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1. Le marché des produits
littéraires
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Le capitalisme donne à beaucoup de gens l'occasion de faire preuve
d'initiative. Alors que la rigidité d'une société de statut
demande à chacun le même résultat invariable et
routinier, et ne tolère aucun écart par rapport aux modes de
conduite traditionnels, le capitalisme encourage l'innovateur. Le profit est
la récompense d'un écart couronné de succès par
rapport aux façons usuelles de procéder; la perte est la
punition de celui qui s'accroche paresseusement à des méthodes
obsolètes. L'individu est libre de montrer qu'il peut faire mieux que
les autres.
Toutefois,
cette liberté de l'individu est limitée. Elle est une conséquence
de la démocratie du marché et dépend donc de
l'appréciation des réalisations de l'individu par les
consommateurs souverains. Ce qui rapporte sur le marché, ce n'est pas
la bonne performance en tant que telle, mais la performance reconnue comme bonne
par un nombre suffisamment important de consommateurs. Si le public acheteur
est trop borné pour apprécier comme il convient la valeur d'un
produit, aussi excellent soit-il, toutes les peines et toutes les
dépenses ont été subies et effectuées en vain.
Le capitalisme est
fondamentalement un système de production de masse ayant pour but de
satisfaire les besoins des masses. Il déverse une corne d'abondance
sur l'homme ordinaire. Il a élevé le niveau de vie moyen
à un point dont on n'avait jamais rêvé dans les
époques précédentes. Il a rendu accessibles à des
millions de gens des réjouissances qui, il y a quelques
générations, n'étaient à la portée que
d'une petite élite.
L'exemple le plus
remarquable nous est fourni par le développement d'un vaste
marché pour tous les types de littérature. La
littérature – au sens le plus large du terme – est
aujourd'hui un bien demandé par des millions de gens. Ils lisent des
journaux, des magazines et des livres; ils écoutent les
retransmissions et remplissent les théâtres. Les auteurs, les
producteurs et les acteurs qui répondent aux souhaits du public
gagnent des sommes considérables. Dans le cadre de la division sociale
du travail, une nouvelle subdivision s'est développée: la
catégorie des gens de lettres, c'est-à-dire des gens qui
gagnent leur vie en écrivant. Ces auteurs vendent leurs services ou le
produit de leurs efforts sur le marché, de même que tous les
autres spécialistes vendent leurs services et leurs produits. En leur
qualité d'écrivains, ils font partie intégrante du corps
social de la société de marché.
Dans les
époques pré-capitalistes,
écrire était un art qui ne rapportait rien. Les forgerons et
les cordonniers pouvaient gagner leur vie avec leur métier, pas les
auteurs. Écrire était un art libéral, un passe-temps,
pas une profession. C'était la noble occupation de riches individus,
de rois, de grands du royaume et d'hommes d'État, de patriciens et
d'autres gentilshommes financièrement indépendants. Les
évêques, les moines, les professeurs d'université et les
soldats écrivaient pendant leur temps libre. L'homme sans le sou qu'un
élan irrésistible poussait à écrire devait
d'abord s'assurer une autre source de revenus. Spinoza fabriquait des
lentilles. Les deux Mill, le père et le fils, travaillaient dans les
bureaux londoniens de la Compagnie des Indes orientales. Mais la plupart des
auteurs pauvres vivaient de la générosité de riches amis
des arts et des sciences. Les rois et les princes rivalisaient entre eux pour
patronner les poètes et les écrivains. Les cours étaient
le refuge de la littérature.
Il est un fait
historique que ce système de patronage accordait aux auteurs une
parfaite liberté d'expression. Les patrons n'essayaient pas d'imposer
leur propre philosophie et leurs propres normes de goût et
d'éthique à leurs protégés. Ils cherchaient
souvent à les protéger contre les autorités
ecclésiastiques. Il était au moins possible pour un auteur qui
avait été banni d'une ou de plusieurs cours de trouver refuge
dans une cour rivale.
Néanmoins,
l'image des philosophes, des historiens et des poètes évoluant
au milieu des courtisans et dépendant des bonnes grâces d'un
despote n'était pas très édifiante. Les anciens
libéraux saluèrent le développement d'un marché
des produits littéraires comme une composante essentielle du processus
d'émancipation des hommes vis-à-vis de la tutelle des rois et
des aristocrates. À partir de là, pensaient-ils, le jugement
des classes instruites sera prépondérant. Quelle merveilleuse
perspective! Une nouvelle lumière semblait poindre.
2. Le succès du marché des
livres
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Il y avait cependant quelques défauts dans ce tableau.
La littérature n'est
pas conformisme, mais dissidence. Les auteurs qui se contentent de
répéter ce que tout le monde approuve et souhaite entendre
n'ont pas d'importance. Seul compte l'innovateur, le dissident, celui qui
introduit des choses jamais entendues auparavant, l'homme qui rejette les
normes traditionnelles et cherche à remplacer les vieilles valeurs et
les vieilles idées par de nouvelles. Il est par
nécessité anti-autoritaire,
opposé au gouvernement et à l'immense majorité de ses
contemporains. Il est précisément l'auteur dont la plus grande
partie du public n'achète pas les livres.
Quoi que l'on puisse
penser de Marx et de Nietzsche, personne ne peut nier que leur succès
posthume a été considérable. Ils seraient pourtant tous
les deux morts de faim s'ils n'avaient pas eu d'autres sources de revenus que
leurs droits d'auteur. Les dissidents et les innovateurs ont peu à
attendre de la vente de leurs livres sur le marché habituel.
