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Cours Or & Argent

La monnaie, c'est l'or, et rien d'autre. Que voulut dire JP Morgan ?

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Extrait des Archives : publié le 19 septembre 2016
1824 mots - Temps de lecture : 4 - 7 minutes
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Rubrique : Université de l'or

L’échange suivant a eu lieu  le 18 décembre 1912, après que John Pierpont Morgan – le financier et banquier le plus influent de son temps – ait été appelé à témoigner devant le Congrès des Etats-Unis.

Mr Untermyer:

J’aimerais vous poser quelques questions sur le sujet que vous avez abordé ce matin, quant au contrôle de la monnaie. Le contrôle du crédit implique un contrôle de la monnaie, n’est-ce pas vrai ?

Mr Morgan:

Le contrôle du crédit ? Non.

Mr Untermyer:

Mais la base du système bancaire est bien le crédit ?

Mr Morgan:

Pas toujours. Le crédit est une preuve des activités bancaires, mais il n’est pas de la monnaie. La monnaie, c’est l’or, et rien d’autre.

Samuel Untermeyer était le conseiller en chef du sous-comité Pujo du Comité de la Chambre pour les affaires bancaires et la devise, qui a été établi pour enquêter sur l’influence des banquiers de Wall Street et des financiers sur la monnaie et le crédit aux Etats-Unis. Il cherchait à déterminer si un « trust monétaire » existait à l’époque qui contrôlait les affaires et les finances américaines, et si Mr Morgan en faisait partie.

L’échange ci-dessus n’est qu’une petite partie du témoignage de Mr Morgan, qui a duré plus de trois heures. Il s’agit cependant du passage le plus important de leur discussion quant à la monnaie. La vérité avancée par Mr Morgan, « la monnaie, c’est l’or, et rien d’autre, » est très peu comprise aujourd’hui.

Il est important de mentionner ici que Mr Morgan est souvent cité comme ayant dit « l’or est une monnaie, et rien d’autre, » ce qui est aussi vrai, mais passe à côté du point à retenir ici. Il est clair que Mr Morgan définissait la monnaie d’une manière qui semble peu familière voir étonnante à l’esprit moderne, c’est pourquoi sa citation est souvent altérée pour être rendue plus compréhensible. Ce qui, sans aucun doute, rend plus confus encore les esprits d’aujourd’hui. Mr Morgan qui, un siècle plus tard, demeure encore un personnage proéminent des finances américaines, n’a pas déclaré le dollar comme étant la seule monnaie véritable. Pour lui, la monnaie, c’est l’or, et rien d’autre.

Mr Morgan n’a pas non plus cherché à définir l’or. Sa déclaration souligne simplement le rôle de l’or, et non ce qu’il est - un élément naturel classé en 79e position du tableau périodique.

Et pourtant, il y a bien plus à tirer de ses propos, et de ses deux réponses aux questions de Mr Untermyer. Une analyse approfondie révèlerait ce que Mr Morgan et tous ceux qui ont écouté son témoignage comprenaient de la monnaie et du crédit. S’ils n’avaient pas compris ce qu’ils étaient, alors Mr Morgan se serait vu demander d’expliquer sa définition de la monnaie. Mais une telle question ne lui a jamais été posée.

Que savaient donc Untermyer et les autres que nous ne savons pas aujourd’hui ? Que voulait dire Mr Morgan ? Et que reconnaissaient-ils tous à propos de la monnaie et du crédit que nous ne reconnaissons pas aujourd’hui ?

Mr Morgan a défini plus que la monnaie. Il a révélé la nature essentielle du processus par lequel les gens sont rémunérés pour leur travail, qui représente l’épine dorsale de notre société capitaliste. La monnaie provient du processus de marché, pas du gouvernement.

La monnaie vient à exister de la même manière que tous les autres biens et services. Tous sont le résultat d’un travail diligemment appliqué à une tâche complétée au fil du temps dans l’objectif de produire un résultat utile. Un agriculteur produit de la nourriture, un maçon une maison, un ouvrier une voiture, et ainsi de suite. Tous ces produits sont utiles. De la même manière, des services utiles sont rendus. Un coiffeur coupe les cheveux, un serveur vous apporte à manger, etc. Pour en revenir à l’argument de Mr Morgan, une société minière dépense du temps et de l’argent à produire ce que nous appelons monnaie.

Les banquiers, contrairement aux sociétés minières, en produisent des substituts que nous appelons dollars, euros, livres, mais qui, comme les édulcorants artificiels ne sont pas du sucre, ne sont pas de la monnaie. Ces devises sont forcées en circulation par les lois sur le change légal, qui ont largement remplacé la circulation de l’or en tant que monnaie. La triste conséquence en est que les caractéristiques et les attributs de l’or ne sont aujourd’hui plus familiers à nos semblables, qui ne parviennent plus à reconnaître sa véritable nature et son utilité.

Les devises nationales que sont le dollar, l’euro, le franc, la livre et les autres, sont basées sur le crédit, et non sur le travail. En conséquence, elles peuvent être décrites comme étant des devises de la dette, un terme adapté qui révèle leur véritable nature en rendant évidente leur dépendance totale au crédit.

Un travailleur honnête et talentueux a bien plus la possibilité d’emprunter que quelqu’un qui ne présenterait pas ces qualités, et le crédit peut être quelque chose d’utile. Avec le crédit, il est possible d’obtenir des biens et services dans el moment présent en échange de la promesse d’un remboursement futur grâce au travail de la personne à laquelle ce crédit a été octroyé.

