Dans son livre de 1923, intitulé Tract
sur la réforme monétaire, John Maynard Keynes a écrit ceci :
« En vérité, l’étalon or est déjà une relique barbare ».
De nombreux avocats de l’or ont
déduit de ce passage que Keynes pensait la même chose de l’or physique.
En revanche, à en croire un
récent article intitulé Keynes the Stock Market Investor, il
semblerait que l’économiste britannique ait été, contrairement à ce qu’on
voudrait nous faire croire, un amateur de l’or et des actions minières.
L’article se penche sur
l’approche de Keynes en termes de gestion d’actifs, et la compare à celle des
investisseurs d’aujourd’hui. L’approche de Keynes aurait, selon l’article,
inspiré les investisseurs institutionnels en leur apprenant à adopter une
allocation substantielle à la nouvelle classe d’actifs qu’était celle des
actions.
Il semblerait que l’allocation la
plus substantielle du portefeuille de Keynes ait été liée à ses contacts avec
des gens haut-placés.
Comme l’a écrit le Wall Street
Journal, Keynes a placé « de très gros paris sur des industries qu’il
pensait sous-évaluées. En 1936, 66% de son portefeuille était alloué aux
actions minières, et il n’avait pas placé un centime sur les banques ou
l’énergie. Les sociétés aurifères d’Afrique du Sud, pensait-il, bénéficieraient
de la perte de valeur des devises ».
Plutôt intelligent de sa part.
J’entends par là d’utiliser ses contacts haut-placés. Pas d’apprécier
l’importance de la propriété d’or.
Hausse du
prix de l’or
Selon Robert Wenzel, Keynes, comme
Bernard Baruch, a largement influencé les décisions de Roosevelt quant à la
confiscation de l’or et la manipulation de son prix.
En 1933, l’administration du
président Roosevelt s’est débarrassée du lien des Etats-Unis avec l’étalon
or, deux ans après le Royaume-Uni. En plus de cela, Roosevelt a pris la
décision de confisquer or physique et certificats sur l’or en les échangeant
contre de la monnaie fiduciaire. L’usage de l’or en tant que valeur de
référence pour la finalisation de contrats a également été interdit.
La confiscation de l’or a eu lieu
en avril 1933. Un peu plus tard la même année, le New York Times a publié une
lettre ouverte écrite par l’économiste au président des Etats-Unis. La lettre
demandait au président Roosevelt de « contrôler le taux de change du
dollar au travers de l’achat et de la vente d’or et de devises étrangères,
afin d’éviter de donner lieu à des fluctuations de valeur trop importantes ;
et de modifier les parités à tout instant, en vue de corriger un sérieux
déséquilibre entre les reçus et les paiements internationaux des Etats-Unis
ou d’adapter les prix domestiques aux prix en vigueur à l’étranger ».
John Maynard Keynes, en demandant
au gouvernement américain de faire grimper le prix de l’or, a pu investir sur
les actions minières tout en sachant que le prix de l’or ne pourrait que
grimper si le président des Etats-Unis suivait son conseil.
En 1933, après que Keynes a
acheté une majorité de ses actions minières, le prix de l’or a été fixé à
20,67 dollars l’once.
Les sociétés minières savaient
alors qu’elles seraient capables de recevoir 20,67 dollars par once quel que
soit leur coût de production. En observant l’IPC et le taux de chômage dans
les années 1930 (comme le démontre Paul
Kasriel), nous pouvons voir que les coûts de production étaient en
baisse, malgré une hausse garantie du prix de l’or. Bien que les sociétés
minières qui produisaient d’autres marchandises que de l’or ont pu voir leurs
coûts diminuer, elles n’ont quant à elles pas été capables de recevoir un
prix garanti pour leur produit.
L’or comme outil de dévaluation
du dollar
L’objectif du président Roosevelt
était de stimuler les prix des marchandises en dévaluant le dollar au travers
de la hausse du prix de l’or. Au travers d’une série de législations, le
dollar a été délié de l’étalon or. Le 12 mai 1933, le président a fait
diminuer le contenu or du dollar de près de 50%.