Le champion du
marché du livre, c'est l'auteur de fiction qui écrit pour les
masses. Il serait erroné de croire que les acheteurs
préfèrent toujours les mauvais livres aux bons. Comme ils
manquent de jugement, ils sont prêts à absorber même de
bons livres. Il est vrai que la plupart des romans et des pièces
publiés aujourd'hui sont bons à jeter au panier. On ne peut
rien attendre d'autre quand des milliers de volumes sont écrits chaque
année. Notre époque sera peut-être appelée un jour
l'âge de l'épanouissement de la littérature si seulement
un livre publié sur mille se révélait valoir les grands
livres du passé.
De nombreux critiques
prennent plaisir à accuser le capitalisme de ce qu'ils appellent le
déclin de la littérature. Ils devraient peut-être
inculper leur propre incapacité à séparer le bon grain
de l'ivraie. Sont-ils plus avisés que leurs
prédécesseurs d'il y a une centaine d'années?
Aujourd'hui, par exemple, tous les critiques chantent les louanges de
Stendhal. Mais lorsque ce dernier mourut en 1842, il était peu connu
et incompris.
Le capitalisme a pu
rendre les masses suffisamment prospères pour qu'elles puissent
acheter des livres et des magazines. Mais il ne peut pas leur donner le
discernement de Mécène ou de Can Grande della Scala. Ce n'est pas la faute du capitalisme si
l'homme moderne n'apprécie pas les livres peu communs.
3. Quelques remarques sur les romans
policiers
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L'époque où le mouvement anti-capitaliste
radical a acquis un pouvoir apparemment irrésistible, a
engendré un nouveau genre littéraire, le roman policier. La
génération des Anglais qui mirent le Parti travailliste au
pouvoir fut enchantée par des auteurs comme Edgar Wallace. L'un des
auteurs socialistes britanniques les plus marquants, G.D.H. Cole(a), est tout aussi remarquable comme
auteur de romans policiers. Un marxiste cohérent devrait dire que le
roman policier – peut-être avec les films d'Hollywood, les
comédies et « l'art » du strip-tease – constitue la
superstructure artistique de l'époque du syndicalisme et de la
socialisation.
De nombreux
historiens, sociologues et psychologues ont essayé d'expliquer la
popularité de ce genre étrange. La plus approfondies de ces
recherches est celle du professeur W.O. Aydelotte.
Ce dernier a raison d'affirmer que le mérite historique des romans
policiers est de décrire des rêveries et de nous renseigner
ainsi sur les gens qui les lisent. Il a tout autant raison de suggérer
que le lecteur s'identifie avec le détective, ce qui rend en
général ce détective une extension de son ego(1).
Ce lecteur est en fait
un homme frustré qui n'a pas atteint la position que son ambition le
poussait à rechercher. Comme nous l'avons déjà dit, il
est disposé à se consoler en accusant l'injustice du
système capitaliste. Il a échoué parce qu'il est
honnête et respectueux de la loi. Ses concurrents plus chanceux ont
réussi en raison de leur absence de probité: ils ont eu recours
à des ruses déloyales auxquelles lui, homme pur consciencieux,
n'aurait jamais songé. Si seulement les gens savaient à quel
point ces arrogants sont malhonnêtes. Malheureusement, leurs crimes
restent cachés et ils jouissent d'une réputation
imméritée. Mais le jour du jugement dernier viendra.
Lui-même les démasquera et dévoilera leurs
méfaits.
Le déroulement
typique des événements d'un roman policier est le suivant: un
homme que tout le monde considère comme respectable et incapable de la
moindre mauvaise action a commis un crime abominable. Personne ne le soupçonne.
Mais le fin limier ne peut pas être trompé. Il sait tout sur de
tels hypocrites moralisateurs. Il assemble toutes les preuves pour confondre
le coupable. Grâce à lui le bien finit par triompher.
Démasquer
l'escroc qui se fait passer pour un citoyen respectable était, avec
une tendance latente à l'opposition aux bourgeois, un sujet
également souvent traité à un niveau littéraire
plus élevé, par exemple par Ibsen dans Les Piliers de
la société. Le roman policier rabaisse l'intrigue et y fait
entrer le personnage facile du détective satisfait de lui qui prend
plaisir à humilier un homme que tout le monde considère comme
un citoyen irréprochable. La motivation du détective est une
haine subconsciente du « bourgeois » qui a
réussi. Ses homologues sont les inspecteurs des forces de police du
gouvernement(b). Ils sont trop bornés et trop
préoccupés pour résoudre l'énigme. On sous-entend
même parfois qu'ils sont sans le savoir favorables au coupable parce
que sa position sociale les impressionne fortement. Le détective
surmonte les obstacles que leur paresse met sur sa route. Son triomphe est
une défaite des autorités de l'État bourgeois qui ont choisi
de tels officiers de police.
Voilà pourquoi
le roman policier est populaire auprès des gens souffrant d'une
ambition frustrée. (Il y a également, bien entendu, d'autres
lecteurs de romans policiers(c)). Ils rêvent jour et nuit
d'assouvir leur vengeance sur leurs concurrents qui ont réussi. Ils
rêvent de l'instant où leur rival, « menottes aux
poignets, sera embarqué par la police ». Cette satisfaction
leur est donnée indirectement lors du point culminant de l'histoire
dans laquelle ils s'identifient au détective et identifient le
meurtrier arrêté avec le rival qui les a dépassés(2).
