Au 19ème siècle, la première guerre de l'opium, qui
opposa la Chine au Royaume-Uni, fut motivée par des raisons
commerciales.

Nous ne produisons toujours pas grand-chose de ce que voudraient
acheter les Chinois. Le déficit commercial du Royaume-Uni avec la
Chine a grimpé par 8% dans l’année à avril 2008,
avec les importations chinoises gonflant par plus de 10%.
Mais durant ce 21ème siècle, c’est
l’Amérique qui « a échoué de manière
spectaculaire » à produire ce que veulent acheter les Chinois.
Les Etats-Unis sont en tout cas toujours plus affamés que les Britanniques
ne l’ont jamais été de produits chinois.
Oui, la valeur des importations chinoises vers les
États-Unis a légèrement diminué au cours des
quatre premiers mois de cette année par rapport au premier tiers de
2007. Mais d’après les derniers chiffres du Census Bureau, les
exportations américaines vers la Chine ont chuté encore plus
rapidement. Ainsi, le déficit commercial s'est creusé à
nouveau pour afficher un déficit de trois fois la taille de la dette
de l'Amérique envers le Canada ou envers le Mexique -- les partenaires
commerciaux n° 1 et n° 3 des Etats-Unis.
Le Canada et le Mexique partagent une frontière terrestre
avec les Etats-Unis ; tandis que la Chine se trouve de l'autre
côté du Pacifique. Mais, comme le prouve la diplomatie à
la canonnière de l'Empire britannique de 1839, la distance n'a
guère de signification lorsque les consommateurs veulent acheter des
produits de luxe en provenance de l'étranger.
Comment régler cette dette? Aujourd'hui, les Etats-Unis
livrent des dollars et des obligations à travers le Pacifique,
plutôt que de l’argent ou de l'or. Mais la Chine veut –elle
vraiment des dollars et des bons de trésor, plus qu’elle ne
voulait les 1200 tonnes d'opium en 1839 ...?
Selon la presse hong-kongaise, quelques 75 milliards de dollars
se sont ajoutés aux réserves en devises de la Banque Populaire
de Chine en avril. La BPC a pompé des yuans d’une valeur de 75
milliards de dollars en échange, échangeant la monnaie locale
pour des bons de trésor US gagnés par les entreprises
exportatrices. Imprimer de l’argent pourrait être moins cher que
d’acheter de l'argent (métal) pour l'or.
Mais les coûts de traduction pour régler les factures des
importations américaines demeurent toujours avec la Chine,
plutôt qu’avec le pays endetté.
C'est un avantage majeur de fonctionner au dollar, la devise de
réserve n ° 1 au monde... un "Privilège
Exorbitant" comme devait le souligner le président
français, de Gaulle. Et les fortes réductions aux taux
d’intérêt américains de Ben Bernanke ne font que
rendre plus cher le financement du déficit commercial américain
pour ses fournisseurs chinois.
Les bons du Trésor américain à dix ans
paient maintenant environ un tiers de moins que le taux
d’intérêt de la principale banque centrale de Chine. Cet
écart représente une perte immédiate pour la BPC -- et
cela avant même de prendre en compte les 20% de perte dans la devise
américaine par rapport au Yuan subies par les détenteurs de
dollars en Chine depuis l'été 2005.
La marée de dollars passant de l’autre
côté du Pacifique aide également à l’augmentation
de la masse monétaire chinoise de 17% année après
année -- et avec des yuans d’une valeur de plus de 1 milliard de
dollars déjà injectés dans l'économie nationale,
"la menace de liquidité [en Chine] reste grande",
d’après Evans Dwyfor de chez State Street à Hong Kong.
L’ajout de 75 milliards de dollars de liquidités
excédentaires le mois dernier « s’acheminera vers le
crédit domestique, qui a augmenté constamment au cours des
dernières années», déclare Evans à
Bloomberg. "Cela crée une source potentielle d’inflation
monétaire."
Que faire ? Traumatisé par la plus rapide inflation des
prix à la consommation des dix dernières années, la
Banque Populaire de Chine vient d’augmenter le ratio de réserves
obligatoires -- le montant de liquidités que doivent détenir en
réserve les banques privées -- à un taux impressionnant
de 17,5%. Cela devrait assécher le marché du crédit
domestique d’environ 58 milliards de dollars, estime le RGE Monitor,
tandis que les autorités chinoises se mettent à «traiter
les symptômes de l'excès de liquidités ».
Mais traumatisé au même moment par la crainte d'un
repli du marché boursier surgonflé de Shanghai, la Banque
Populaire de Chine continue également de tenir ses principaux taux
d'intérêt inférieurs au taux de l’inflation des
prix à la consommation. En fait, la baisse de rendements offerts par
les obligations du Trésor américain l’exige. Mais ces
taux d'intérêt réels en-dessous de zéro font du
cash une catégorie d’actifs perdants pour la nouvelle
armée d’épargnants et d’investisseurs chinois.
Donc, aussi amusant que cela puisse paraître, beaucoup d'entre eux
aimeraient encore mieux acheter et conserver les métaux
précieux plutôt que des dollars, des livres sterling ou des
yuans.
La demande chinoise pour l’or d'investissement
au détail a grimpé de 63% au cours du premier trimestre de
2008, s'élevant à 15,1 tonnes, rapporte l’institut
londonien GFMS. La vente de bijoux d'or a
augmenté de 9% -- "un des rares exemples de la demande
dépassant les niveaux de 2007" au cours de la flambée
mondiale de l’once à 1000 $ --atteignant 86,6 tonnes.
La Chine représente désormais le deuxième
plus important marché de bijoux d'oraprès l'Inde,
devançant les États-Unis en 2007. Mais, même avec un
total de 420 tonnes l'année dernière, la demande totale d'or de
la Chine continentale -- incluant Hong Kong et Taïwan -- demeure
quasiment négligeable par personne.
Cela ne veut pas dire qu'il est sûr que la demande se
maintiendra à la hausse, mais avec les produits chinois
représentant aujourd'hui 13% des importations mensuelles des Etats-Unis
-- plus que les produits en provenance du Mexique et à peine moins de
ceux en provenance du Canada (y compris le pétrole) -- nous ne serions
pas surpris de voir encore plus de cette richesse se convertir en argent
(métal) et en or.
Parce qu’après tout, les déficits ont leur
importance en dépit de ce que Dick Cheney devait affirmer en 2002,
quand un déclin de 40% du dollar devait commencer sur le marché
mondial des devises. Ils comptent aussi pour ces pays se trouvant à
l'autre extrémité des routes maritimes.
Le déficit commercial béant pourrait aussi
commencer à compter pour la nation déficitaire, si les
exportateurs commencent à exiger que les paiements se fassent en
devises plutôt qu’en papier à faible rendement ou en
drogue.
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