Une récente étude allemande révèle que plus de 95% des 219
milliards d’euros alloués à la Grèce par l’Union Européenne, dans le cadre
des deux premiers plans de sauvegarde du pays en 2010 et 2011, ont tout
bonnement été “captés” par les banques.
Chroniquement écrasée par sa dette publique, la Grèce a
toujours été incapable de couvrir ses dépenses, en partie à cause du peuple
grec, lui-même assez réfractaire à la notion d’obligations fiscales. Laxistes
et sans doute aussi un peu complices, les autorités grecques ont donc
longtemps laissé pourrir une situation qu’elles ne maîtrisaient pas, allant
jusqu’à dissimuler la réalité pour mieux intégrer une zone Euro qui,
l’espéraient-elles, allait absorber, noyer et finalement faire disparaître
les irrégularités comptables du pays. Malheureusement, le château de
cartes s’écroule en 2008 et, pour éviter que la quasi-faillite de la Grèce
s’étende au reste de la zone euro, l’Union européenne décide (plus ou moins
contrainte et forcée) de débloquer des fonds dans le cadre de deux plans de
soutien, en 2010 puis en 2011, pour une somme globale de 219
milliards d’euros.
Ménager les banques avant tout…
Bien évidemment, dans un tel contexte de dissimulation chronique et de
manipulations financières, beaucoup craignaient qu’une grande partie de cette
somme soit “réquisitionnée” d’office par les créanciers privés de la Grèce
(sous-entendu, les banques européennes en priorité), ne laissant plus au
Trésor grec que des miettes pour redresser le pays. C’est pourquoi, après
que les banques eurent accepté une réduction de 53,5 % de leurs créances pour
un montant de 107 milliards d’euro, un effort de recapitalisation
fut consenti de la part des États européens en vue de renflouer pour une
somme équivalente les caisses de leurs établissements bancaires respectifs…
en dépit du fait que leurs pertes aussi brutales que colossales étaient en
grande partie nées de leur propre imprudence et de leur appât du gain.
… mais leur accorder toutefois la part du lion
Malheureusement, selon Jörg Rocholl, directeur de l’École européenne de
management et technologie de Berlin (ESMT),
les faits semblent démontrer que, malgré les compensations annoncées, les
banquiers ont finalement choisi de se payer aussi sur la bête.
Ainsi, sur les 219 milliards d’euros reçus par la Grèce, 86,9
milliards sont allés vers les remboursements de la dette (donc
principalement vers les banques, la BCE et le FMI, ce dernier
s’étant fait rembourser pas moins de 9,1 milliards d’euros), 52,3
milliards ont servi à payer les intérêts (encore aux banques),
et 37,3 milliards ont été réservés à la recapitalisation… des
banques ! Au passage, notons que la part de l’État grec était fixé à
l’origine à 30 milliards d’euros “seulement”.
Enfin une trentaine de milliards ont été “distribués pour inciter les
investisseurs à s’impliquer dans le secteur privé“, ce qui signifie en
langage clair que des “investisseurs privés” (entendez pas-là… des
banques !) ont probablement bénéficié d’avantages ou de traitements
de faveur pour qu’ils conservent une partie de leurs actifs dans le pays. Et
ce qui est tout aussi probable c’est que les investisseurs en question y
verront surtout un effet d’aubaine qu’ils exploiteront le
temps qu’il durera… avant de se retirer du pays les poches juste un
peu plus pleines que prévu.
Au final, seuls 9,7 milliards d’euros ont réellement et directement
contribué au relèvement de l’économie grecque. Une somme forcément
insuffisante qui laisse le pays dans une situation toujours aussi
catastrophique et qui a donc poussé l’Union européenne, via le mécanisme
européen de stabilité, à lui accorder en août dernier un nouveau prêt
de 86 milliards d’euros sur trois ans.
La Grèce serait-elle en train de devenir le puits sans fond(s) de l’Europe
? En réalité non, elle a juste servi d’alibi pour renflouer les banques
françaises et allemandes.
Une situation connue depuis 18 mois… mais pas officiellement “reconnue”
Car l’étude de l’ESMT ne révèle rien que n’aient pas déjà évoqué
certains médias grecs dès 2014. Sauf qu’à l’époque on disait que
c’était une manœuvre des autorités grecques pour exiger toujours plus d’argent
sans pour autant satisfaire à leurs obligations. Aujourd’hui, c’est une étude
allemande qui expose les mêmes faits, et là, tout-à-coup, on y croit, on
s’insurge, on est scandalisé.
Le fait est que, dès le départ, les “prêts” accordés à la Grèce
sur le dos des contribuables européens n’ont jamais eu d’autre destination
que les banques elles-mêmes, celles qui avaient justement précipité
la crise dans le pays en achetant à tour de bras des produits financiers dont
tout le monde savait qu’ils étaient pourris à cœur. Tant que l’illusion
tenait, ça rapportait, alors pourquoi s’en priver. Et dès qu’un doute
émergeait, hop !, on arrivait toujours à refourguer les créances douteuses
dans des enveloppes toujours plus grosses qui les blanchissait au passage. Un
peu comme les subprimes aux États-Unis.
La BCE a finalement juste sauvé les banques en sacrifiant les Grecs
Facile ensuite d’exiger des réformes toujours plus lourdes aux grecs,
sachant qu’il leur serait impossible de tenir les engagements qu’on leur imposait.
Surtout sans leur en donner les moyens. Ainsi, les Grecs devenaient
automatiquement responsables de l’inefficacité des plans de sauvegarde qu’on
avait gentiment élaborés pour eux, et les contribuables européens
n’iraient pas chercher plus loin pour expliquer la “disparition” de 200
milliards d’euros dépensés en pure perte pour ce peuple impécunieux, ingrat
et un peu fraudeur sur les bords. En réalité, les plans de soutien mis en
place par la BCE en 2010 et 2011 n’ont sauvé que les banques,
au détriment des Grecs (qui ont été purement et simplement sacrifiés), mais
aussi des contribuables de la zone euro, à commencer par les français
et les allemands. Finalement c’est vous, c’est moi, c’est nous qui
avons dû assumer les erreurs de nos propres banques, lesquelles ont même fait
un joli bénéfice dans l’opération puisqu’elles ont récupéré leurs mises mal
investies avec les intérêts (plus de 50 milliards d’euros,
rappelons-le !).
Le plus grave sans doute, c’est que tout cela s’est fait avec la complicité
des États, en particulier la France et l’Allemagne qui, comble de
cynisme, refusent toujours de réduire la crise grecque. Et dire que nos
politiques s’émeuvent encore régulièrement de la perte de confiance des
citoyens à leur égard…?