4. La liberté de la presse
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La liberté de la presse est l'une des caractéristiques
fondamentales d'une nation de citoyens libres. Elle constitue l'un des points
essentiels du programme politique du libéralisme classique. Personne
n'a jamais réussi à avancer la moindre objection
défendable contre ces deux classiques: Areopagitica (1644)
de John Milton et On liberty ([De la Liberté],
1859) de John Stuart Mill. L'absence de censure est le sang de la
littérature.
Une presse libre ne
peut exister que s'il y a contrôle privé des moyens de
production. Dans une communauté socialiste, où tous les moyens
de publication et toutes les imprimeries sont possédés et
dirigés par le gouvernement, il ne peut être question d'une
presse libre. Seul le gouvernement détermine qui doit avoir le temps
et l'occasion d'écrire, ainsi que ce qui doit être
imprimé et publié. Comparée à la situation
prévalant en Russie soviétique, même la Russie tsariste
ressemblait, rétrospectivement, à un pays jouissant de la
liberté de la presse. Quand les nazis ont perpétré leurs
célèbres autodafés, ils se conformaient
strictement aux plans de l'un des grands auteurs socialistes: Cabet(3).
Comme toutes les
nations se dirigent vers le socialisme, la liberté des auteurs
disparaît peu à peu. Il devient jour après jour plus
difficile de publier un livre ou un article dont le contenu déplait au
gouvernement ou aux puissants groupes de pression. Les
hérétiques ne sont pas encore «
liquidés » comme en Russie, et leurs livres ne sont pas non
plus brûlés par ordre de l'Inquisition. Il n'y a pas non plus de
retour à l'ancien système de censure. Les soi-disant
progressistes ont des armes bien plus efficaces à leur disposition.
Leur principal outil d'oppression est de boycotter les auteurs, les
directeurs d'édition, les éditeurs, les imprimeurs, les
publicitaires et les lecteurs.
Tout le monde est
libre de s'abstenir de lire les livres, les revues et les journaux qu'il
n'aime pas et de recommander aux autres de les éviter. Mais c'est une
autre histoire lorsque certaines personnes menacent d'autres individus de sérieuses
représailles au cas où ils n'arrêteraient pas d'aider
certaines publications et leurs éditeurs. Dans de nombreux pays, les
éditeurs de journaux et de magazines craignent la perspective d'un
boycottage de la part des syndicats. Ils évitent les discussions
franches sur la question et se soumettent tacitement aux diktats des leaders
syndicaux(4).
Les dirigeants
syndicaux sont bien plus susceptibles que ne l'étaient les
majestés royales ou impériales des époques
passées. Ils ne supportent pas la plaisanterie. Leur
susceptibilité a brisé la satire, la comédie et la
comédie musicale au théâtre et a condamné les
films de cinéma à la stérilité.
Dans l'ancien
régime(d), les théâtres
étaient libres de mettre en scène les moqueries de Beaumarchais
vis-à-vis de l'aristocratie et l'opéra immortel composé
par Mozart. En France, sous le Second Empire, La Grande Duchesse de
Gerolstein, d'Offenbach et Halévy, parodiait l'absolutisme, le militarisme
et la vie de cours. Napoléon III lui-même et certains autres
monarques européens s'amusèrent de cette pièce qui les
tournait en ridicule. À l'époque victorienne, le censeur du
théâtre britannique, Lord Chamberlain, n'empêcha pas la
représentation des comédies musicales de Gilbert et Sullivan,
qui se moquaient de toutes les vénérables institutions du
système de gouvernement britannique. Des Lords remplissaient les loges
pendant que sur scène le Comte de Montararat
chantait: « La Chambre des Pairs n'avait aucune prétention
à l'élévation intellectuelle. »
De nos jours il est
hors de question de parodier sur scène les pouvoirs en place. On ne
tolère aucune réflexion désobligeante sur les syndicats,
les coopératives, les entreprises dirigées par le gouvernement,
les déficits budgétaires et autres caractéristiques de
l'État-providence. Les dirigeants syndicaux et les bureaucrates sont
sacro-saints. Restent à la comédie les sujets qui ont rendu
abominables les opérettes et la comédie hollywoodienne.
5. Le fanatisme des gens de lettres
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Un observateur superficiel des idéologies actuelles pourrait
facilement ne pas reconnaître le fanatisme prévalant chez les
faiseurs de l'opinion publique et les manoeuvres
qui rendent inaudibles la voix des dissidents. Il semble y avoir
désaccord sur des questions considérées comme
importantes. Les communistes, les socialistes et les interventionnistes ainsi
que les diverses sectes et écoles de ces partis, se combattent entre
eux avec une telle ardeur que l'attention est détournée des
dogmes fondamentaux sur lesquels ils sont en accord total. D'un autre
côté, les quelques penseurs indépendants qui ont le
courage de mettre en doute ces dogmes sont en pratique mis hors-la-loi et
leurs idées ne peuvent pas atteindre le public des lecteurs. La
formidable machine de propagande et d'endoctrinement « progressiste
» a bien réussi à faire respecter ses tabous.
L'orthodoxie intolérante des écoles prétendument «
hétérodoxes » domine la scène.