Les banques octroient des prêts dans l’espoir de voir le travail se poursuivre dans le futur afin que ces prêts puissent être remboursés. Nous pouvons donc emprunter de la devise liée à la dette à une banque si nous lui promettons de la lui rembourser. Mais il arrive que cette confiance soit brisée. Toutes les promesses ne sont pas tenues, et le crédit implique des incertitudes, et établit clairement une différence fondamentale entre le risque de la monnaie et le risque d’une devise liée à la dette.

Toutes les devises liées à la dette présentent un risque de contrepartie. La raison en est très simple. Les devises liées à la dette sont des actifs financiers. Elles ne sont pas tangibles, et leur valeur n’est pas dérivée du travail. Plus précisément, elles sont les obligations des banques et, comme tous les comptables le savent, ce sont les actifs des banques – et non leurs passifs - qui ont de la valeur.

Les devises liées à la dette sont garanties par le crédit, plus spécifiquement les prêts sur les bilans des banques. Si ces prêts ne sont pas remboursés dans leur intégralité, la capacité d’une banque à honorer ses passifs – sa devise liée à la dette – se trouve entravée, ce qui impacte négativement la devise liée à la dette de cette banque. Si les défauts sont suffisamment importants, ils peuvent générer des paniques bancaires et, ultimement, des faillites de banques.

Comme Mr Morgan l’a expliqué à Mr Untermyer, le crédit n’est pas de la monnaie. Ainsi, les dollars de sont pas de la monnaie, et ne circulent qu’en tant qu’unités de devise liée à la dette, à la place de la monnaie. Cette réalité, selon laquelle les devises nationales sont les obligations des banques – explique pourquoi elles présentent un risque de contrepartie et, pour aller plus loin encore, pourquoi la monnaie, c’est l’or. 

Lorsque vous payez pour un bien ou un service grâce à une pièce d’or, un actif tangible qui est le produit du travail – de l’or – est échangé contre quelque chose de substance et de valeur qui est aussi le produit du travail – le bien ou service acheté. Avec l’or, cet échange prend fin au moment où le métal change de main. Voyons ce qui se passe avec des dollars ou des unités d’autres devises.

Quand des dollars sont utilisés pour acheter un bien ou service, l’échange ne prend pas fin. Un bien de substance – le bien ou service – est échangé contre du crédit sous la forme d’un substitut monétaire circulant à la place de la monnaie. Le bien de substance n’a donc pas été rémunéré, puisque son vendeur a reçu en échange des dollars qui présentent un risque de contrepartie. Cet échange ne prendra pas fin avant que le vendeur se débarrasse de ses dollars en les donnant à quelqu’un d’autre en échange d’un bien ou service. C4est là la signification cachée du témoignage de Mr Morgan, qui était très bien comprise en 1912.

Seule la monnaie peut permettre d’acheter un bien ou service. Seul un actif tangible permet de clôturer un échange. L’or a été une monnaie pendant 5000 ans, bien que d’autres actifs tangibles aient aussi été utilisés de temps à autres, généralement en des temps extraordinaires ou des situations d’urgence ou, pour le cas de l’argent, afin de permettre la circulation de dénominations plus petites permettant de finaliser des échanges de moindre valeur.

Quel aurait donc été le résultat si la Terre n’avait jamais contenu d’or ? Il semble logique de penser que la monnaie n’aurait jamais émergé de la Préhistoire, ce qui signifie que l’économie de marché n’en serait jamais sortie non plus.

L’or est spécial. Il a été central au développement de la civilisation. Et l’or est unique. Les autres actifs tangibles se détériorent, ternissent, rouillent, se consomment ou finissent par disparaître. L’or s’accumule et ne disparaît jamais. Excepté pour les quantités d’or perdues au travers de l’abrasion de pièces ou du métal encore enfoui dans les épaves de bateaux ou encore enterré pour ne jamais être découvert, tout l’or jamais produit existe encore aujourd’hui, que ce soit sous forme de barres, de pièces ou de quoi que ce soit d’autre.

Tout au long de l’Histoire, de l’or a été produit afin d’être utilisé comme monnaie. Même s’il ne circule plus en tant que monnaie aujourd’hui, ou plus autant qu’en 1912, il demeure encore de la monnaie.

Le témoignage de Mr Morgan ne date que de quelques années après la panique de 1907 et l’effondrement de Knickerbocker Trust Company, l’une des plus grosses banques new-yorkaises de l’époque. Nous avons assisté à des paniques bancaires ces dernières décennies, mais elles se sont toutes produites au sein d’un monde de devises liées à la dette. Historiquement, les paniques bancaires sont causées par un besoin de sécurité ou, en d’autres termes, de préservation de capital afin d’éviter un risque de contrepartie. Un certain niveau de sécurité a ainsi pu être obtenue au travers de la conversion en or des promesses non-tenues des devises liées à la dette. Une banque vous doit de la devise liée à la dette, alors que de l’or vous appartient directement.

La dernière ruée bancaire vers l’or a eu lieu pendant la Grande dépression, que pratiquement plus personne aujourd’hui n’a connue. Ce qui explique pourquoi si peu de gens prêtent attention au risque représenté par les devises liées à la dette. Ils n’ont jamais eu l’opportunité de tirer des leçons de leur expérience.

Il existe un vieux dicton qui veut que la sagesse commence par appeler les choses par leur nom. Mr Morgan a choisi ses mots avec exactitude et sagesse.

« La monnaie, c’est l’or, et rien d’autre. »

 

 

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