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Malgré
les bons résultats de JP Morgan, de Goldman, et ceux moins brillants
de Citi mais tout de même positifs, pour le Q3 2009, les ennuis
bancaires des USA ne sont pas terminés.
Le
site du livre More Mortgage
Meltdown, édité par la compagnie d'investissement T2
partners, met en ligne une
impressionnante collection de « slides » dont j'ai
extrait quelques graphiques frappants sur la situation réelle des
banques américaines qui viennent confirmer mes
précédents rapports pessimistes sur leur état
réel (ici
ou là).
Soyez prêts
pour "La Crise 2.0" dans les 18 prochains mois.
A noter: les graphes sont pris directement sur le site de T2, en
espérant qu'ils ne cassent pas les URL sur le long terme. Or, certains
seront updatés en continu. Cela permettra de voir l'évolution,
l'article, écrit le 14 et 15/10, précise à chaque fois
la date d'arrêt choisi.
Tout d’abord, voyons l’évolution des prêts en retard
ou en faillite aux USA, au Q4 2008 :

Nous voyons que le pourcentages de prêts connaissant un problème
à un moment donné passe de 2 à 3% dans une
période normale, à plus de 9% fin 2008, avec une pente en
flèche. Récemment, je livrais à votre curiosité
un chiffre de retards
+ faillites de 13%.
Pire encore, alors qu’en période
« normale », 45% des prêts en retard voyaient
l'emprunteur redresser la situation, aujourd’hui, cette proportion est
tombée à 6%. Même les prêts
« prime » sont touchés, avec un taux de
délinquance de 4.5% (Q4, 2008). Cela peut sembler peu, mais la pente
de la courbe ne laisse pas espérer un renversement de tendance. Quant
à savoir si on va vers une prolongation ou un adoucissement de la
dégradation, bien malin qui peut le prévoir.

Or, vous pouvez voir que le pourcentage de prêts dont la valeur du
collatéral est inférieure au capital restant dû, touts
prêts confondus, grimpe vertigineusement. Cette estimation de Moodys et
T2 partners, plutôt conservatrice (elle ne compte que les emprunts
"unederwater" effectivement enregistrés par les banques)
fait déjà apparaître une hausse vertigineuse des
prêts donnant aux emprunteurs une forte incitation à se mettre
en défaut (Mars 2009).

Mais cette seconde estimation (Standards and poor, Jan 2009) est encore plus
pessimiste, puisque le pourcentage de prêts en déficit de la
catégorie la plus sûre y apparait plus faible que la moyenne des
prêts calculés par Moodys. Après recherche, il apparait
qu'elle prend en compte une estimation de nombreuses pertes non encore enregistrées
par les banques, dépassées par le rythme des mises en faillite
personnelles, et qui ne sont pas forcément pressées d'inscrire
toutes les mauvaises nouvelles dans leurs comptes, mais d'ores et
déjà ces pertes sont bien réelles du point de vue des
emrpunteurs.

Vous noterez que si la principale vague de prêts subprimes a
déjà enregistré la plupart de ses défauts de
paiement, il n’en va pas de même pour les prêts Alt-A et
ARM qui vont voir les réajustements contractuels (date à
laquelle la période de remboursements
« discount » se termine et la mensualité due
fait un bond en avant) se multiplier entre fin 2009 et 2013. C’est en
général après le « contract
reset » que les faillites se multiplient comme on l’a vu
pour les prêts subprime

La situation de l’emploi et la tendance observée ne laisse pas
espérer un meilleur sort pour les prêts Alt A (ni pour les
options ARM, qui sont dans la même situation) que pour les prêts
subprimes en 2007-2008 (Q2,2009) :

Cette récession est de loin la pire de l'après guerre.
Même les années 70, pourtant de sinistre mémoire,
n'avaient pas été aussi noires en terme de variation de la
population inemployée (Q2,2009)

Et donc, qu'est-ce que cela signifie sur la capacité des prêts
à être remboursés ? Tous types de prêts confondus,
voici les expositions des banques US sur différents segments du
crédit (oct 2008)

Tous ces secteurs du crédit (consommation, immobilier
commercial, etc…) connaissent également un taux de
défaillances inhabituellement élevé. Aussi, voici une
estimation des pertes faites par T2 Partners (date non communiquée),
une firme d’investissement. Pas nécessairement parole
d’évangile, mais cela cadre bien avec l’estimation de
4 000 milliards de valeurs artificielles injectées dans
l’économie pendant la bulle, faite
par Wendell Cox ou moi-même.

Enfin, voici plusieurs estimations des pertes totales du système
financier, rapportées aux provisions passées à la fin du
premier trimestre 2009.

Il restait donc à cette date, si ces estimations plutôt
pessimistes sont exactes, un montant de nouvelles pertes potentielles qui
pourraient être au moins égales à celles
déjà inscrites dans les comptes des banques américaines.
Avec en prime la perspective d’une insolvabilité
de la FDIC, l’assurance fédérale des comptes en
banques des déposants… alors même que le nombre de banques
"en difficultés", mons médiatiques que Goldman ou
JPM, semble exploser (graphe fin 2008). Il semblerait que le nombre
d'institutions en difficulté depuis septembre 2008 dépasse
aujourd'hui 400.

Et ce dernier graphe, pour une fois pris ailleurs que chez T2 (yahoo
biz), confirme que le rythme des faillites bancaires soutenues par la
FDIC s'accélère: 50 faillites sèches au troisième
trimestre 2009, contre 20 au rpemier ! les officiels de la FDIC s'attendent
à un pic... fin 2009 ou en 2010, et n'ont d'autre solution que
d'augmenter les primes des banques en moins mauvaise santé... Ce qui
n'améliorera pas leurs comptes, vous vous en doutez.

Non, décidément, les marges du troisième trimestre 2009
des grandes banques de trading, alimentées par les injections
artificielles d'argent de la FED dans les banques, ne sont que purs artifices
qui ne doivent pas nous masquer la perspective d'une rechute. La crise
financière 2.0 est devant nous.
Conclusion
La question n’est de savoir si il y aura une deuxième vague de
sinistres bancaires, elle a commencé, mais si cette seconde vague sera
aussi brutale que la première ou si elle sera lissée sur toute
la période 2009-2013. Dans un premier cas, une nouvelle panique
bancaire pourrait survenir, affectant les banques du monde entier, et
risquant d’envoyer par le fond certains états, par ricochet.
Dans le second, le système tiendra cahin caha, dans une
morosité économique sans précédent, mais les
mesures structurelles nécessaires à une refondation de notre
système financier risquent d’être retardées, et
l’économie traversera une longue phase de fièvres et de
rémissions molles, avec comme perspective le mur de la faillite des
systèmes de santé et de retraite de nombreuses nations.
Faute d'avoir traité la crise par un vaste désendettement en
cascade du système financier (voir
mon article pour l'AGEFI, ou encore
celui ci), par échanges de dettes contre capital, les
états ont juste colmaté la brèche du titanic avec de la
toile de sac. Mais la deuxième vague d'icebergs pourrait
être encore plus meurtrière.
Vincent Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec l’aimable autorisation de
Vincent Bénard – Tous droits réservés par Vincent
Bénard.
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