Ce dogmatisme «
hétérodoxe » est un mélange contradictoire et
confus de diverses doctrines incompatibles entre elles. C'est
l'éclectisme dans ce qu'il a de pire, une accumulation
incompréhensible d'hypothèses empruntées à des
sophismes et à des malentendus démolis depuis belle lurette.
Elle comprend des bouts en provenance de plusieurs auteurs socialistes, de la
variété « utopique » et de la
variété « marxiste scientifique », de
l'École historique allemande, des Fabiens, des institutionnalistes
américains, des syndicalistes français, des technocrates. Elle
répète les erreurs de Godwin, Carlyle, Ruskin, Bismarck, Sorel,
Veblen et d'autres moins connus.
Le dogme
fondamental de ce choeur décrète que
la pauvreté est la conséquence d'institutions sociales
inéquitables. Le péché originel qui a privé
l'humanité de la vie merveilleuse du Jardin d'Eden fut
l'établissement de la propriété privée et de
l'entreprise privée. Le capitalisme ne sert que les intérêts
égoïstes de farouches exploiteurs. Il condamne les masses d'hommes
droits à l'appauvrissement progressif et à la
déchéance. Ce qu'il faut pour rendre tous ces gens
prospères, c'est dompter les cupides exploiteurs grâce au grand
dieu nommé État. La motivation du « service »
doit remplacer la motivation du « profit ». Heureusement,
disent-ils, aucune intrigue et aucune
brutalité de la part des abominables « royalistes
économiques » ne peut remettre en question le mouvement de
réforme. L'avènement d'un âge de planification
centralisée est inévitable. Il y aura alors abondance pour
tous. Ceux qui souhaitent accélérer cette grande transformation
se désignent eux-mêmes comme progressistes
précisément parce qu'ils prétendent oeuvrer
pour la réalisation de ce qui est à la fois désirable et
en accord avec les lois inexorables de l'évolution historique. Ils
dénoncent comme réactionnaires tous ceux qui se sont
engagés dans l'effort vain d'arrêter ce qu'ils appellent le
progrès.
Du point de vue de ces
dogmes, les progressistes préconisent certaines politiques qui,
à les entendre, pourraient soulager immédiatement le sort des
masses qui souffrent. Ils recommandent, par exemple, l'expansion du
crédit et l'accroissement de la quantité de monnaie en
circulation, des taux de salaire minimums à décréter et
à faire appliquer soit par le gouvernement soit par la pression et la
violence des syndicats, le contrôle du prix des biens et des loyers,
ainsi que d'autres mesures interventionnistes. Les économistes ont
cependant démontré que de tels remèdes de charlatan
n'arrivaient pas à engendrer les résultats que leurs avocats
cherchent à atteindre. Leur conséquence est une situation
qui, du point de vue de ceux-là même qui les
préconisent et qui y ont recours, est pire encore que
l'état précédent qu'ils devaient modifier. L'expansion
du crédit conduit au retour périodique des crises
économiques et des périodes de dépression. L'inflation
fait grimper le prix de tous les biens et services. Les tentatives visant
à faire appliquer des taux de salaire supérieurs à ceux
qui seraient déterminés par un marché libre produisent
un chômage de masse prolongé année après
année. Le plafonnement des prix conduit à une diminution de
l'offre des biens concernés. Les économistes ont prouvé
ces théorèmes d'une manière irréfutable. Aucun
pseudo-économiste « progressiste » n'a d'ailleurs jamais
essayé de les réfuter.
L'accusation
essentielle portée par les progressistes contre le capitalisme est que
la récurrence des crises et des dépressions, ainsi que le
chômage de masse, sont des caractéristiques qui lui sont
inhérentes. La démonstration que ces phénomènes
sont, au contraire, le résultat des tentatives interventionnistes de
contrôler le capitalisme et d'améliorer la situation de l'homme
ordinaire donne à l'idéologie progressiste le coup de
grâce. Comme les progressistes ne sont pas en mesure d'avancer la
moindre objection défendable contre les enseignements des
économistes, ils essaient de les cacher au peuple et plus
particulièrement aux intellectuels et aux étudiants des
universités. Toute référence à l'une de ces
hérésies est formellement interdite. Leurs auteurs sont
traités de tous les noms et on dissuade les étudiants de lire
leur « fatras idiot ».
D'après le
dogmatique progressiste, il existe deux groupes d'hommes se disputant pour savoir
quelle sera la quantité du « revenu national » que
chacun gardera pour lui. La classe possédante, les entrepreneurs et
les capitalistes, auxquels ils se réfèrent souvent sous
l'appellation de « patronat », n'est pas préparée
à abandonner aux « travailleurs »,
c'est-à-dire aux salariés et aux employés, plus qu'une
peccadille, à peine plus que le minimum vital. Les travailleurs, comme
on peut facilement le comprendre puisqu'ils sont énervés par la
cupidité des patrons, sont enclins à tendre une oreille aux
extrémistes, aux communistes, à ceux qui veulent exproprier
totalement le patronat. Toutefois, la majorité de la classe des
travailleurs est suffisamment modérée pour ne pas céder
à l'extrémisme excessif. Ils rejettent le communisme et sont
prêts à se contenter de moins que la confiscation totale des
rentes « imméritées ». Leur objectif est une
solution médiane, le planisme, l'État-providence, le
socialisme. Dans cette controverse, les intellectuels qui n'appartiennent
prétendument à aucun des deux camps opposés, sont
appelés à jouer le rôle d'arbitres. Eux – les
professeurs, représentants de la science, et les écrivains,
représentants de la littérature – doivent freiner les
extrémistes de chaque groupe, ceux qui recommandent le capitalisme
comme ceux qui préconisent le communisme. Ils doivent être du
côté des modérés. Ils doivent défendre le
planisme, l'État-providence, le socialisme et soutenir toutes les
mesures destinées à réfréner la cupidité
du patronat et à l'empêcher d'abuser de son pouvoir
économique.
