De nombreux observateurs du marché se posent
la question suivante : une augmentation massive de la base
monétaire va-t-elle véritablement se traduire par une
augmentation du stock de monnaie des ménages privés et des
firmes, ce qui ensuite produirait les effets visibles d’une
augmentation du stock monétaire ?
Les multiplicateurs – qui
étudient les relations entre le crédit et les réserves monétaires
des banques commerciales par rapport aux réserves monétaires
des banques en termes de monnaie de base- se sont effondrés à
la fin de l’été 2008. La volonté et la
capacité des banques à produire du crédit et de la
monnaie ont sévèrement décliné.
 
Les banques commerciales sont en train de gommer les
« effets de levier» et les risques financiers de leurs bilans.
Les propriétaires privés des banques ne sont plus prêts
à risquer leur capital dans le commerce du crédit aux niveaux
actuels de retours sur investissement.
Cela dit, on peut affirmer que les marchés se
sont embarqués dans un
processus de correction des effets de certaines politiques
économiques mal ficelées, effets causés par une
expansion incessante du crédit en circulation et de la monnaie
à cours forcée, c’est-à-dire une monnaie
créée à partir de rien d’autre que d’une
volonté politique, et encouragée par la baisse artificielle du
taux d’intérêt de la part des banques centrales.
Les marchés sont en train d’imposer une
contraction du crédit et de l’offre monétaire. Si les
banques ne sont plus prêtes à prolonger des crédits
supplémentaires et réclament le remboursement des
crédits arrivés à échéance, le
crédit et l’offre de monnaie se verront décliner et cela
nous conduira droit à la récession et à la
déflation.
Un tel développement serait hautement
indésirable en particulier du point de vue des gouvernements et de
leurs bénéficiaires. De fait, cela menacerait leur existence
même. Et c’est de là que provient le danger réel
d’une inflation encore plus forte.
Pourquoi
l’inflation va empirer et non s’atténuer ?
La politique d’augmentation du stock de monnaie est l’outil le
plus performant d’expansion du gouvernement. Il permet de financer les
revenus de l’Etat et les élections mais aussi d’exproprier
et de corrompre les membres de la société de la manière
la plus subtile. Comme Ludwig von Mises le notait,
« Un gouvernement se trouve toujours
obligé de recourir aux mesures inflationnistes quand il ne peut pas
négocier de crédits et n’ose pas lever de nouveaux
impôts parce qu’il craint avec raison de ne pas obtenir de
soutien de la politique qu’il mène s’il
révèle trop vite les conséquences financières et économiques de cette
dernière. Ainsi l’inflation devient la ressource psychologique la
plus importante de toute politique économique dont les
conséquences doivent être masquées et, dans cet esprit,
elle peut être considérée comme un instrument
impopulaire, c’est-à-dire anti-démocratique, politique
puisqu’elle induit en erreur l’opinion publique puisqu’elle
permet l’existence ininterrompue d’un système de
gouvernement qui n’obtiendrait jamais l’assentiment du peuple si
les circonstances lui étaient clairement exposées. Voilà
la fonction politique de l’inflation. Cela explique pourquoi
l’inflation a toujours été une ressource importante parmi
les mesures politiques en temps de guerre et de révolution et pourquoi
nous la retrouvons au service du socialisme. Quand les gouvernements ne
croient pas qu’il est nécessaire d’adapter leurs
dépenses à leurs revenus et s’arrogent le droit de
creuser le déficit budgétaire en imprimant des billets, leur
idéologie relève d’un absolutisme
déguisé ».
Ceux qui espèrent que l’inflation
arrive maintenant à son terme -étant donné que le
marché est en train d’amorcer une contraction de
l’expansion du crédit en circulation et de l’offre
monétaire- expriment implicitement un certain optimisme sur le fait
que le gouvernement Léviathan batte en retraite. Malheureusement, les
derniers développements, en particulier l’augmentation de la
base monétaire et l’augmentation des déficits
budgétaires toujours plus importants ne corroborent pas une telle
perspective.
Même les banques
réduisent leur activité de crédit et on ne devrait pas
oublier qu’aujourd’hui, sous les régimes de monnaies
à cours forcé contrôlés par les gouvernements, le
stock de monnaie peut être augmenté à volonté et
à tout moment jugé politiquement propice. De manière
tragique, la déflation –la baisse du stock de monnaie -qui est
si redoutée actuellement- peut également être
évitée si cela est politiquement désirable.
L’inflation peut être produite par les
banques centrales ou les banques commerciales ou bien encore tout simplement
en prêtant ou en achetant des actifs ne provenant pas des banques mais
en les payant avec de la monnaie nouvellement émise. Au vu de la
situation actuelle, la monétisation de la dette publique par les
banques centrales est probablement la manière la plus simple de
produire de l’inflation, ce qui est et doit être défini
comme une augmentation des réserves monétaires.
Notes
[1] Dans des circonstances normales,
les banques garderaient leurs réserves excédentaires proches de
zéro et elles ne conserveraient que le minimum de réserves dont
elles auraient besoin. Détenir de la monnaie de base ne procure aucun
revenu d’intérêts. Ainsi, si le profil
« revenu-risque » d’une opportunité
d’investissement devient attractif, les banques peuvent
s’attendre à utiliser leurs réserves
excédentaires, cela signifie qu’elles vont soit commencer
à prêter ou à acheter des actifs (actions, obligations
etc.).
Thorsten Polleit
Thorsten Polleit est professeur honoraire à
l’Ecole de Finance et de Management de Francfort
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