Protéger son patrimoine avec une recherche de rentabilité, est-ce encore
possible ? Sur quels produits faut-il miser ? La démarche n’est pas du tout
la même.
Ronny Ktorza, un épargnant au profil atypique qui aime tout autant la
sécurité et le risque a choisi de mixer notamment or physique et
crypto-monnaies.
Nous verrons au cours de ce retour d’expérience très intéressant que si le
choix des produits d’investissement est important, le moment pour en acheter
l’est tout autant.
Qui est Ronny Ktorza ?
Ronny Ktorza est membre d’AuCOFFRE.com, j’ai été interpelé par son profil
atypique, à la fois “prudent” – qui achète des pièces d’or d’investissement
classiques -, et offensif – qui investit dans les cryptomonnaies (ether et
bitcoin). Cet avocat de 33 ans, enseignant aussi à la fac et en écoles de
commerce, se définit plutôt comme un économiste autrichien. Il expliquera pourquoi plus loin
dans l’interview.
Chroniqueur sur 24hgold.com entre 2011 à 2015, il prend aujourd’hui la parole
sur loretlargent.info pour répondre à mes questions.
Comment définiriez-vous votre profil d’épargnant ?
Ronny Ktorza – J’ai un profil un peu atypique en ce que j’aime à la fois
la sécurité et le risque. Une bonne partie de mon épargne se trouve sur des livrets
« sécurisés » (LDDS, Livret A, Plan Épargne Logement, Compte Épargne
Logement) et, dans le même temps, j’apprécie aussi placer mon argent sur des
actifs volatiles : l’or et, surtout, les crypto-monnaies.
Quels sont vos produits d’épargne et d’investissement ?
Ronny Ktorza – J’ai placé mon argent sur de nombreux actifs : pour les
livrets, LDDS et Livret A, donc. Mais je ne sais même pas si on peut
considérer ces deux derniers comme des « produits d’épargne et
d’investissement » tant leur rendement est ridicule aujourd’hui : même avec
un livret A « rempli », on va percevoir moins de 200 € d’intérêts. C’est encore
plus caricatural pour le LDDS, plafonné à 12000 €.
Pour le PEL, c’est différent car j’avais ouvert le mien lorsqu’il était à
2,5% bruts. De ce fait, mon rendement est plus substantiel mais il faut
accepter de bloquer son argent pendant plusieurs années. Quant au Compte
Épargne Logement, son ouverture est symbolique.
Ensuite, j’ai quelques centaines d’euros sur des livrets bancaires de banques
en ligne mais aux rendements encore plus faibles.
Concernant les assurances-vie, je dispose de cinq contrats (à montants
variables). J’ai tendance à privilégier le risque dans ces cas-là car je pars
du postulat que, sur le long terme, je serai toujours gagnant.
Seule chose à observer scrupuleusement : il faut quand même faire
attention aux frais sollicités par les organismes souscripteurs. Il y a un
peu plus de deux ans, j’avais ouvert un contrat d’assurance-vie au sein d’une
compagnie d’assurance dont je tairai le nom. Les frais annuels dépassaient
les 5%… Du coup, j’ai stoppé les versements. Il faut aussi accepter le fait
que notre information est limitée à l’instant « T » et que, nécessairement,
nous commettrons des erreurs.
J’ai également beaucoup investi sur l’or au printemps dernier.
Hélas, le moment de mon entrée sur ce « marché » n’a pas été heureux car j’en
ai acheté énormément au moment du « pic » des taux. Depuis l’été 2016, la
chute des cours de l’or est inattendu et assez violente au vu de l’évolution
de 2016 [NDLR : l’or a ensuite performé pendant 6 mois]. Idem pour
l’argent.
Tout le contraire du Bitcoin et des autres crypto-monnaies qui ont le vent
en poupe depuis le début d’année 2016 et dans lesquels j’ai également placé
quelques billes (pas assez, devrais-je regretter…).
Comment achetez-vous de l’or et des bitcoins : régulièrement ou plutôt
ponctuellement en fonction des opportunités ?
Ronny Ktorza – Pour l’or, j’en ai acheté une grosse partie au printemps
2016. J’ai « remis au pot » pendant l’été. J’ai cru que l’« effet Brexit »
allait se poursuivre. Ce fut une erreur malheureusement. Depuis lors, j’ai un
plan-épargne LSP où j’investis environ 20-25 € par mois sur de l’or
ou de l’argent.
Concernant les crypto-monnaies, j’avais investi 2000 € en mai 2016
sur Bitcoin et Ethereum. Pendant le mois de mai, le BTC avait
augmenté substantiellement et ETH , après une baisse, avait connu une jolie «
success story ». Puis, à compter de début juin 2016, il y a eu une réelle
explosion des cours. J’étais évidemment heureux puisque mon investissement
avait quasiment doublé. Ca me paraissait irréel en si peu de temps. Je me
suis posé la question de vendre et, finalement, j’ai préféré attendre encore.
Sauf qu’il y a eu quelques événements inattendus comme le « hack »
d’Ethereum. Nous avons été plusieurs à penser que l’ether allait mourir. Les
mois suivants allaient dans ce sens. Les cours de cette monnaie étaient dans
le rouge et sont même descendus à 4 € après être montés jusqu’à 20 €.
Évidemment, a posteriori, quand on constate la remontée fulgurante de l’ether
depuis l’hiver, on peut avoir des regrets. J’avais vendu mes ether en juin
2016 et mes bitcoins en juillet 2016.