Il n'est pas
nécessaire de recommencer à nouveau une analyse
détaillée de tous les sophismes et de toutes les contradictions
qu'implique cette façon de penser. Il est suffisant de distinguer
trois erreurs fondamentales.
Premièrement:
le grand conflit idéologique de notre époque n'est pas une
lutte pour la répartition du « revenu
national ». Ce n'est pas une dispute entre deux classes dont
chacune désire s'approprier la plus grande part d'une somme disponible
et devant être distribuée. C'est un désaccord concernant
le choix le plus adéquat du système d'organisation
économique de la société. La question est: lequel de ces
deux systèmes, capitalisme ou socialisme, garantit une
productivité plus grande des efforts humains en vue d'améliorer
le niveau de vie des gens? La question est aussi: le socialisme peut-il
être considéré comme une solution alternative au
capitalisme et une quelconque conduite rationnelle des activités de
production, c'est-à-dire une conduite basée sur le calcul
économique, peut-elle être effectuée dans un
régime socialiste? Le fanatisme et le dogmatisme des socialistes se
manifestent dans le fait qu'ils refusent obstinément d'examiner ces
questions. Avec eux, la conclusion est déjà
réglée d'avance: le capitalisme est le pire de tous les maux et
le socialisme est l'incarnation de tout ce qui est bien. Toute tentative
d'analyser les problèmes économiques d'une communauté
socialiste est considérée comme un crime de lèse-majesté.
Comme la situation actuellement en vigueur dans les pays occidentaux ne
permet pas encore de liquider, selon la méthode russe, de tels
contrevenants, ils les insultent et les calomnient, jettent la suspicion sur
leurs motivations et les boycottent(5).
Deuxièmement:
il n'y a pas de différence économique entre le socialisme et le
communisme. Les deux termes se rapportent au même système
d'organisation de la société, c'est-à-dire au
contrôle public de tous les moyens de production, par opposition au
contrôle privé des moyens de production, à savoir le
capitalisme. Les deux termes, socialisme et communisme, sont synonymes. Le
document que tous les socialistes marxistes considèrent comme le
fondement inébranlable de leurs principes est intitulé Manifeste
communiste. Inversement, le nom officiel de l'empire russe est Union des
républiques socialistes soviétiques (U.R.S.S.)(6).
L'antagonisme entre
les partis socialistes et communistes actuels ne concerne pas le but ultime
de leurs politiques. Il concerne principalement la volonté des
dictateurs russes d'assujettir autant de pays que possible, et en premier
lieu les États-Unis. Il concerne, de plus, la question de savoir si la
réalisation du contrôle public des moyens de production doit
être obtenue par des méthodes constitutionnelles ou par un
renversement violent du gouvernement en place.
Les termes «
planisme » et « État-providence » tels qu'ils sont
utilisés par les économistes, les hommes d'État, les
politiciens et toutes les autres personnes ne signifient pas non plus quelque
chose de différent du but final du socialisme et du communisme. Le
planisme signifie que le plan du gouvernement doit remplacer les plans des
citoyens individuels. Il veut dire que les entrepreneurs et les capitalistes
doivent être privés de la liberté d'utiliser leurs
capitaux d'après leurs propres projets et qu'ils sont obligés
de se soumettre sans condition aux ordres émis par le bureau central
de planification. Ceci revient à transférer le contrôle
des entrepreneurs et des capitalistes au gouvernement.
C'est par
conséquent une grave erreur que de considérer le socialisme, le
planisme ou l'État-providence comme des solutions au problème
de l'organisation économique de la société qui
différeraient de celle du communisme et qui devraient être
considérées comme « moins absolutistes »
ou « moins radicales ». Le socialisme et le planisme ne
sont pas des antidotes au communisme comme semblent le croire de nombreuses
personnes. Un socialiste n'est plus modéré qu'un communiste que
dans la mesure où il ne livre pas de documents secrets de son pays aux
agents russes et ne projette pas d'assassiner les bourgeois anticommunistes.
C'est, bien entendu, une différence très importante. Mais cela
ne concerne en rien le but ultime de l'action politique.
Troisièmement:
capitalisme et socialisme sont deux modèles distincts d'organisation
sociale. Le contrôle privé des moyens de production et leur
contrôle public sont des notions contradictoires et pas seulement
contraires. Il ne peut pas exister d'économie mixte, de système
qui se tiendrait à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme.
Ceux qui défendent ce que l'on prend à tort pour une solution
médiane ne recommandent pas un compromis entre socialisme et capitalisme,
mais un troisième modèle qui possède ses
caractéristiques propres et qui doit être jugé selon ses
propres mérites. Ce troisième système, que les
économistes appellent interventionnisme, ne combinent pas, comme le
proclament ses partisans, certains traits du capitalisme avec certaines
caractéristiques du socialisme. C'est une chose totalement
différente de chacun des deux. Les économistes qui
déclarent que l'interventionnisme n'atteint pas les objectifs que ses
tenants veulent obtenir, mais empire les choses – non pas du propre
point de vue de l'économiste, mais de celui-là même des
avocats de l'interventionnisme – ne sont pas des individus
intransigeants et extrémistes. Ils ne font que décrire les
conséquences inévitables de l'interventionnisme.
