En 1869, Jim Fisk et Jay Gould ont
tenté de manipuler le marché de l’or et, pour un temps,
ce duo notoire y a réussi. C’est histoire fascinante permet
également d’apporter un éclairage sur ce qui se passe sur
le marché actuellement.

Dans les années 1860, le dollar
était dans un système d’étalon or. Il était
donc défini en termes d’or, au taux de 20,67 $ l’once. Le
président Lincoln avait toutefois suspendu sa convertibilité
pendant la Guerre de Sécession.
En 1869, la possibilité de convertir les
billets de papier-monnaie en or n’avait toujours pas été
rétablie. L’or était coté activement et
négocié sur le marché de New York (Le New York Gold
Exchange, NYGE) en termes de « billets verts » ou
« greenbacks », c'est-à-dire les dollars ou
billets verts imprimés pendant la guerre. Et cette monnaie à
cours forcé, le dollar « greenbacks », était
négocié avec un escompte contre des dollars or (ci-après
notés $).

Les cours cotés au NYGE en greenbacks
(ci-après GB$) indiquaient combien il fallait de GB$ pour acheter 100$
or, soit 5 pièces de 20$ portant un double aigle sur leur face
totalisant 4,838 onces d’or. Au paroxysme du conflit, en raison des
résultats de l’armée de l’Union et de l’issue
toujours incertaine de la guerre, il fallait 250 GB$ pour acheter 100$. Une
fois la guerre terminée, la solvabilité du gouvernement
grandissant, l’escompte sur le GB commença à baisser.
Quand Fisk et Gould ont commencé leurs manipulations, l’or se
négociait aux environs de 130 GB$.

Jay Gould était le cerveau du duo. Il
comprenait les marchés et comprenait aussi la psychologie humaine.
Ayant initié et participé à de nombreuses manipulations
sur les actions, il savait comment conduire les marchés à un
état de panique et en septembre 1869 son plan d’action
était bien avancé.
A
cette époque-là, c’était avant la
découverte de la climatisation, pendant les journées torrides
et humides de l’été new yorkais, le négoce se
languissait bien souvent. Ces conditions inconfortables mettaient
régulièrement les marchés dans un état de
langueur leur donnant un faux air de sécurité et
l’été 1869 ne fit pas exception. Même si les
greenbacks se négociaient contre un escompte important en dollars or,
la complaisance régnait et Gould savait que le marché de
l’or était mûr et prêt à être
squeezé. Tout ce qui lui restait à faire était de faire
claquer son fouet pour donner le signe du départ. Et il le fit bien
claquer.
Mi-septembre l’or
commença à grimper et l’augmentation du cours
s’accéléra la semaine du 20 septembre. Gould obtint le
soutient de certains journaux qui l’aidèrent en imprimant des
articles à propos d’une pénurie d’or qui aurait
commencé. Le jeudi l’or montait à 140 GB$. Le feu
d’artifice réel commença le jour suivant, le 24
septembre, aujourd’hui entré dans l’histoire sous
l’appellation de « vendredi noir ».
Les courtiers agissant pour le compte de Fisk et
Gould ont commencé la journée en achetant de l’or
à son cours d’ouverture de 145 GB$ et ceux qui créaient
la hausse attendaient donc de faire fortune. Utilisant les
dérivés pour augmenter au maximum leur avantage, Fisk et Gould
contrôlaient 5,5 millions d’onces, soit une valeur faciale de 110
millions, ce qui était l’équivalent de la totalité
des réserves d’or du Trésor à ce moment-là. Cela constituait une position de
levier énorme et permettait à Fisk et Gould de réaliser
5,5 millions de GB$ de profit à chaque augmentation de 1GB$ du cours
de l’or.
Le 24 Septembre l’or grimpait sans
discontinuer.
La panique se répandit sur Wall Street et
le cours monta sans relâche ce jour-là. Ces manipulations
affectaient tous les secteurs de la banque et de la finance. De nombreuses
personnes faisaient faillite alors que l’or atteignait des sommets et
que les appels de marge retentissaient.
Le cours de l’or était monté
à 162 GB$ quand James Brown (qui avec son frère repris la
société créée par son père et qui existe
encore à ce jour sous le nom de Brown Brothers Harriman) entra dans le
jeu. Il vendit à un courtier qui représentait Fisk et Gould 250
000 onces à 160 GB$ l’once. D’autres sentant le vent
tourner se positionnèrent aussi du côté vendeur. Le cours
de l’or commença à baisser.
Peu après, le Trésor
américain annonçait qu’il vendait de l’or contre
des greenbacks. Quand cette nouvelle atteint le parquet de la bourse du NYGE,
la chute commença. L’or clôtura à 132 GB$ ce
jour-là. Le bond vers le haut du cours de l’or et
l’effondrement qui suivit directement laissèrent un chaos et un
carnage derrière eux.
L’histoire ne se termina pas là
pour Fisk et Gould.
Gould n’avait jamais confié la
totalité de son plan à son partenaire Fisk. Pour rendre la
pénurie plus crédible, Gould avait laissé Fisk continuer
à acheter de l’or par leurs courtiers habituels pendant la
montée et pendant la baisse du cours convaincant ainsi tout le monde
à la NYGE que la pénurie était réelle et que le
cours ne pouvait s’effondrer. Mais, sans rien dire à Fisk, Gould
en agissant secrètement par l’intermédiaire de son
courtier personnel vendu l’ensemble de sa position aux environs de 150
GB$ en moyenne et a continué à vendre davantage que Fisk
n’achetait sur le cours en baisse.
Ce n’est qu’après la fin des
opérations ce jour-là que Gould révéla son plan
à son partenaire. Et au lieu de faire face à la ruine à
laquelle il s’attendait, Fisk apprit qu’ils avaient
réalisé un profit d’environ 12 millions de GB$.
Pour protéger son butin, Gould paya 2
millions de GB$ à deux avocats sans scrupules pour bloquer dans des
procès les actifs du NYGE et des courtiers innombrables mais aussi
pour se défendre des plus de 300 poursuites judiciaires qui furent présentées
contre eux. Une partie de cet argent alla aussi à Boss Tweed qui par
l’intermédiaire de la Société Tammany
contrôlait les finances et les politiciens de la ville de New York.
Il resta ainsi 10 millions de GB$ à Fisk
et Gould. Pas mal pour quelques semaines de travail.
James Turk
GoldMoney.com
James
Turk est le fondateur et le président de GoldMoney.com, qui vous permet
d’acheter de l’or et de le stocker à Jersey ou en Suisse.
Il est le co-auteur de The Collapse of the Dollar.
Publié
par Goldmoney. Copyright © 2008.
Tous droits réserves par James Turk.
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