Voilà, les élections régionales, c’est terminé, et il était temps. Les scories de cette foire d’empoigne ridicule vont continuer encore quelques jours, puis seront effacées par les fêtes qui seront, à leur tour, oubliées grâce à l’un ou l’autre événement médiatique, depuis un nouvel attentat jusqu’à l’accident catastrophique en passant par une parole malheureuse de politicien en mal de buzz. Mais avant d’en finir, terminons sur quelques constats…
… En commençant bien sûr par l’abstention. On pourra s’amuser que certains relient sa baisse depuis le premier tour à la romance de la « contre-performance » du FN, sans noter cependant qu’elle est encore élevée (41% quand même) et ce malgré la tension palpable chez les politiciens et les journalistes français et en oubliant que le FN a malgré tout engrangé des voix entre premier et second tour, pour faire un score supérieur à celui du premier tour des présidentielles 2012 (qui était un record), et alors même que la participation à ces dernières était bien supérieure. Autrement dit, l’électeur FN n’est pas fondamentalement plus ou moins mobilisé que les autres.
D’autre part, difficile de passer à côté de l’éléphant dans le salon : finalement, le Front National est bien présent partout, s’agite et montre son tempérament partout où il le peut et… n’arrive que fort mal à concrétiser cette belle moisson de voix.
Oh, certes, on peut et on doit même tempérer en rappelant que les régionales sont des élections à la proportionnelle ce qui veut dire que, malgré tout, les conseils de plusieurs régions auront des élus frontistes (qui, au passage, pourront douillettement cumuler, comme dans d’autres partis, leur mandat avec celui d’une localité ou de l’Assemblée nationale) et cela veut aussi dire que deux régions n’auront aucun élu PS à leur conseil.
Mais ce déficit évident de la représentation FN dans les présidences de régions entraîne malgré tout trois constats.
1. Tous les compromis sont possibles
Cette élection a, comme les précédentes, montré une fois encore que les deux camps « traditionnels » sont prêts à absolument tous les arrangements, toutes les combines, toutes les bidouilles pour conserver le pouvoir ou en limiter l’accès à l’outsider.
En fait, ces magouilles éhontées prouvent la panique des perdants d’être confrontés à la perte de leur poste, de leurs avantages et de leurs prébendes, et à la terreur de voir leurs petites affaires dans les mains d’un parti qui ne leur fera aucun cadeau. En effet, l’alternance gauche/droite a ceci de moelleux que les deux se côtoient maintenant depuis des lustres et ont appris à se laisser des marges de manœuvre pour éviter de désagréables moments. L’arrivée du FN oblige à tous les doubles-saltos arrière carpés pour éviter qu’ils ne découvrent le pot-aux-roses (ou pot-au-vin, plutôt ?). Car même si on se doute bien que les nouveaux arrivants feront, in fine, la même chose, nettoyer les magouilles des prédécesseurs serait à la fois simple et électoralement juteux…
2. Une réforme territoriale purement politicienne
En outre, cette panique montre en creux que la réforme territoriale a été menée dans un but exclusivement politique, et construite du seul point de vue de François Hollande, et pas du tout ni dans l’intérêt des Français, ni même dans l’intérêt des barons de gauche dans ces régions (ou de droite, a fortiori), dont l’actuel président n’a absolument rien à faire.
En créant ainsi la peur du Front National, ressassée à l’envi par un Valls qui surjouait la panique, il s’assure en effet une réélection dans un fauteuil en 2017 en écrasant toute la dissidence qui pourrait s’installer. Oh, bien sûr, il pourrait y avoir un candidat vert ou un candidat de l’extrême-gauche. Mais à ce point d’affolement dans les rangs de la gauche au sens large, on comprend qu’il n’y aura plus que des petits arrangements entre eux et tout, absolument tout sera fait pour ne pas revivre comme au premier tour de ces régionales le risque de se prendre une nouvelle douche froide, qui, aux présidentielles, leur serait cette fois fatale.
3. Une victoire à la Pyrrhus
Comme je l’ai noté plus haut, le FN concrétise mal, certes, mais avec un nombre de voix qu’aucun des autres grands partis ne peut prétendre rassembler. Si le FN peine tant, c’est seulement parce que les deux autres partis jouent l’obstruction, s’allient dans une coucherie improbable et non parce que, subitement, les électeurs en viendraient à être d’accord avec eux. Autrement dit, encore une fois, les gens n’ont absolument pas voté pour les aigrefins en place ou en passe de ravir la majorité, mais au mieux contre le troisième larron. Même lorsqu’ils s’assemblent dans un improbable galimatias LR+EELV+FG+PS+UDI+MODEM, ils font à peu près jeu égal avec un Front National seul, sans alliés et que tous les médias conspuent.
En définitive, la « victoire » des partis traditionnels est en réalité parfaitement catastrophique à tous les niveaux.
Le Parti Socialiste laisse pas mal de plumes en perdant des douzaines de postes d’élus et les moyens financiers afférents, et deux régions où il ne sera plus présent du tout.
Quand la droite gagne, elle n’y parvient finalement que grâce au désistement de la gauche. C’est une pénible victoire plus honteuse que glorieuse dont elle aura grand tort de se revendiquer.
Et pire que tout, le Front National peut continuer à se poser en victime du « système ». Ne pouvant toujours pas prouver ce qu’il vaut, il peut toujours prétendre à la virginité et à l’efficacité que ses petites réussites locales (très limitées) ne permettent absolument pas d’étayer. Autrement dit, cette élection, non contente d’avoir montré l’inanité des positions de la droite et de la gauche, continue à assoir progressivement la légitimité du FN, et à le poser comme réelle opposition (la droite ne pouvant même plus prétendre à ce titre).
Enfin, Hollande joue ici un jeu très dangereux, non pas directement contre la droite ou le Front National, et même pas contre son propre parti, mais bien contre les électeurs eux-mêmes. Pour le moment, bien joué, François, tout se déroule comme vous voulez. Mais au retour de bâton, qui arrivera inévitablement, ne venez pas vous plaindre, vous ne ferez pleurer personne.
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