Quand Marx et Engels,
dans le Manifeste communiste, défendaient des mesures
interventionnistes données, ils ne voulaient pas recommander un
compromis entre le socialisme et le capitalisme. Ils considéraient ces
mesures – qui, incidemment, sont les mêmes que celles qui forment
l'essence des politiques de New Deal et deFair
Deal – comme les premiers pas sur la voie vers l'instauration
du communisme intégral. Ils décrivaient eux-mêmes ces
mesures comme « économiquement insuffisantes et insoutenables
» et les réclamaient que parce que ces mesures « au cours
du mouvement, se dépassent elles-mêmes et sont indispensables
comme moyen de bouleverser le mode de production tout entier ».
La philosophie sociale
et économique des progressistes est donc un plaidoyer en faveur du
socialisme et du communisme.
6. Les pièces et les romans
« sociaux »
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Le public, qui soutient les idées socialistes, demande plus de
pièces et de romans socialistes (« sociaux »).
Les auteurs, eux-mêmes imprégnés d'idées
socialistes, sont prêts à offrir la matière
réclamée. Ils décrivent des situations peu
satisfaisantes qui, comme ils l'insinuent, sont la conséquence
inévitable du capitalisme. Ils dépeignent la pauvreté et
la misère noire, l'ignorance, la saleté et la maladie des
classes exploitées. Ils critiquent sévèrement le luxe,
la stupidité et la corruption morale des classes exploiteuses.
À leurs yeux tout ce qui est mal et ridicule est bourgeois et tout ce
qui est bon et sublime est prolétaire.
Les auteurs qui
traitent des vies de personnes touchées par la pauvreté peuvent
être divisés en deux catégories. La première est
celle de ceux qui n'ont pas eu eux-mêmes l'expérience de la
pauvreté, qui sont nés et ont été
élevés dans un milieu « bourgeois » ou dans un
milieu de salariés ou de paysans prospères: l'environnement
dans lequel ils situent les personnages de leurs pièces et de leurs
romans leur est étranger. Ces auteurs doivent donc, avant de commencer
à écrire, rassembler des informations sur la vie de la classe
qu'ils veulent dépeindre. Ils débutent leurs recherches. Mais,
bien sûr, ils n'abordent pas le sujet de leurs études avec un
esprit impartial. Ils savent à l'avance ce qu'ils découvriront.
Ils sont convaincus que la situation des salariés est horrible et
affligeante au-delà de toute imagination. Ils ferment les yeux sur
tout ce qu'ils ne veulent pas voir et ne trouvent que ce qui confirme leurs
idées préconçues. Les socialistes leur ont
enseigné que le capitalisme est un système faisant terriblement
souffrir les masses et que plus le capitalisme progresse et atteint sa pleine
maturité, plus l'immense majorité s'appauvrit.
Leurs romans et leurs pièces sont construits comme des cas
d'école permettant de démontrer ce dogme marxiste.
Ce qui ne va pas avec
ces auteurs n'est pas qu'ils choisissent de dépeindre la misère
et le dénuement. Un artiste peut montrer sa maîtrise en traitant
n'importe quel type de sujet. Leur erreur consiste plutôt dans leur
déformation tendancieuse et dans leur interprétation
erronée des conditions sociales. Ils n'arrivent pas à saisir
que les circonstances choquantes qu'ils décrivent sont le
résultat de l'absence de capitalisme, les vestiges du passé pré-capitaliste ou les effets de politiques
sabotant le fonctionnement du capitalisme. Ils ne comprennent pas que le
capitalisme, en générant une production à grande
échelle pour la consommation de masse, est fondamentalement un
système qui élimine la misère autant que possible. Ils
ne décrivent le salarié que dans son rôle d'ouvrier
d'usine et ne réfléchissent jamais au fait qu'il est aussi le
principal consommateur soit des biens manufacturés eux-mêmes,
soit de la nourriture et des matières premières contre
lesquelles on les échange.
La prédilection
de ces auteurs pour traiter de la misère et de la détresse se
transforme en une scandaleuse distorsion de la vérité quand ils
laissent entendre qu'ils dépeignent une situation typique et
représentative du capitalisme. L'information fournie par les données
statistiques concernant la production et la vente de tous les articles de la
production à grande échelle montre clairement que le
salarié type ne vit pas dans les tréfonds de la misère.
Le représentant
le plus éminent de l'école de la littérature «
sociale » est Émile Zola. Il a établi le modèle
qu'une foule d'imitateurs moins doués a adopté. À son
avis, l'art devait être intimement lié à la science. Il
devait se fonder sur la recherche et illustrer les trouvailles de la science.
Or le principal résultat des sciences sociales, selon Zola,
était le dogme expliquant que le capitalisme serait le pire de tous
les maux et que l'avènement du socialisme serait à la fois
inévitable et hautement désirable. Ses romans étaient
« en fait un ensemble d'homélies socialistes »(7). Mais Zola, avec ses préjugés et son
zèle prosocialiste, fut vite surpassé par la littérature
« prolétarienne » de ses adeptes.
