Le
taux de change de la monnaie, c’est comme le temps qu’il fait, il ne
satisfait jamais personne. Jusqu’à récemment l’Euro était jugé trop fort par rapport
au dollar compromettant les exportations françaises, problème d’autant plus
aigu que l’activité économique en France est atone. L’Euro s’affaiblit depuis
quelques semaines, faut-il vraiment s’en réjouir ?
La
baisse de l’Euro : au profit de qui ?
La
baisse de l’Euro profite essentiellement aux entreprises exportatrices pour
deux raisons. Les entreprises qui exportent en dollars voient automatiquement
leurs recettes augmentées à supposer qu’elles les convertissent
systématiquement en Euros ce qui n’est pas toujours le cas. Elles ont
également des comptes en devises en particulier pour les plus
internationales. Par ailleurs, dès lors que l’Euro baisse, le prix des
exportations baisse automatiquement en valeur nominale. On espère que cette
baisse nominale conduise à une augmentation de la demande d’exportations
françaises.
Pourtant,
l’amélioration attendue de la balance commerciale est loin d’être une
certitude et ce pour plusieurs raisons. Pour qu’un tel effet bénéfique se
produise, il faut que la demande étrangère hors zone Euro se porte sur les
produits français. On peut légitimement se demander pourquoi la demande
étrangère se porterait davantage sur les produits français plutôt que les
produits espagnols, italiens ou allemands... En d’autres termes, la baisse de
l’Euro a le même effet sur toute la zone Euro. Désormais, l’effet positif
d’une « dépréciation compétitive » - si tant est qu’il existe –est partagé
par tous les pays membres de la zone Euro. En outre, l’augmentation des
exportations présuppose que la demande étrangère réagisse fortement à la
baisse des prix – en jargon d’économiste que l’effet quantité positif
liée à l’augmentation des exportations soit supérieur à l’effet-prix négatif
de la baisse des prix. Il faudrait donc espérer que les entreprises
françaises à l’export soient sur des segments où le prix est le facteur
discriminant. Ce raisonnement va à l’encontre des analyses sur les raisons de
la faiblesse des exportations françaises à savoir que contrairement aux
entreprises allemandes, les entreprises françaises n’ont pas su se
positionner sur des produits haut de gamme. Or, c’est la demande pour les
produits haut de gamme qui est peu sensible au prix.
Pour
finir, la baisse de l’Euro a un effet significatif si et seulement les
entreprises françaises exportent majoritairement hors zone Euro ce qui n’est
pas le cas. La zone Euro a justement été créée parce que les pays Européens
ont un commerce intra-zone européenne élevé ce qui justifie l’utilisation
d’une monnaie unique, source d’économie de coûts de transaction dans ce
cas. Dans ces conditions, on a dû mal à comprendre pourquoi tant d’espoir est
mis dans la baisse de l’Euro !
Qui
voudrait d’une monnaie faible ?
Malheureusement,
dans leur enthousiasme ceux qui applaudissent à deux mains la baisse de
l’Euro oublient deux éléments importants : d’une part quand l’Euro
s’affaiblit, le coût des importations se renchérit automatiquement. Tous les
secteurs pour lesquels les intrants sont libellés en dollars sont donc
affectés négativement. Par une heureuse conjonction de facteurs, les matières
premières sont plutôt à la baisse dernièrement, la baisse de l’Euro est donc
partiellement ou totalement compensée par la baisse du prix des matières
premières libellés en dollars.
Du
coup, la baisse de l’Euro serait donc une bonne nouvelle pour les entreprises
françaises si et seulement si les entreprises exportatrices bénéficiaires de
la baisse de l’Euro sont plus nombreuses que les entreprises qui subissent la
hausse de l’Euro. Au vue des performances de la balance commerciale
française depuis quelques années, il est permis d’en douter à court terme.
Quant à l’effet à long terme attendu d’une relance des exportations par la
baisse nominale des prix (la fameuse « courbe en J »), elle n’a pas vraiment prouvé
son existence. Bien souvent le solde de la balance du commerce extérieur
peine à devenir excédentaire et a plutôt tendance à rester dans le rouge. La
baisse nominale des prix ne permet pas de pallier au problème de fond de
compétitivité des entreprises françaises sur le marché mondial.
Par ailleurs, faut-il vraiment
souhaiter avoir un Euro faible quand l’ambition même de l’Euro est de
concurrencer le dollar sur les marchés internationaux ? Est-ce qu’une monnaie
faible a des chances de remplacer le dollar dans les décennies à venir ? Il
est permis d’en douter fortement. Et n’oublions pas que si l’Euro
s’affaiblit, les investisseurs internationaux qui détiennent une partie non
négligeable de la dette française vont sans doute demander une rémunération plus
importante pour compenser l’effet négatif du taux de change. Donc au final,
la baisse de l’Euro n’est sans doute pas une si bonne nouvelle que cela.
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