En
1970, le salarié moyen de l’industrie française
produisait l’équivalent de 74 000 euros par ans ; 40
ans plus tard, son fils produit plus de 273 000 euros – soit 3,7
fois plus.
Cet
extraordinaire gain de productivité a été rendu possible
par un seul et unique phénomène, celui-là même qui
est la source du gigantesque enrichissement de l’humanité depuis
la première révolution industrielle : le progrès
technologique. Là où les travailleurs des années 1970 accomplissaient
encore de nombreuses tâches manuelles à faible valeur
ajoutée, les chaines de montage robotisées modernes ont permis de
les automatiser. Avec moins, nous sommes désormais capables de produire
beaucoup plus.
Ces
gains de productivité ont eu pour première conséquence
d’augmenter significativement notre niveau de vie. Jugez
plutôt : en 1972, un salarié payé au Smic devait
travailler 2 265 heures pour espérer s’offrir une Renault
5 ; aujourd’hui, moins de 1 000 heures de travail lui suffiraient
pour acquérir une Twingo. Sans même tenir compte de
l’amélioration du produit, une petite voiture est
désormais deux fois moins chère qu’il y a 40 ans.
Chaque
être humain étant désormais capable de produire beaucoup
plus de richesse qu’autrefois, le « gâteau »
que nous avons à nous répartir grossit plus vite que le nombre
de convives et jamais il n’a jamais été grand. Peu de
gens réalisent qu’en 50 ans, le revenu moyen a presque
triplé.
Autre
conséquence des gains de productivité dans
l’industrie : le volume de production mondial n’a jamais
été aussi élevé qu’aujourd’hui, mais
comme le prix des produits manufacturés baisse plus vite – ou
augmente moins vite – que celui des autres biens et services, le poids relatif
de l’industrie dans l’économie mondiale baisse. Et ce,
d’autant plus qu’en augmentant notre pouvoir d’achat, la
baisse relative des prix des produits industriels nous a permis de consacrer
une part grandissante de nos revenus à d’autres usages et,
notamment, à l’achat de services.
Pour
reprendre l’exemple proposé plus haut, après
s’être acheté une voiture, notre salarié
payé au Smic peut désormais consacrer le produit de 1 165
heures de travail en abonnement Internet, en sorties ou toute autre forme de
services. À l’échelle mondiale, la part de
l’industrie est ainsi passée de près de 27% du produit mondial
brut en 1970 à moins de 17% en 2010 [1].
C’est
exactement le même phénomène que celui que nous avons
observé dans l’agriculture : les prodigieux gains de
productivité réalisés au cours du dernier siècle entraînent
une diminution du poids économique du secteur et de la main-d’œuvre
qu’il mobilise.
Il
y a quelques jours, Andy Keane et Jim Scanla, deux
ingénieurs de l’université de Southampton au Royaume-Uni,
ont annoncé le premier vol d’une maquette d’avion
imprimée en 3D. Oui, « imprimée » ;
c'est-à-dire que le processus de production a consisté à
rentrer le plan dans une sorte d’imprimante et à attendre le
produit fini [2]. Le premier vol de SULSA (c’est son nom) est une
étape supplémentaire de franchie dans cette extraordinaire
épopée humaine.
Si
ces imprimantes 3D se généralisent, elles détruiront des
emplois, en créeront d’autres et réduiront encore les
coûts de production et donc les prix de l’industrie. Ce faisant,
elles participeront à l’amélioration de notre niveau de
vie et permettront d’économiser encore un peu plus la plus rare
et la plus précieuse de toutes nos ressources : l’esprit
humain.
Un
jour où l’autre, ces vieilles industries séculaires et
consommatrices de ressources naturelles ne représenteront sans doute
plus qu’une infime fraction du produit brut mondial. Il ne restera
alors plus qu’une seule limite à la quantité de richesses
que nous pourrons produire : notre imagination.
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[1]
Cette « désindustrialisation » n’a donc pas
grand-chose à voir avec les délocalisations de certaines
activités vers les pays à bas salaires : c’est le
résultat naturel et logique des gains de productivité
réalisés dans l’industrie.
[2]
Et le produit fini vole parfaitement bien [http://www.youtube.com/watch?v=aFFFiB_if18].
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