Les critiques
littéraires « prolétariens » prétendent que
ces auteurs « prolétariens » ne font que traiter des faits
bruts de l'expérience du prolétariat(8).
Toutefois, ces auteurs ne font pas que rapporter des faits. Ils les
interprètent du point de vue des enseignements de Marx, de Veblen et
des Webb. Cette interprétation est le fond de leurs écrits, le
point saillant qui les caractérise comme propagande prosocialiste. Ces
écrivains considèrent les dogmes sur lesquels reposent leur
explication des événements comme étant évidents
et irréfutables, et sont pleinement convaincus que leurs lecteurs
partagent leur confiance. Il leur semble ainsi souvent superflu de mentionner
explicitement les doctrines. Ils ne s'y réfèrent parfois que
par insinuation. Mais ceci ne change pas le fait que tout ce qu'ils font
passer dans leurs livres dépend de la validité des principes
socialistes et des constructions pseudo-économiques. Leur fiction est
une illustration des leçons des doctrinaires anti-capitalistes
et s'effondre avec elles.
La deuxième
catégorie des auteurs de fiction « prolétarienne »
sont ceux qui sont nés dans le milieu de prolétaires qu'ils
décrivent dans leurs livres. Ces hommes sont sortis de cet
environnement de travailleurs manuels et ont rejoint les rangs des
professions libérales. Ils ne sont pas, contrairement aux auteurs
prolétariens issus d'un milieu « bourgeois »,
dans la nécessité d'apprendre quelque chose sur la vie des
salariés. Ils peuvent utiliser leur propre expérience.
Cette
expérience personnelle leur apprend des choses qui contredisent
catégoriquement les dogmes essentiels du credo socialiste. On ne barre
pas l'accès à des positions plus satisfaisantes aux fils
talentueux et très travailleurs de parents vivant dans des conditions
modestes. Les auteurs issus d'un milieu « prolétarien »
sont eux-mêmes un témoignage de ce fait. Ils savent pourquoi eux
ont réussi alors que la plupart de leurs frères et de leurs
camarades n'y sont pas parvenus. Au cours de leur progression vers une
meilleure position sociale, ils ont amplement eu l'occasion de rencontrer
d'autres jeunes gens qui, comme eux, désiraient apprendre et
progresser. Ils savent pourquoi certains d'entre eux ont trouvé leur
voie et pourquoi d'autres l'ont ratée. Désormais, vivant au
sein des « bourgeois », ils découvrent que ce qui
distingue l'homme qui gagne beaucoup d'argent de celui qui en gagne moins
n'est pas que le premier est un escroc. Ils n'auraient pas
dépassé le niveau auquel ils sont nés s'ils avaient
été assez stupides pour ne pas voir que beaucoup d'industriels
et de membres des professions libérales sont eux aussi des self-made
men, qui ont commencé par être pauvres. Ils ne peuvent pas
ne pas saisir que les différences de revenus sont dues à des
facteurs autres que ceux suggérés par le ressentiment
socialiste.
Si de tels auteurs se
laissent aller à écrire ce qui est en réalité une
prose prosocialiste, ils ne sont pas sincères. Leurs romans et leurs
pièces ne sont pas véridiques et sont donc bonnes à
jeter à la poubelle. Ils sont bien en deçà du niveau des
livres de leurs collègues d'origine « bourgeoise », qui au
moins croient ce qu'ils écrivent.
Les auteurs
socialistes ne se contentent pas de dépeindre la situation des
victimes du capitalisme. Ils s'occupent aussi de la vie et des actions de ses
bénéficiaires: les hommes d'affaires. Ils sont résolus
à révéler aux lecteurs comment naissent les profits.
Comme ils ne sont pas eux-mêmes – Dieu merci – familiers
d'un sujet aussi sale, ils cherchent d'abord des informations dans les livres
des historiens compétents. Voici ce que ces experts leur racontent sur
les « gangsters de la finance » et les « requins de
l'industrie » et sur la façon dont ils acquièrent leurs
richesses: « Il commença sa carrière comme conducteur de
bestiaux, ce qui veut dire qu'il achetait le bétail des fermiers et le
menait au marché pour l'y vendre. Le bétail était vendu
aux bouchers d'après son poids. Juste avant de se rendre au
marché, il gavait les bêtes de sel et leur donnait à
boire de grandes quantités d'eau. Un gallon d'eau pesait environ huit
livres. Mettez trois ou quatre gallons d'eau dans une vache, et vous avez
quelque chose en plus quand il s'agit de la vendre. »(9) Dans
la même veine, des douzaines et des douzaines de romans et de
pièces de théâtre racontent les transactions du vilain de
leur intrigue: l'homme d'affaires. Les magnats de l'industrie deviennent
riches en vendant de l'acier fendu et de la nourriture avariée, des
chaussures avec des semelles en carton et des articles de coton
présentés comme de la soie. Ils soudoient les sénateurs
et les gouverneurs, les juges et la police. Ils trompent leurs clients et
leurs employés. C'est une histoire très simple.
Il n'est jamais venu
à l'esprit de ces auteurs que leur narration présente
implicitement tous les autres Américains comme de parfaits idiots que
tout vaurien peut facilement duper. L'astuce mentionnée plus haut sur
les vaches gonflées est la méthode d'arnaque la plus primitive
et la plus ancienne. Il est difficile de croire qu'il reste quelque part dans
le monde des acheteurs de bétail assez stupides pour s'y laisser
prendre. Supposer qu'il y a aux États-Unis des bouchers qui pourraient
se laisser tromper de cette façon, c'est trop attendre de la
simplicité du lecteur. Il en va de même pour toutes les fables
similaires.
