Les semaines qui viennent s’annoncent pleines de promesses. Celles du printemps, bien sûr, qui s’approche tous les jours un peu plus. Celles des politiciens, campagne électorale oblige. Et enfin, celles d’une Union Européenne, à la faveur du renouvellement d’exécutif et de parlement qui se profile, et qui doit faire face à quelques délicats problèmes économiques.
En effet, l’Union est actuellement confrontée à une situation économique générale déroutante et, pour tout dire, inhabituelle. Cette dernière dure, certes, depuis quelques temps déjà, mais les signes qui la confirment s’accumulent sans que semblent porter effet les politiques mises en place tant au niveau européen qu’au niveau de chaque état membre pris individuellement.
On constate par exemple la persistance d’une légère inflation globale. En pratique, cette inflation est la résultante d’une augmentation des prix sur certains domaines précis et peu nombreux mais au fort impact général. Ainsi, l’énergie compte facilement pour la moitié de la hausse de prix constatée, l’alimentation représentant une autre grosse partie de cette inflation qui reste, malgré tout, assez modérée (on parle d’un chiffre inférieur à 1%).
Parallèlement, cette hausse est compensée par une déflation marquée sur d’autres secteurs, comme celui des salaires. Cette absence de hausse des salaires, voire cette baisse dans bien des cas, se traduit par des baisses de rentrées fiscales, avec, à la clé et en Europe, diverses politiques appliquées : soit le gouvernement choisit l’ajustement des masses salariales des fonctionnaires, des retraites, une baisse progressive ou notoire des prestations sociales. Le cas de la Grèce vient évidemment à l’esprit (encore qu’il faille prendre les chiffres avec d’énormes précautions tant ils sont manipulés par un état grec aux abois), mais c’est aussi le cas au Portugal, en Espagne, etc… Une politique alternative consiste bien sûr à ne surtout pas toucher aux sorties mais tout tenter pour augmenter les entrées, c’est-à-dire très concrètement, écraser la pédale d’accélération des taxes et des impôts. Voie qu’a choisie la France avec délectation, et les résultats économiques qu’on peut déjà mesurer : augmenter la vexation fiscale a cette fâcheuse tendance à réduire l’activité économique, ce qui accroît encore la baisse des rentrées fiscales (zut alors).
Enfin, on observe très clairement une contraction du crédit. Très simplement, les particuliers n’en veulent plus, l’industrie diminue sa demande, et les taux baissent à nouveau, dans l’immobilier notamment.
Ce n’est pas un hasard. On se retrouve dans une période délicate où les fondamentaux ne sont pas bons : l’inflation, même modérée, des prix des matières premières et de l’énergie, couplée à la déflation des salaires entraîne un appauvrissement général palpable, ce qui provoque là aussi une baisse de la consommation et une diminution de la prise de risque de la part des individus et des entreprises, ce qui réduit d’autant la production de crédit. Zut et flûte, que voilà un « effet ciseau » fort gênant ! Les banques, dès lors, ont un petit souci pour couvrir leurs ratios qui ont été ajustés à la hausse suite à la crise.
Souci qui se traduit très concrètement par les petits couinements de ces établissements vers les autorités, couinements qu’un fort discret notule d’information de Reuters aura rendus publics et qui donne ceci dans le texte :
Banks have complained they are hindered from lending to the economy by post-crisis rules forcing them to hold much larger safety cushions of capital and liquidity. — Les banques se sont plaintes de ne plus avoir la capacité de prêter aux entreprises à cause des réglementations bancaires mises en place après la crise qui les force à disposer d’un plus grand matelas de capital et de liquidités.
Oui, vous avez bien lu : ces établissements ont été massivement aidés pendant les quelques années qui viennent de s’écouler (et ce afin d’éviter une catastrophe financière majeure) et alors que les contribuables en sont encore de leur poche, il semblerait bien que les autorités européennes soient tendrement à leur écoute et envisagent déjà de répondre à leurs demandes :
« The economic and financial crisis has impaired the ability of the financial sector to channel funds to the real economy, in particular long-term investment » — La crise économique et financière a porté atteinte à la capacité du secteur financier à diriger des fonds vers l’économie réelle, notamment l’investissement de long terme.
Ouin, l’économie réelle ne se comporte pas comme prévu, et les banques pleurnichent ! Il faut trouver une solution, de préférence aussi éloignée que possible d’un retour aux principes sains de gestion, en imposant des faillites organisées de tous les établissements qui le méritent ! Faisons payer le contribuable, par exemple, il a les poches pleines et la voix inaudible !
Et concrètement, cela donnerait quoi ? C’est très simple :
The Commission will ask the bloc’s insurance watchdog in the second half of this year for advice on a possible draft law « to mobilize more personal pension savings for long-term financing » — La Commission demandera leur conseil, dans la seconde moitié de l’année, aux organismes de surveillance de la zone sur un projet de loi visant à « mobiliser l’épargne retraite personnelle pour du financement de long terme »
Voilà qui est très rassurant parce que le terme « confiscation » n’a pas été mentionné du tout. On lui aura subtilement préféré celui de « mobilisation », qui rappelle malheureusement les heures les plus sombres de notre histoire où de vaillants soldats partirent au front histoire de défendre la veuve, l’orphelin et un certain nombre de valeurs qui, justement, pourraient fort bien passer par pertes & profits histoire de sauver le bazar coûte que coûte. Notez que c’est bon à savoir : si un jour vous entendez piquer dans un rayonnage, ou faire les poches de votre voisin, lui cambrioler sa maison ou lui piquer sa voiture, expliquez simplement que vous désirez mobiliser ses possessions pour des opérations de long terme.
On pourrait croire cette brillante idée suffisante à calmer les petits tourments des banques. Il n’en est rien !
Pourquoi ne pas ajouter la création d’un « compte épargne » de nature européenne, qui servirait à l’Union pour financer les petites et moyennes entreprises ?
The EU executive will also complete a study by the end of this year on the feasibility of introducing an EU savings account, open to individuals whose funds could be pooled and invested in small companies. — L’exécutif européen va aussi réaliser une étude de faisabilité pour l’introduction d’un compte épargne européen, ouvert aux particuliers dont les fonds seront mis en commun et investis dans les PME.
Oh, bien sûr, la nature obligatoire pour chaque contribuable d’abonder aux fonds demandés pour ce type d’investissement n’est pas à l’ordre du jour. Ce sera introduit plus tard, dans un second temps, une fois que le nouveau type de compte d’épargne et le fonds afférent auront été créés, et cette obligation sera imposée à la « surprise » générale, bien sûr. Ce n’est évidemment pas le début d’une fiscalité européenne, mais c’est en tout cas les prémices d’une belle aventure ponctionnaire à n’en pas douter !
Vous voyez, pas de quoi s’affoler : l’avenir est plein de promesses et celles qui sont visibles en filigrane de ces propositions européennes sont absolument fabuleuses. Chypre n’était bien qu’une répétition.
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