En octobre 1933, Roosevelt a
annoncé au public américain ce qu’il comptait faire avec l’or. Jesse Jones,
conseiller de Roosevelt, nous en dit plus :
Il a réitéré que la politique
définitive du gouvernement était de restaurer le niveau de prix des
marchandises. « Lorsque ce niveau de prix sera restauré, nous établiront
et maintiendront un dollar dont le pouvoir d’achat et la valeur en tant que
remboursement de dette resteront inchangés pendant toute une génération. »
Et puis il a dit qu’il devenait
de plus en plus important de développer et de mettre en application des
mesures qui pourraient être nécessaires en vue de contrôler le prix du dollar
en or à l’échelle domestique, avant d’ajouter que les Etats-Unis devraient
prendre fermement en mains le contrôle de la valeur de notre dollar en or.
Mr. Roosevelt a ensuite annoncé
l’établissement d’un marché gouvernemental pour l’or aux Etats-Unis. Il a
expliqué suite à une réunion avec le Secrétaire du Trésor qu’il autoriserait
le RFC à acheter de l’or nouvellement produit aux Etats-Unis, à un prix régulièrement
révisé.
« Nous pourrions aussi si
nécessaire acheter ou vendre de l’or sur le marché mondial. Le crédit du
gouvernement sera maintenu, et une devise forte accompagnera la hausse du
prix des marchandises américaines. »
C’est ainsi qu’il a commencé à
délier le dollar de l’actif auquel il était rattaché depuis trente-quatre
ans.
En janvier 1934, le prix de l’or
a gagné 69% pour passer à 35 dollars l’once. Les Etats-Unis avaient, comme
l’écrit Kasriel, « établi une convertibilité du dollar en or de 35
dollars de l’once pour les étrangers et pour les producteurs domestiques. Le
Trésor se tenait prêt à acheter autant d’or que possible à ce prix. »
Comme l’explique Mr. Jones, à la
fin du programme d’achat d’or le 17 janvier 1934, « le RFC avait acheté
695.027,423 onces d’or domestique pour la somme de 23.363.754,56 dollars, et
3.418.993,045 onces d’argent étranger sur les marchés de Londres et Paris
pour la somme de 111.037.195,78 dollars, pour un total de 134.400.950,34
dollars ».
Le coût moyen des achats d’or
étranger a été de 32,48 dollars l’once, et de 33,62 dollars l’once pour les
achats d’or domestique. Au départ, le RFC avait décidé d’émettre 50.000.000
dollars de billets avec lesquels acheter de l’or. Cette somme a été réévaluée
quelques semaines plus tard à 100.000.000 puis 150.000.000 dollars.
Il n’est donc pas surprenant que
le portefeuille de Keynes ait enregistré des performances si excellentes sur la
période. La chance n’a joué qu’un rôle limité dans son investissement, à
l’approche d’une révision à la hausse (+69%) du prix de l’or par le
gouvernement.
Tirons des
leçons de Keynes
La décision de Keynes d’acheter
des actions minières prouve encore une fois que les citoyens ne peuvent pas
faire confiance en les gouvernements pour ce qui est de maintenir la valeur
de leur devise, et donc du capital de leurs citoyens.
L’économiste a peut-être pu,
grâce à ses contacts, savoir que le prix de l’or allait grimper. Mais
investisseurs d’aujourd’hui ont la chance de ne pas avoir à recourir à des
pratiques aussi immorales et (désormais) illégales. Les banques centrales
britannique et américaine ne nous cachent plus que les devises sont
dévaluées. Le message devient de plus en plus clair après chaque programme de
QE.
Les marchés tentent actuellement
de comprendre les implications de la dévaluation de devises. Peut-être
devrions-nous tirer des leçons de Keynes et investir sur l’or. Mieux vaut
cependant acheter du métal physique que du papier.
Si Keynes a investi sur l’or, c’est
en raison d’une dévaluation des devises identique à celle qui nous a
récemment menés vers la crise. Les lois fondamentales de l’or devraient
désormais être plus fortes encore.
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