« Même l’ami le plus circonspect des marchés concédera que les
marges accordées par les bourses d’échange sont un bon indice de la
spéculation. » – John Kenneth Galbraith, le grand krach de 1929.
En ce qui concerne l’humeur des marchés actions, je préfère me concentrer
davantage sur les indicateurs qui mettent en exergue le positionnement des
investisseurs plutôt que les enquêtes de sentiment. Je préfère savoir ce que
les investisseurs font, ce qu’ils disent qu’ils font n’est pas vraiment
important. Selon moi, le niveau de la dette de marge met en exergue l’offre
et la demande potentielle pour les actifs risqués. Lorsque la dette de marge
baisse, il y a beaucoup de demande potentielle, et lorsqu’elle est élevée, il
y a beaucoup d’offre potentielle. La dette de marge nominale a récemment
dépassé les 600 milliards de dollars pour la première fois de l’histoire.
C’est environ 2 fois plus qu’au pic de la bulle Internet.

Même en mettant en perspective les montants avec la taille de l’économie,
la dette de marge a récemment atteint de nouveaux records. Observez sur le
graphique ci-dessous que pendant longtemps, plusieurs décennies en fait, les
investisseurs se satisfaisaient de spéculer en utilisant des effets de levier
modestes. Même le pic de la dette de marge de 1987 est négligeable par
rapport à ce que l’on a connu avant l’éclatement de la bulle Internet. Il n’y
a peut-être pas de meilleure représentation du risque moral qui a été créé
par les politiques monétaires interventionnistes. Depuis le « Greenspan put »,
juste après le krach de 1987, les investisseurs ont pris des risques comme
jamais auparavant. Aujourd’hui, cette habitude a atteint des niveaux
extrêmes.

Une caractéristique intéressante de la dette de marge par rapport au PIB
est que vu que la spéculation avec effet de levier a progressé plus
rapidement que la taille de l’économie, à partir de la moitié des années 90
environ une corrélation négative intéressante s’est manifestée entre ce ratio
et les rendements sur 3 ans des actions. Pendant longtemps, lorsque la dette
de marge représentait une infime fraction de l’économie, il n’y avait pas
vraiment de relation entre les 2. Mais depuis la bulle Internet, lorsque la
dette de marge a bondi pour atteindre presque 3 % du PIB, elle a
régulièrement mené à des tendances baissières de 50 % dans les années
suivantes. La dette de marge a atteint ce niveau en 2015, et tandis que les
actions semblaient être prêtes à s’engager dans une correction, elles sont
reparties à la hausse si bien que cette relation doit à nouveau s’établir. Il
n’empêche que les liquidations forcées potentielles permettent d’imaginer à
quoi pourrait ressembler le prochain marché baissier. Durant la moitié du
siècle précédent, nous n’avons jamais connu de tels niveaux de dette de
marge, donc il est difficile de prédire quelles pourraient être les
conséquences.

Si on remonte un peu plus dans le temps, la dette de marge avait atteint
environ 6 % du PIB juste avant le grand krach de 1929. Nous sommes à un peu
plus de la moitié de ce niveau aujourd’hui, mais les chiffres actuels
n’incluent pas les prêts garantis par des actifs, qui sont devenus très
populaires. De plus, en 1929, les entreprises prêtaient l’argent sur les
marchés afin de favoriser la spéculation. Aujourd’hui, les sociétés qui
disposent beaucoup de liquidités comme Apple prêtent leur argent sur le
marché obligataire, ce qui permet à d’autres sociétés de gonfler leur bilan
et de racheter leurs propres actions. Bien entendu, cela n’est pas pris en
compte dans les chiffres de la dette de marge.
En conclusion
Il y a bien sûr d’autres similarités entre la situation d’aujourd’hui et
ce que l’on a connu dans le passé, ainsi que beaucoup de différences. La
seule conclusion sûre que l’on peut tirer de cette indice de la spéculation
qui atteint de nouveaux records est que le risque que de correction est au
plus haut depuis 89 ans en raison de ces liquidations forcées potentielles.
Source : The Felder Report