Dans sa vie
privée l'homme d'affaires, tel que le dépeint l'auteur «
progressiste », est un barbare, un joueur et un ivrogne. Il passe ses
jours aux courses, ses soirées dans les boîtes de nuit et ses
nuits avec ses maîtresses. Comme Marx et Engels l'ont souligné
dans le Manifeste communiste, ces « bourgeois, non contents
d'avoir à leur disposition les femmes et les filles des
prolétaires, sans parler de la prostitution officielle, trouvent un
plaisir singulier à se cocufier mutuellement. » Voilà le
reflet du monde des affaires américain tel que le renvoie une grande
partie de la littérature américaine(10).
a. Voir ce
que dit Mises sur G.D.H. Cole dans l'essai 3 du
recueil Planning
for Freedom. NdT.
b. L'expression américaine « detective story », employée par Mises, fait
évidemment une référence plus directe à des
histoires de détectives privés que la traduction (habituelle)
en français de ce genre littéraire par « roman
policier ». NdT.
c. Mises s'est-il
souvenu d'Ayn Rand, qui avait acquis la
réputation de ne lire que ce genre d'ouvrage?... (En fait, elle avait
fini par lire de moins en moins, ne trouvant pas ce qu'elle cherchait, alors
qu'elle aimait les romans de Spillane et Fleming.
Voir The Romantic Manifestopour
ses analyses sur la littérature.). C'est fort peu vraisemblable,
notamment en raison de la date de publication du présent ouvrage
(1956). Mais le rapprochement est amusant. On pourra voir plus loin que Mises
ne partageait vraisemblablement pas non plus totalement les goûts
architecturaux de la romancière (qu'elle a exprimés dans The Fountainhead, [traduit en français sous le
titre La Source vive pour le
roman et Le Rebelle pour le
film de King Vidor qui en a été tiré]).
Ce qui n'empêchait pas Mises de
l'apprécier: « Ayn Rand est l'homme le plus
courageux des États-Unis » avait-il confié à leur
ami commun Henry Hazlitt, ce qui avait enchanté Rand (surtout l'emploi
du terme d'homme. Source: B. Branden, The
Passion of Ayn Rand (Anchor
Books, 1987, p. 189). La citation exacte n'est cependant pas
garantie: Roy Childs, dans son article « Ayn Rand and the Libertarian Movement » (Update, 1982), cite
l'anecdote en racontant que Mises avait dit d'elle qu'elle était
« un des plus grands hommes de
l'histoire »). Voir aussi la lettre qu'il lui avait adressée.
Par ailleurs, l'affreux socialiste anglais
Harold Laski, que Mises étrille à
fort juste titre (voir plus loin dans le
présent ouvrage, ainsi que dans d'autres de Mises) avait servi de
modèle à Rand pour le personnage d'Ellsworth Toohey, le méchant de The Fountainhead (Cf. B. Branden,op.
cit., p. 139). NdT.
d. En français dans le texte. NdT.
1. Cf. William O. Aydelotte,
« The Detective Story as a Historical Source » (The Yale Review, 1949, Vol. XXXIX, pp. 76-95).
2. Un fait significatif est le succès de
la diffusion des magazines à scandale [exposé magazines],
la dernière nouveauté de la presse américaine. Ces
magazines sont exclusivement consacrés à démasquer les
méfaits et les vices secrets des gens connaissant le succès,
plus particulièrement des millionnaires et des
célébrités de l'écran. Selon le numéro du
11 juillet 1955 de Newsweek, les ventes de l'un de ces magazines
ont été estimées à 3,8 millions d'exemplaires
pour septembre 1955. Il est évident que l'homme moyen se
réjouit de l'exposé des péchés –
réels ou imaginaires – de ceux qui l'éclipsent.
3. Cf. Cabet, Voyage
en Icarie, Paris, 1848, p. 127.
4. Sur le système de boycottage mis en
place par l'Église catholique, cf. P. Blanshard, American
Freedom and Catholic
Power, Boston, 1949, pp. 194-198.
5. Les deux dernières phrases ne se
réfèrent pas aux trois ou quatre auteurs socialistes de notre
époque qui – très tardivement en réalité en
d'une manière très insatisfaisante – ont commencé
à examiner les problèmes économiques du socialisme. Mais
elles sont littéralement vraies pour tous les autres socialistes,
depuis les origines des idées socialistes jusqu'à nos jours.
6. Sur les tentatives de Staline de faire une
distinction entre socialisme et communisme, cf. Mises, Planned Chaos, Irvington-on-Hudson,
1947, pp. 44-46. (Trad. fr.: Le Chaos du planisme).
7. Cf. P. Martino dans Encyclopedia
of the Social Science, Vol. XV, p. 537.
8. Cf. J. Freeman, Introduction
to Proletarian Literature in the United States, an Anthology, New York,
1935, pp. 9-28.
9.
Cf. Woodward (A New American History, New
York, 1938, p. 608) qui raconte la biographie d'un homme d'affaires qui
subventionnait un séminaire de théologie.
10. Cf. la brillante analyse de John
Chamberlain, « The Businessman in Fiction » (Fortune,
novembre 1948, pp. 134-148).
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