Suite de l’article
précédent
La
« table rase », c’est l’idée que
notre esprit serait vide de toute prédisposition, de toute
organisation préétablie et qu’il n’y aurait pas de
nature humaine. (Voir la première partie ici). Cette idée est
contestée par les récentes recherches scientifiques en biologie
et apparaît de plus en plus comme un mythe Quels sont donc les enjeux
politiques et économiques d’une redécouverte de la nature
humaine par la nouvelle biologie évolutionniste ?
L’impasse du féminisme
Si
les enfants étaient des « tables rases »
à la naissance, comme l’enseignent les sciences sociales, nous
pourrions les modeler afin qu'ils soient conformes à nos
projets. Mais si nous sommes nés avec certaines aptitudes
physiques et mentales, les réformes sociales pourraient bien
être des utopies. C’est le cas précisément de la
parité. Les différences entre les sexes font que les mesures
visant à instaurer une parité rigide entre les sexes dans tous
les secteurs de la vie est une utopie féministe tout aussi
néfaste qu’irréaliste.
Les
femmes ont en moyenne, un profil d’aptitudes et d’émotions
différent de celui des hommes. La compétition économique
ou politique n’est pas leur priorité. La
supériorité hiérarchique et la perspective de gagner de
plus gros salaires les intéressent moins. La plupart des femmes ont des
buts multiples dans leur vie et elles souhaitent continuer à
s’impliquer dans leur famille, leur communauté, leur vie sociale
et privée.
C’est pourquoi, contrairement à
l’idée reçue, les inégalités de salaires ne
sont pas toujours le produit d’une discrimination.
Beaucoup de femmes acceptent
volontiers un salaire moindre pour un emploi qui correspond mieux à
leurs attentes : travailler avec des gens qu'elles respectent, accomplir
des activités socialement utiles, bénéficier d'horaires
flexibles. De plus, les métiers qui attirent davantage les femmes,
comme l’enseignement ou les soins, ne sont pas les mieux payés,
ce qui explique en partie les différences de salaires. Dans le domaine médical, par
exemple, on constate que les femmes sont attirées par des
spécialités comme la médecine généraliste
et la pédiatrie qui sont moins bien rémunérées que
celles qui attirent les hommes : chirurgie, pathologie ou radiologie.
L’échec des
politiques égalitaristes
L’échec
des politiques inspirées de l’idéal égalitariste
repose d’abord sur l’idée erronée que les
comportements peuvent être façonnés indépendamment
de la nature et de la volonté des individus. L’idéal
égalitariste de la gauche tend nécessairement à
réduire le libre arbitre. En effet, la liberté d’agir
selon ses propres projets est à l’origine même des
inégalités économiques et sociales que
l’État-providence cherche à supprimer.
Ainsi
l'intérêt personnel fait que les systèmes
économiques compétitifs fonctionnent mieux que les monopoles
d'État tandis que le désir de dominance fait que les
bureaucraties puissantes deviennent facilement la proie de politiciens
autocrates et ambitieux. De même l'ethnocentrisme naturel de notre
espèce peut pousser les mouvements nationalistes à la guerre et
au génocide.
Mais
dire que c'est le mobile de l'intérêt égoïste qui
commande les relations d'échange, ne veut pas dire que
l'intérêt seul suffise à harmoniser et à pacifier
les rapports sociaux. La morale ne disparaît pas pour autant des
rapports interindividuels. Cela veut dire que toute tentative
d’éradiquer l’intérêt personnel pour le
remplacer par une solidarité forcée est vouée à
l’échec. Ceux qui continuent à penser que toute
caractéristique humaine peut être modifiée par
l’impact de « bonnes » institutions sociales ne
sont pas crédibles.
Science et morale : attention à la confusion
Si
la biologie nous montre que l’homme est naturellement plus
infidèle que la femme, cela implique-t-il qu’il soit moins
immoral pour un homme d’être infidèle ? Si les
pulsions sexuelles sont naturelles, faut-il en conclure que le viol est une
bonne chose ? Non, évidemment. Ce type de raisonnement est
appelé
« sophisme naturaliste » et il consiste à penser
que tout ce qui est dans la nature serait bon et que ce qui est inné
ne pourrait pas être moralement mauvais.
De
même, si le viol est immoral, faut-il penser que la pulsion sexuelle
n’est pas naturelle ? Si
la fidélité est une attitude vertueuse, faut-il en conclure
qu’elle est naturelle ? Bien que, moralement parlant,
l'adultère et coureur de jupons soit coupable, cela n'a aucune
incidence sur l'aspect naturel du désir ou du besoin. Un autre sophisme est donc le
« sophisme moraliste », qui consiste à penser
que si un comportement est immoral, il ne doit pas se trouver dans la
nature.
Ces
sophismes résultent d’une confusion entre science et morale,
entre les faits et les valeurs. L'objet de la science est de décrire
ce qui est. La morale se distingue de la science en ce qu'elle produit des
jugements normatifs, donc non testables. De son côté, la science
produit des constats positifs, donc réfutables. La morale ne peut se fonder sur des assertions réfutables.
On ne peut fonder l’idée que les hommes et les femmes sont
également respectables sur le fait qu’ils ont le
même QI moyen, par
exemple. Et inversement,
les découvertes scientifiques ne peuvent pas réfuter des
assertions morales. En d'autres termes, ce que nous devrions
faire ou ne pas faire (selon les normes morales), n'est pas identique
à ce que nous sommes biologiquement incités à faire ou
à ne pas faire
Conclusion
Cette
nouvelle approche de l’esprit humain par la théorie
évolutionniste a le mérite de réactiver un certain
nombre de questions philosophiques ancestrales sur la nature
humaine. Les hommes sont-ils fondamentalement bons ou mauvais
? Sont-ils naturellement égoïstes ou altruistes ?
Sont-ils des animaux sociaux ? Sont-ils des individus rationnels qui ne
cherchent qu’à maximiser leur utilité ? Si
l’inné et l'acquis façonnent nos caractères et
déterminent notre destin, quelle est la part exacte de chacun
? Avons-nous une volonté libre ? La moralité est-elle
innée ou acquise ?
La nouvelle synthèse darwinienne
nous permet de mieux comprendre quelles sont les inclinations naturelles et
universelles que nous pouvons tenir pour raisonnables et celles dont nous
devons au contraire nous méfier. De même que la science
économique, nous éclaire sur les moyens nécessaires
à l’accomplissement de nos fins, la compréhension de la
nature humaine, envisagée à la lumière de la
théorie de l’évolution, peut nous aider à mieux
discerner la viabilité et les coûts de nos décisions
politiques.
L’idée
que l’homme est un produit de l’évolution permet
également de rejeter l’utopie d’un perfectionnement
indéfini de l’homme par la révolution, par des
changements sociaux ou par l’éducation. Ce
que nous apprend la nouvelle biologie, ce n’est pas que tout serait
déterminé, c’est que le relativisme culturel n’a
aucune base scientifique.
|