de
la classe moyenne par l’oligarchie. Jusqu’à
aujourd’hui, ce vol a été financé par la dette, et
ses effets sur la classe moyenne n’ont pas été ressentis
directement. Mais la dette devra un jour être remboursée, et ce
sont bien entendu les 99% qui seront chargés de payer.
Ces quatre éléments –
dévaluation des salaires par la mauvaise gestion de la devise,
politiques de taxation médiocre, détérioration du
capital et activités prédatrice du capitalisme de copinage
– constituent la base de la détérioration de la classe
moyenne dans les Etats-Unis d’aujourd’hui. Comment pourrions-nous
y répondre ?
1) En mettant en place une politique de
stabilité monétaire et en retournant à un étalon
or tel que celui qui était utilisé jusqu’en 1971.
2) Réformer les taxes, réduire
les taux et baisser les taxes sur les salaires les plus bas.
3) Améliorer le ratio capital/force de travail en supprimant
les obstacles à l’accumulation de capital et
générant un meilleur taux d’épargne. Notez que
cela s’oppose aux théories Keynésiennes qui se
concentrent simplement sur la consommation.
4) Abolir le capitalisme de copinage et réguler les
activités corporatistes qui portent atteinte à la classe
moyenne.
Malheureusement, nous ne
sommes pas prêts de voir se développer un débat rationnel
autour de ces sujets. Les Démocrates, pour la plupart, ne les
comprennent même pas. Les Républicains les comprennent mais ne
les abordent pas par peur d’attiser les colères des
Démocrates.
Je
pense qu’il serait utile que les Républicains se concentrent un
peu plus sur les familles qui appartiennent à la classe moyenne.
Expliquer des politiques telles que celles mentionnées ci-dessus les
aideront plus que toute réforme de taxes Démocrate. Les
Républicains se sont eux-mêmes rendus inéligibles, tout
simplement parce que les gouvernements Républicains tendent à
oublier tout ce qu’ils promettent lors de leur campagne et à se
lancer, une fois élus, dans une orgie de guerres, d’expansion de
l’Etat-police et de financement de pots-de-vin.
Peut-être qu’avant la fin de la crise, le système
politique des Etats-Unis sera remis sur pieds. Mais il se pourrait
qu’un autre pays découvre avant eux la formule magique qui nous
mènera tous vers la richesse et la prospérité.
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