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« J’ai
voté avec la droite contre la gauche, quand il s’est agi de résister au
débordement des fausses idées populaires. J’ai voté avec la gauche contre la
droite, quand les griefs légitimes de la classe pauvre et souffrante ont été
méconnus » . F. Bastiat, 1862, Oeuvres économiques.
S’ils
sont si nombreux ceux qui se proclament à l’avant-garde du combat social,
c’est qu’il y a une grande facilité à se montrer généreux avec l’argent et
l’effort des autres. Mais, comment systématiquement attaquer ou retarder les
privatisations, demander à l'Etat de combler les déficits des entreprises
publiques et des régimes sociaux et refuser dans le même temps d'étendre
l’assiette fiscale à une plus grande partie de la population ou
d’entreprendre toute réforme du secteur public ou de la sécurité sociale ?
Comment
prétendre défendre le système de retraite par répartition, vouloir travailler
moins et refuser toute forme de capitalisation ? La France aurait trouvé la
réponse miracle : il faut s'attaquer aux riches, il faut ponctionner les
marchés financiers et limiter la spéculation. Mais, on ne rend pas service
aux gens de condition modeste en s’attaquant à ceux qui gagnent de l’argent
car, dans une société où il n'y a pas de riches, c'est que tout le monde est
pauvre ! Dans un tel univers, l'égalitarisme est à ce point écrasant qu’il
conduit à supprimer les riches plutôt qu’à accepter l’enrichissement du plus
grand nombre.
En
supprimant la possibilité de s’enrichir - et donc de changer sa condition
d’origine -, on détruit dans le même temps toute incitation au travail
efficace et tout espoir dans l’avenir. Les pays qui ont permis le plus grand
épanouissement possible des principes du libre-échange et de la libre
entreprise sont aussi ceux qui ont connu la plus grande prospérité. A
l’inverse, les pays, qui ont subi pendant près de 70 ans l’expérience
collectiviste de l’économie dirigée, ont assuré la pauvreté pour la masse de
leurs citoyens. Si la tendance à la paupérisation des masses s’est réalisée
quelque part, c’est bien dans les nations qui ont éliminé le droit à la
propriété privée et le principe de concurrence parce que leurs dirigeants ont
cru qu’il pouvait construire, produire et régenter l’ordre social. Faire du «
social », voilà la grande ambition moderne des politiciens au moment où ils
se rendent compte de leurs capacités limitées à contrôler l’économie. Tout
est alors décliné à l’aune du social : l’économie sociale, les prélèvements
sociaux, la social-démocratie ou encore la politique sociale.
Mais, l’action sociale est bien illusoire si
elle consiste à briser les ressorts de la dynamique économique alors même que
les dimensions économiques et sociales sont inextricablement entremêlées. Dès
1776, Adam Smith faisait remarquer qu’il suffisait, « pour passer de la
plus extrême barbarie à la plus grande opulence, d’assurer la paix, une
administration juste et de faibles impôts ». Mais, voilà bien un rôle de
l’Etat trop raisonnable et modeste pour contenter l’orgueil et l’ambition du
personnel politique. La dénonciation des inégalités est un refrain bien connu
et qui fera toujours recette tant certaines inégalités sont en effet
insupportables et illégitimes. Cependant, l’existence de gens riches n’est pas
un problème pertinent en soi. La question est de savoir si ce sont toujours
les mêmes qui s'enrichissent et en fonction de quels critères : le travail ou
la naissance, l’effort ou le patrimoine, le mérite ou le piston, la
compétence ou la corruption ? En liant le revenu du travail à sa
productivité, l’économiste montre l’importance de l’effort, du mérite, des
compétences et du talent dans la double détermination du revenu économique et
des différences de revenus.
La
reconnaissance de la diversité des talents et des efforts se traduit
inéluctablement par une échelle des revenus, laquelle agit comme une
incitation à l’effort, seule moteur du progrès pour tous dans le respect des
différences de chacun. Il n’est donc ni raisonnable, ni efficace de vouloir réduire
à tout prix cette échelle de revenus. Ceux qui ont le privilège rare de
briller sous les feux médiatiques s’en prennent volontiers à l’économie en
l’assimilant à une sorte de vision comptable complètement déshumanisée et peu
soucieuse des malheurs humains. Mais, il est indécent de voir des
personnalités du show-biz ou des vedettes du sport donner des leçons de vertu
et de désintéressement alors que la plupart d’entre eux se font fort de
déclarer leurs revenus dans un pays fiscalement plus accueillant (en Suisse
par exemple) tout en médiatisant leur dévouement « désintéressé » pour une
cause sociale ou humanitaire. Pourquoi cherchent-ils à échapper, en tant que
contribuable anonyme, au financement de la production de biens et services
publics ?
Ce rapport hypocrite à l’argent est
affligeant, tout autant que le discours anti-économique
qu’il cautionne. Ce discours se complaît à décliner l’éternelle rengaine
anticapitaliste alors même que ses promoteurs les plus zélés répugnent à
entrer dans des discussions trop techniques dès qu’il s'agit de réfléchir
sérieusement sur le fonctionnement réel de l’économie. Vous comprenez, nous
disent-ils, nous ne sommes pas des spécialistes en économie et ces choses
trop sérieuses ne nous intéressent pas. C’est là tout le drame ! Comment
peut-on parler si sûrement de choses que l’on ne veut pas connaître ?
L’économie
a plus à voir avec la logique qu’avec l’idéologie et certains de ses
principes les plus fondamentaux n’ont pas été inventé par les économistes
mais découvert par les plus brillants. A l’heure des débats spectacles, où il
s’agit plus d'impressionner que de convaincre - et en ce domaine, les gens du
spectacle sont bien des professionnels -, où il s’agit plus de faire monter
l’audience que d’éveiller les consciences, le discours économique ne plus
trouve guère sa place. Et ses rares défenseurs sont bien timides quand ils se
réfugient derrière l’académisme universitaire aussi hermétique qu’élitiste.
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