Depuis sa mise en place,
les critiques de la zone euro ont pointé du doigt son caractère incomplet –
tout le monde utilise la même monnaie, mais conserve ses budgets et régimes
fiscaux nationaux – et répété que ces failles fatales la mèneraient à sa
perte. D’autres observateurs, en revanche, ont accordé plus de crédit aux
créateurs de l’euro et estimé que la version initiale était simplement ce qui
était politiquement faisable à l’époque. Les dirigeants futurs, ont-ils
pensé, attendraient une crise (ou la déclencheraient) qu’ils utiliseraient
ensuite pour forcer leurs citoyens réticents vers un gouvernement centralisé.
Et la crise s’est
développée récemment, avec la fermeture des banques grecques, l’imposition de
contrôles de capitaux et un bref défaut de dette. Se font maintenant entendre
les appels à la centralisation :
François
Hollande propose la création d'un gouvernement de la zone euro
(Bloomberg) – Le Président
de la France, François Hollande, a expliqué que les 19 pays qui utilisent l’euro
ont besoin de leur propre gouvernement, ainsi que d’une politique budgétaire
et d’un parlement communs, pour leur permettre de mieux coopérer et de
surmonter la crise grecque.
« Les circonstances
nous conduisent à accélérer », a-t-il décrété lors d’un discours publié
par le Journal du Dimanche. « Ce qui nous menace, ce n’est pas trop d’Europe,
mais pas suffisamment d’Europe. »
Alors que la zone euro
dispose d’une devise commune, les politiques fiscales et économiques
demeurent entre les mains des Etats membres. Le Président de la Banque
centrale européenne, Mario Draghi, a appelé cette semaine à une coopération
accrue entre les Etats membres suite aux déboires politiques issus de la
situation grecque qui nous ont menés très près d’une rupture de la devise
unique.
Les pays en faveur d’une
intégration accrue devraient s’allier pour former une avant-garde, a ajouté
Hollande.
« L’Europe a laissé
ses institutions s’affaiblir, et les 28 Etats membres ne parviennent plus à
avancer », a déclaré Hollande dans ce qui était également un hommage à
son mentor Jacques Delors, ancien Président de la Commission européenne qui
avait autrefois avancé des idées similaires.
Draghi a appelé le mois
dernier à la création d’un Trésor commun sous dix ans, dans une proposition
jointe avec le Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, et
le Président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem.
Adhérons un instant à l’idée
selon laquelle la crise a été manigancée afin d’être utilisée pour forcer une
intégration, et le comportement de la Troïka prend tout son sens. Plutôt que
de résoudre la première crise grecque en 2011, on l’a recouverte de papier et
utilisé cet assouplissement pour sortir la dette grecque des bilans des
banques commerciales européennes, qui auraient succombé au défaut grec. Une
fois que le système a été suffisamment isolé des dommages grecs, l’Europe a
dit à Athènes de faire ce qu’elle voulait et de partir si elle le souhaitait,
en sachant très bien que ce qui se passerait ensuite ne serait pas fatal pour
l’union monétaire, mais suffisamment terrifiant pour rendre une intégration
acceptable aux yeux des Espagnols, des Français et des Italiens. La
déclaration de Hollande est vouée à tester cette thèse.
Un certain nombre de
problèmes persistent, impliquant notamment les différences entre les gros et
les petits pays. Pour le Portugal et la Grèce, par exemple, l’établissement d’un
Trésor commun signifie un asservissement à l’Allemagne et un respect des lois
établies par cette dernière, ce qui bien évidemment en fait trembler plus d’un.
Pour l’Allemagne et les autres acteurs dominants, un gouvernement centralisé
signifie une prise de responsabilité totale pour le comportement des
Italiens, ce que tous cherchent à éviter.
Plus terrifiant encore
pour les Allemands, une Europe intégrée, avec sa population vieillissante et la
dette de ses gouvernements, aurait besoin d’une devise faible pour éviter la
stagnation. Quelle que soit la décision finale – le maintien de l’euro 1.0 ou
la mise en place de l’euro 2.0 – l’inflation devra être plus importante que
ce qu’espère l’Allemagne. Et au vu de leur réaction à la « résolution »
grecque, les traders des marchés des capitaux semblent aujourd’hui s’en
rendre compte.
