Comme nous l’avons vu dans un premier
article, s’il a bien identifié une partie des origines de la
crise actuelle (la régulation financière et les banques «
too big to fail »), le prix Nobel 2001 Joseph Stiglitz
n’en percevait pas la réelle source. De plus, les solutions
qu’il préconise pour y remédier auraient l’effet
inverse et accroîtraient l’instabilité économique.
Outre la fin des politiques d’austérité (dont nous
avons vu qu’elles n’avaient pas été mises en place
et qu’elles ne s’opposaient pas à la croissance), Stiglitz
avance d’autres solutions : les créations d’une union
bancaire et des ’eurobonds.
En quoi consiste l’union bancaire, pour laquelle le Conseil
européen vise
un accord avant fin 2013 ?
Cette réforme est organisée
autour de trois points :
- la
centralisation de la supervision bancaire par la Banque centrale européenne
(qui devrait se réaliser dès 2014),
- la mise
en commun des schémas nationaux de protection des
dépôts,
- la
création d’un fonds commun pour la résolution des
banques en difficulté.
Uniformiser les normes prudentielles interdit aux superviseurs
nationaux d’appliquer des règles plus strictes. De plus, cela
rajoute un fort risque systémique puisque cela débouchera sur
une uniformisation des comportements des banques, ce qui veut dire que quand
des erreurs seront commises, elles le seront en même temps. De
même, la mutualisation des coûts de renflouement ne va pas dans
le sens de la responsabilisation des États membres.
Quant aux eurobonds,
ils ne sont pas la solution
à la crise. Leur création introduirait, en effet, un nouvel
aléa moral qui déresponsabiliserait encore plus les
gouvernements. La mise en place de l’euro a permis aux États d’emprunter
à des conditions financières très proches (ce qui est aussi
l’objectif des eurobonds)
jusqu’au deuxième semestre 2008, où elles ont
commencé à diverger. Ces eurobonds, qui ont donc déjà
existé, n’ont pas empêché le surendettement de
plusieurs Etats. Qui plus est, par les taux d’emprunt très
favorables qu’ils ont autorisés, il est même permis de
penser qu’ils l’ont favorisé et que les gouvernements en
ont profité pour augmenter les dépenses publiques. En
déresponsabilisant encore plus les gouvernements et en permettant des comportements
de passager clandestin [1], les eurobonds ne feraient donc qu’empirer la situation
actuelle.
Stiglitz s’en prend ensuite au libéralisme par le biais
de la main invisible : « la main invisible censée
réguler le marché est invisible... parce qu'elle n'existe pas. »
Il commet là un grand contresens sur la signification de la
‘main invisible’, introduite par Adam Smith dans son ouvrage La Richesse des Nations. Adam Smith
signifiait simplement qu’en recherchant leur intérêt
personnel, les individus pouvaient contribuer au bien-être commun, sans
qu’ils aient eu pour but initial d’y participer. Ainsi, le
cordonnier produit des chaussures pour les vendre et avec les
bénéfices réalisés subvenir à ses besoins,
pas pour l’intérêt de la société, même
si celui-ci s’en trouvera mieux. Il n’est donc ici aucunement
question de régulation de marché.
Ce concept de ‘main invisible’ fut ensuite repris et
approfondi par Hayek sous la dénomination d’ordre
spontané défini sur Wikiberal de
la manière suivante : « ordre qui émerge
spontanément dans un ensemble comme résultat des comportements
individuels de ses éléments, sans être imposé par
des facteurs extérieurs aux éléments de cet ensemble. »
C’est donc tout à fait logiquement que Stiglitz s’en prend
ensuite au prix Nobel 1974 : « la vérité est
que la vision d'Hayek, qui stipule que le marché fonctionne
parfaitement seul et s'autorégule, était fausse. ». Là
encore, on voit bien que l’interprétation que fait Stiglitz
d’Hayek est complètement erronée. Qui plus est, on peine
à discerner par quel raisonnement logique Stiglitz déduit de la
défaillance de la réglementation par l’État, une
incapacité par le marché à s’autoréguler.
Joseph Stiglitz conclut de manière symptomatique que « Keynes
avait totalement raison » et que « ses
prévisions expliquant que les dépenses publiques stimuleraient
l'économie […] étaient totalement justes. » De
plus, les solutions proposées et évoquées dans cet
article ne seraient pas plus efficaces que les premières, et aurait
là aussi des effets pervers.
De manière générale, Stiglitz est dans le
déni de réalité. Il utilise le prestige de son prix
Nobel pour se contenter d’étaler sa foi dans le
keynésianisme sans présenter le moindre argument. Stiglitz est
sans doute la meilleure illustration de ce envers quoi Hayek nous avertissait
en disant « qu’un prix Nobel confèrerait à un
individu une autorité qu’en économie nul homme ne devrait
posséder. »
[1] Le comportement de passager clandestin consiste ici à
bénéficier des avantages de l’union économique
sans en respecter les règles de gestion rigoureuse.
|