L’avenir m’a donné tort mais il faut accepter le fait que nous ne
disposons pas d’une boule de cristal. Je suis économiste autrichien et je
considère ainsi que les modèles formalisés ne sont pas du tout adaptés à la
réalité. Ils omettent les fièvres irrationnelles pouvant se produire à un
moment inattendu.
Depuis lors, j’ai remis une petite somme sur des « altcoins »
(ZCash, Monero et Ripple). En peu de temps, mon investissement avait
quasiment doublé mais, comme je le pressentais quelque peu, la période
estivale est passée par là et a conduit à une diminution logique des cours.
Pendant l’été, les investisseurs vendent une partie de leurs actifs pour
partir en vacances. Ce phénomène n’est pas propre aux crypto-monnaies, il est
général.
Pour quelle valeur avez-vous acheté de l’or ?
Ronny Ktorza – Aujourd’hui, je dispose d’environ 7000-8000 € d’or/argent,
uniquement de l’or et de l’argent physique en gardiennage. J’ai aussi
acheté des actions dans des mines d’or par le biais d’un de mes contrats
d’assurance-vie.
En quoi ces achats sont-ils pour vous différents ?
Ronny Ktorza – L’or/argent et les crypto-monnaies ont un point commun
majeur : ce sont des valeurs-refuge et leurs investisseurs estiment
qu’on ne peut pas faire confiance en les politiques monétaires nationales. On
protège ainsi notre argent en se « réfugiant » vers ces actifs. La volatilité
de ces derniers est importante mais force est de constater que, sur le long
terme, on est plutôt gagnant. Celui qui a investi sur l’or, il y a 45 ans,
est heureux. Celui qui a investi un petit pécule sur BTC en 2010 et tient
est, depuis lors, riche. BTC a des performances supérieures à l’or mais rien
ne dit que cette monnaie ne disparaîtra pas un jour. En revanche, l’or est
une valeur ancestrale qui a fait ses preuves depuis des siècles. Je ne crois
évidemment pas que, de notre vivant, les cours de l’or s’effondreront à un
taux « symbolique ».
Sont-ils complémentaires ?
Ronny Ktorza – Je ne sais pas si on peut dire qu’ils sont complémentaires.
J’ai personnellement investi sur les deux actifs mais de nombreuses personnes
ne préfèrent miser que sur l’or car elles sont sceptiques sur bitcoin
qu’elles estiment uniquement « bullesques », eu égard au faible nombre
de transactions journalières (j’aurais, au contraire, tendance à penser que
la bulle ne fait que commencer et que de plus en plus de personnes
investiront dessus, ce qui contribuera à faire encore monter les cours).
Au contraire, d’autres personnes, désireuses d’empocher un pactole
substantiel, ne se tourneront que vers BTC. Car si l’or a des performances
remarquables depuis 45 ans, il est impossible de tripler sa mise en quelques
mois. Impossible n’est pas BTC en revanche.
Quels conseils donneriez-vous à un épargnant aujourd’hui ?
Ronny Ktorza – Je donnerais un conseil qu’on a parfois du mal à
s’appliquer à soi-même. Profiter de l’été pour acheter des crypto-monnaies.
La période janvier-juin sera ensuite probablement propice à de belles
augmentations. En tout état de cause, ne pas s’effrayer en cas de baisse
brutale. BTC et les autres crypto-monnaies ont connu de nombreuses chutes des
cours et se sont toujours relevées.
Ne pas écouter les « médias traditionnels » qui parleront à foison de « bulle
» du BTC. Même quand il ne valait qu’1 $, le terme « bulle » était parfois
employé.
Et, enfin, profiter des bas cours de l’or pour acheter quelques pièces (si
vous en avez évidemment les moyens).
Notre conclusion : quel est le meilleur moment pour acheter finalement ?
J’émettrais juste une mise en garde, quand même, sur l’investissement dans
les crypto-monnaies. Contrairement à l’or qui, comme Ronny le souligne, ne
peuvent s’effondrer à une valeur nulle (c’est aussi notre point de vue,
compte tenu de sa valeur intrinsèque et de sa rareté), investir dans le
bitcoin peut mener à la ruine. Ses propos sur le sujet n’engagent que lui,
idem en ce qui concerne la qualification de “valeurs-refuges” pour les
crypto-monnaies.
Quant à acheter de l’or au bon moment, vaut-il mieux faire un achat
ponctuel ou fractionné dans le temps, régulier ?
En fait, il n’est pas nécessaire de faire un choix strict entre les deux
placements. Les deux méthodes d’achat sont bonnes en fonction des objectifs
que vous vous fixez.
L’achat ponctuel peut être recommandé dans des circonstances
particulières (baisse très significative des cours, rupture de stock ou
éditions limitées de pièces…). Mais nous sommes sur des actifs tangibles et
les cours peuvent se révéler imprévisibles.
Il est donc important de pouvoir lisser vos achats (c’est possible
avec le LSP moyennement peu d’investissement par mois) afin de vous donner le
choix. La gestion de vos ventes sera plus pertinente. En achetant à des prix
différents, vous aurez des produits ayant divers comportements et différentes
valorisations dans le temps. Si vous avez un besoin de liquidité urgent, ce
choix est un atout, puisque vous pourrez revendre les produits qui auront été
le moins impactés par la tendance ou ceux qui en auront tiré le plus de
performance. Ainsi, vous ne serez pas restreint à une seule possibilité.